Cet ouvrage est né de plusieurs programmes de recherche sur la culture montagnarde face aux risques dans les vallées des Pyrénées centrales régulièrement touchées par des catastrophes naturelles et encore en juin 2013. Une équipe pluridisciplinaire, géographes de l’université de Toulouse , ethnogéographes, démographes, architectes propose une somme sur l’évolution du pays Toy en particulier au cours des deux siècles derniers : étude du sentiment du ou plutôt des risques, pratiques des bergers-éleveurs, une mise en mémoire des savoirs, savoir-faire utiles à la réflexion actuelle sur le développement durable.

.Le CD-ROM qui accompagne ce livre est une mine de documents : photos, cartes, présentation de cas précis qui pourront être utilisés en cours malgré sa faible interactivité.

La définition du concept de culture du risque et ses expressions constituent le cadre des travaux : type de construction, pratiques agricoles, transmission orale et mémoire du risque seront tour à tour présentés en détail. Ce travail amène à une réflexion sur la notion de territoire.

Risque, histoire, identité et territoire

Cette première partie s’ouvre sur le cadre méthodologique, les concepts et principes qui ont guidé la recherche : approche pluridisciplinaire du risque, représentations individuelles et collectives, collecte de la mémoire orale et son rapport à l’histoire. C’est à une géographie du territoire, une approche globale que nous invite les auteurs.

La connaissance du terrain passe ici par l’histoire du pays Toy et plus spécialement sur les deux derniers siècles pour comprendre l’organisation socio-spatiale et l’évolution des perceptions su risque : description minutieuse de l’habitat, de l’organisation sociale pyrénéenne, de l’impact du tourisme thermale puis d’hiver à Barèges, des modes de vie et des conditions de travail des éleveurs.
Des risques multiples pèsent sur ces hautes vallées, sur une population à forte identité et comme l’écrit Monique Barrué-Pastor « à haute turbulence ».

L’identité a évolué parallèlement à l’évolution économique et politique en particulier chez les éleveurs traditionnellement liés à leur montagne et ses paysages et confrontés aux aléas économiques de la baisse des cours de la viande, à la réintroduction contestée de l’ours et au développement touristique. Le sens même du mot « Toy » est interrogé auprès des habitants, introduit une intéressante étude de la toponymie et renseigne sur la symbolique du risque.

Les auteurs se sont livrés à une enquête historique , une recensement des catastrophes naturelles du secteur depuis 1400. Ils proposent une méthodologie transposable en d’autres lieux. Avalanches, éboulements et glissements de terrain sont mieux connus depuis la fin du XIX ème siècle, à la fois plus proches dans le temps et par la présence en montagne des hommes et des activités économiques susceptibles d’être touchées.

Risques, savoirs et architecture vernaculaire

Consacrée à l’architecture des granges fortifiées cette seconde partie renseigne à la fois sur l’histoire du risque et sur les savoirs et savoir-faire des habitants pour s’en protéger.

L’avalanche a de tout temps été présente, après un rappel des types d’avalanches rapportés au langage local on voit comment depuis la fin du XVIII ème, date à replacer sans doute dans le contexte du petit âge glaciaire, les bergers éleveurs ont construit des bâtiments d’élevage, granges et maisons d’habitation adaptées au risque. Leur évolution dans la vallée de Barèges est présentée en détail : de 1860 à 1897 au contact du génie militaire et de l’action des agents des eaux et forêts (tournes et autres paravalanches, reboisement). La réflexion sur la place de l’avalanche dans la société montagnarde s’appuie sur l’étude des stratégies de déplacements et d’installations.

Une véritable typologie de l’architecture est proposée : inventaire, recueil des données, descriptions des granges fortifiées assorties de croquis et de photographies qui illustrent l’adaptation au terrain. Ces éléments sont à retrouver dans le CD-ROM joint.

Vécus, représentations et pratiques du risque

Pour montrer que la culture du risque est fondamentale dans l’identité des bergers-éleveurs Toys les auteurs s’appuient sur une enquête de terrain, une collecte de récits de vie et de la mémoire des familles. Outre la méthodologie employée c’est toute l’évolution des représentations collectives depuis la création des communes (1843-2009) qui sont présentées : rôle des communes et de l’état à partir des entretiens de 3 maires retranscrits ici. Ils évoquent l’oubli récent de l’histoire des risques et de la gestion pastorale valléenne. De longs entretiens dont des extraits pourraient être utilement proposés aux élèves.

L’auteur met en évidence les différentes représentations des personnes interrogées en fonction du niveau d’étude et de la place dans l’organisation socio-économique du village.

Tout un chapitre est consacré à une typologie des témoins entre partisan inconditionnel des savoirs vernaculaires, rapport fataliste et risque subi, minimisation du risque voire occultation, vécu traumatique, occultation du risque connu au profit de risques émergents (socio-économique, prédation sauvage – ours, vautours). La retranscription des entretiens constitue une mine documentaire pour l’enseignant.

Gestion des risques et action politique

Concernant la période la plus récente (1986-2009) les divers épisodes catastrophiques sont observés. Il s’agit de déterminer l’exposition aux risques à l’échelle communale dans un territoire où l’urbanisation à vocation touristique accentue le problème qui est à prendre en compte dans l’élaboration des PER Plan d’Exposition aux risques puis PPR Plan de Prévention des Risques non sans contestation.
Les conflits autour de ces plans attestent à la fois des différentes représentations du risque, de l’identité Toy et de la légitimité déclarée, contestée des experts, opposant deux logiques prévention et protection (constructions interdites ou adaptées). La planification autour du risque devient alors un enjeu d’aménagement du territoire.

Le risque au cœur de la ressource touristique ?
L’analyse de l’évolution récente du tourisme autour des APPN Activités physiques de pleine nature monter que la montagne devient un terrain de jeu quelquefois à risque. Mais c’est aussi la reconnaissance d’un patrimoine culturel lié aux risques qui est mis en valeur.

La conclusion ouvre vers un nouveau débat : le risque d’érosion de la biodiversité, facteur de soutien possible aux traditions d’élevage. Quelle place pour les bergers-éleveurs dans la valorisation du site ?

Un ouvrage passionnant.