*
2004 est l’année du soixantième anniversaire du Débarquement de Normandie et de la Libération. La période est propice à la parution de travaux sur le sujet. Les éditions Autrement, bien connues pour leur collection Atlas/Mémoires, publient cet Atlas de la libération de la France.
L’auteur est Stéphane SIMONNET, historien, doctorant en Histoire contemporaine à l’Université de Caen. Il est rattaché au pôle scientifique du Mémorial de Caen et fut, durant cinq ans, responsable du Service des archives et de la documentation. Il a à son actif plusieurs ouvrages publiés aux Éditions du Mémorial, dont Le Culte du Maréchal, L’épopée de la France Libre ou La Libération de Paris, entre autres.
*
Le plan de l’Atlas est globalement chronologique, à l’exception du chapitre central et du chapitre final. L’ouvrage est largement visuel, conformément à ce qu’on attend d’un atlas, avec 69 cartes et 16 graphiques ou schémas en 65 pages de contenu. Chaque document est lié à un encadré textuel.
La première partie est consacrée aux opérations militaires de la Normandie à la mer du Nord : 6 juin – 25 septembre 1944. La plupart des cartes de ce chapitre sont issues de l’Atlas du débarquement et de la bataille de Normandie (chez le même éditeur). Après quelques pages consacrées aux préparatifs du Débarquement, l’avance alliée et les contre-attaques allemandes sont décrites par le menu. Des cartes fort classiques, mais qui permettent de suivre le déroulement des opérations avec facilité. Un utile graphique des pertes humaines.
La deuxième partie décrit les opérations militaires de la Provence à la Bourgogne, du 16 août au 12 septembre 1944. Cette partie de l’histoire militaire est souvent le parent pauvre de l’affaire, souvent évacuée dans les manuels scolaires. Stéphane SIMONNET lui rend sa place, avec notamment quelques parties originales sur les prévisions des Etats-majors et leur réalisation. On oublie souvent le rôle de la Première Armée française dans la Libération du pays et la rapidité de la remontée vers Lyon : cet oubli est bien réparé.
La troisième partie est thématique et consacrée à la Résistance, de la veille du 6 juin à la période qui suit immédiatement la Libération. Là encore, l’auteur commence par réparer un oubli fréquent : la Corse est libérée, par les troupes françaises, en octobre 1943. Des cartes originales sont à signaler : l’implantation des maquis sur le territoire national, les actions de résistance en Normandie avant le jour J, les effectifs de la Résistance (bien que la carte soit sémiologiquement incorrecte), la provenance des effectifs F.F.I. C’est incontestablement la partie la plus originale de l’ouvrage.
La quatrième partie reprend le fil du récit et analyse la lente fin de l’Occupation, de septembre 1944 à mai 1945. C’est peut-être au cours du récit de la libération de l’Alsace que le lecteur mesurera le mieux à quel point la campagne de France n’a pas été une partie de plaisir : 8 pages seront nécessaires pour entrer en Allemagne ! Là encore, cet ouvrage fait œuvre utile : nombreux sont les lecteurs qui s’imaginent que la Libération s’est achevée avec celle de Paris. Les réduits atlantiques ne sont pas oubliés, non plus que le secteur des Alpes (qui sait que les armées françaises ont frappé aux portes de Turin ?). L’auteur évoque enfin l’exode des populations civiles de l’été 1944. Un bémol : la carte qui rappelle les grands axes de libération (p.61) aurait sans doute été plus utile en début de première partie, afin de mieux appréhender le contexte général des opérations : les massacres de Tulle et d’Oradour, par exemple, se comprennent mieux ainsi.
La cinquième et dernière partie évoque les lendemains de la Libération et joue donc le rôle de conclusion. Le «tour de France» du général de Gaulle n’est cité que sous forme de tableau : c’est dommage. Les cartes politiques sont plus classiques (émergence du P.C.F.). En revanche, la carte des exécutions et des sanctions lors de l’Epuration est plus originale, comme le sont celles des prisonniers et des rapatriés, dont on regrettera seulement que les flux n’aient pas été quantifiés.
*
Un atlas d’histoire essentiellement militaire.
En raison de la nature du sujet, la place accordée aux opérations militaires est évidemment première. Le récit des opérations est généralement clair et bien mené. Les aspects stratégiques et tactiques sont en revanche survolés d’un peu haut. On est loin de Liddell Hart et de ses analyses lumineuses (cf. sa célèbre Histoire de la Seconde Guerre mondiale). Mais on n’en pourra guère faire le reproche à l’auteur : après tout, ce n’est pas là son objectif et son Atlas n’a évidemment pas les dimensions nécessaires.
La mise en page de l’atlas et la pratique de l’encadré.
La mise en page de l’Atlas se fait autour d’une double page qui rassemble, en moyenne, une courte introduction, deux cartes et leur commentaire, une citation, deux autres encadrés de texte. On s’y perdrait ! Et l’on s’y perd en effet, car l’ordre n’y est rien moins que logique. Un exemple (pp.16-17) : la contre-attaque allemande sur Mortain du 7-8 août est traitée en page de gauche, chronologiquement, 2, 7, 8 août… Puis la carte de droite présente le front au… 1er août ! D’autres pages sont encore plus chaotiques (pp. 24-25, 30-31, 32-33…). La pratique de l’encadré casse le fil du récit, fragmente l’intégration des connaissances… Cette mise en page quasi journalistique ne rend pas justice à l’incontestable compétence de l’auteur.
Les citations
Chaque double page est égayée (si l’on peut dire) par une citation, en blanc dans un cercle noir du plus funèbre effet, d’un personnage historique : Montgomery, Eisenhower, de Lattre, Pétain, de Gaulle, ou d’autres moins connus, tout le monde y passe. Le lecteur y trouvera-t-il un quelconque intérêt ? Rien n’est moins sûr, tant le caractère fragmenté de la mise en page l’éloigne du propos central. Peut-on mettre de tout dans un ouvrage de 80 pages ? N’aurait-on pas gagné en lisibilité en se passant de ces citations ?
Une cartographie la plupart du temps efficace.
La cartographie est claire, agréable. Les symboles militaires utilisés sont classiques, avec ce problème fréquent qu’ils sont en fait plus lisibles dans le détail qu’au niveau global de la carte. Difficile de voir d’un seul coup d’œil la répartition des divisions de Panzer. Le lecteur sera sans doute également surpris par le trajet en pseudo-3D des escadrilles aériennes (p.13), qui rend le fond de carte assez déconcertant : la tentative est intéressante, mais peu convaincante. En revanche, les zones maritimes de faible profondeur (baie du Mont Saint-Michel, par exemple) auraient gagné à se débarrasser de ce jaune sable qui amène la confusion avec les plages de débarquement. Les légendes communes à toutes les cartes figurent dans un rabat de la deuxième de couverture, mais malheureusement dans le mauvais sens : impossible de déplier le rabat pour examiner la légende en même temps que les cartes de page gauche. Voilà qui est fort regrettable. Regrettable également le choix des couleurs : couleurs chaudes pour les Alliés, mais un bleu froid pour la France, qui la rapproche des Allemands, traités en vert… Le symbole des troupes aéroportées fera immanquablement penser à une célèbre entreprise de fabrication de hamburgers, mais ce n’est là qu’anecdote amusée. L’essentiel est que les cartes sont nombreuses, soignées, expressives. Leur format, pour la plupart, décevra le lecteur philatéliste mais satisfera ceux qui aiment voir et comprendre.
*
L’Atlas de la libération de la France ne comporte finalement que des défauts de détail. Il remplit parfaitement son rôle d’ouvrage de vulgarisation, sans qu’il faille y voir la moindre nuance méjorative. Mettre à la portée de tous une information simplifiée sans être simpliste, voilà un objectif parfaitement tenu. Le professeur comme le lecteur curieux pourront y trouver une matière visuelle et donc vivante de ce passé aux multiples facettes. De quoi célébrer ce soixantenaire en sachant de quoi on parle.
Compte-rendu par Christophe CLAVEL
Copyright Clionautes 2004.