La question de l’Asie du sud-est se trouve au programme de terminale ainsi que celle sur les espaces maritimes dans le cadre des dynamiques de la mondialisation. Le livre est structuré en quatre parties. L’introduction insiste sur le poids de l’histoire, la difficulté à définir la zone étudiée et rappelle le développement économique de cet espace. Il s’agit d’un ensemble de 600 millions d’habitants que l’auteur compare souvent à l’Union européenne. L’ouvrage comprend un certain nombre d’annexes, comme de très bons repères sur les pays, avec leurs principaux indicateurs. On trouve aussi une bibliographie et une chronologie très utiles.
L’émergence d’une région
L’auteur précise qu’aucune culture dominante n’a jamais rassemblé la région. Cela ne veut pas dire que des influences n’ont pas eu lieu et il est vrai que dans la zone il y a de vastes voisins comme l’Inde ou la Chine. Ces pays jouent un rôle grâce à leurs diasporas. C’est un ensemble aussi vaste que l’Union européenne même si le poids des espaces maritimes ne donne pas a priori cette impression. Pour bien comprendre cette diversité, on peut prendre appui sur les calendriers extrêmement différents. C’est en tout cas un ensemble difficile à définir et s’il y a un point commun pour cette zone, c’est qu’elle a majoritairement été définie par des gens venus de l’extérieur. Cela souligne au passage le poids de la colonisation. Le mot d’Asie du sud-est apparaît dans un contexte particulier, celui de la Guerre froide. Le chapitre se conclut en évoquant la construction économique qu’est l’AsSEAN. C’est la seule véritable organisation régionale de la zone et elle tend à s’affirmer. Si on poursuit la comparaison avec l’Union européenne, qui eut notamment pour fondement d’éviter le retour de la guerre, l’ASEAN, elle, est née de la perception d’une menace commune dans le cadre de la guerre froide. Mais, après 1990 et la disparition de la menace communiste, les dirigeants asiatiques font de plus en plus référence au modèle européen. Une particularité forte de l’ASEAN fut qu’au moment de sa création, elle ne correspondait pas à son centre économique mais plutôt à ses marges. Aujourd’hui, cela change avec l’émergence de la Chine et de l’inde.
Une mosaïque de situations
Comment embrasser une telle diversité ? Avant tout signalons le point commun de la zone : la croissance par l’industrie et l’exportation. La diversité est d’abord ethnolinguistique. Hugues Tertrais l’explique à différentes échelles. Les langues et les écritures diffèrent et quatre au moins cohabitent dans cinq pays voisins. On apprendra peut-être l’existence d’une carte d’identité ethnique dans de nombreux pays de la zone. Cette diversité aboutit à poser une question : celle des minorités. La diversité concerne aussi le chiffre de population, même si l’auteur invite à des nuances. Certes, la population a explosé en Asie du sud-est : le Vietnam aujourd’hui est 1,5 fois plus peuplé que la France, c’est-à-dire son ancienne puissance coloniale, alors qu’à un autre moment le rapport était de 1 à 3 en faveur de l’ancienne puissance coloniale.
Les densités varient dans la zone de 25 à 1000 habitants au kilomètre carré. Muriel Charras rappelle dans un verbatim : « Java peut-elle devenir à la fois la rizière, la ville et l’usine de l’archipel ? ». Dans la double page sur les déplacements de population, l’auteur rappelle qu’en terme de migrations, il y a principalement des mouvements à l’intérieur de la zone.
Croissance ou développement
La zone ayant été cernée, puis qualifiée globalement de zone émergente économiquement, il faut encore s’interroger sur l’évolution : croissance ou développement comme l’indique le titre de la partie. A la page 49 et suivantes, Hugues Tertrais s’intéresse notamment au bassin du grand Mékong ce qui permet d’étudier le barrage de Nam Theun, cas que l’on peut d’ailleurs aborder en seconde. Cette zone conjugue les relations, dissensions et un fort potentiel économique. La page 50 propose les profils de consommation énergétiques d’une dizaine de pays de la zone. On constate alors le poids des hydrocarbures. On remarquera aussi dans cette partie que l’Asie reste attractive avec 22 % des IDE. Plus important encore, l’auteur souligne que «l’Asie du sud-est a aujourd’hui les moyens de partiellement s’autofinancer ». L’auteur aborde ensuite la question des performances économiques et des spécialisations. Toutes catégories confondues, la Thaïlande produit maintenant plus de véhicules que le Royaume-Uni : voilà le genre d’informations pour saisir le basculement du monde dans certains secteurs emblématiques. Le tourisme est aussi une vraie force de la zone pouvant représenter au Vietnam 7 % du PIB. La zone s’urbanise et le phénomène de métropolisation s’intensifie, même si beaucoup de pays restent encore majoritairement ruraux. Vingt-huit villes pourtant comptent plus d’un million d’habitants dans la zone, dont la moitié se situe en Indonésie. Les risques demeurent très présents dans la zone.
Les enjeux maritimes
Le livre évoque le cas de la mer de Chine. Une double page très utile s’intitule « ports et activités marchandes » avec un document sur les ports à conteneurs. Le détroit de Malacca voit passer 70 000 navires par an ! L’atlas propose des cartes à différentes échelles. Parmi les autres focus très utiles, un sur les « hydrocarbures en off shore ». Hugues Tertrais évoque le projet Prélude qui consiste en une usine flottante de 500 mètres qui devrait permettre l’exploitation et la transformation du pétrole. La zone de l’Asie du Sud-Est produit 40 millions de tonnes au niveau de la pêche, soit environ l’équivalent du reste de la production du monde. Le poids actuel de la Chine fait qu’on oublie parfois ce qui se passe ailleurs dans la zone et l’atlas permet justement d’élargir la focale.
Voilà donc un atlas à la fois très utile dans le cadre des programmes de lycée avec des documents exploitables et qui offre à tout à chacun d’intéressantes mises au point sur cette zone essentielle.
© Jean-Pierre Costille, Clionautes.