« Combler un vide : en effet, il n’existe pas, à notre connaissance, d’atlas contemporain de l’Égypte, alors qu’il y a plusieurs atlas de l’Égypte ancienne ou antique ». Cette phrase, en introduction de l’ouvrage, résume en partie l’intention éditoriale de cet atlas. Il ressort, en effet, la volonté d’apporter un éclairage contemporain de l’Égypte, sortant des représentations classiques des atlas historiques sur ce pays.

Cet ouvrage a été réalisé sous la direction de Karine Bennafla, professeur de géographie à l’Université Jean Moulin de Lyon et directrice du CEDEJ (Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales, étudiant principalement l’Égypte et le Soudan) de 2015 à 2019 et spécialiste des questions frontalières en Afrique, ainsi qu’Hala Bayoumi, ingénieure de recherche au CNRS en mathématiques appliquées aux sciences humaines et sociales, lauréate de la médaille de Cristal du CNRS (2017) en lien avec ses travaux algorithmiques pour constituer des bases de données intelligentes via la reconnaissance de caractères pour traiter de millions de titres de presse égyptiens. Cependant, chaque double-page apporte son lot d’auteurs, et montre la volonté d’illustrer la dimension universitaire de cette collaboration, tout en se revendiquant pour « un large public ». Les cartes ont été réalisées par Claire Gilette.

Les auteurs ont choisi un plan organisé par thèmes. Après une introduction qui pose les motivations de cet atlas, suit une présentation en 7 thématiques qui dénote d’une transdisciplinarité tout en recherchant la spatialité des processus que connaît l’Égypte (mondialisation, conflits, inégalités, culture…).

La première partie initie la question de la « Géohistoire et géopolitique ». On retrouve ainsi un développement associant le questionnement du passé de la puissance de l’Égypte par des événements marquants (« 1956 : l’agression tripartite ») tout en associant les enjeux contemporains de conflictualité comme avec l’exemple de la ressource en eau (« Tensions sur le Nil ») ou des migrations (« Une place évolutive au sein des migrations internationales »).

La partie « Vie politique » insiste à nouveau sur la dimension historique pour expliquer la construction de l’Égypte contemporaine tout en montrant la diversité actuelle des mouvances politiques égyptiennes, associant les femmes, les mouvements islamistes… Les auteurs nous incitent ainsi à penser la diversité de la politisation, source de dynamisme mais aussi de fragilités.

La troisième partie (« Société et démographie ») nous oriente vers une dimension plus sociale et culturelle. La démographie égyptienne croît de manière exponentielle et pose des enjeux en terme d’éducation et de santé. La caractéristique égyptienne réside aussi en la polarisation de la population autour du fleuve Nil. Cette partie, comme on l’attend pour ses thématiques, apparaît fournie en chiffres.

Étonnamment, la quatrième partie enchaîne sur « Le Grand Caire » alors qu’on pouvait s’attendre à un maintien d’une argumentation thématique pour garder des cas concrets plus tard. Il n’en n’est rien mais l’étude de cette métropole et mégapole amène de nombreuses réflexions. Les auteurs traitent de l’étalement urbain mal contrôlé au détriment des terres arables, la rénovation du centre-ville, la gestion des déchets et les projets de « ville nouvelle ». Une analyse à une échelle locale est la bienvenue avec l’exemple du marché de Matariya, illustrant les échanges et la culture du souk.

Une étude régionale constitue la partie « Provinces égyptiennes » et fait là encore réfléchir sur la pertinence de ce choix. Chaque région est traitée par ses caractéristiques et permet un regard synthétique et précis. On peut prendre l’exemple de l’oasis de Kharga, traitée sous la dimension environnementale (rappel géologique de la provenance de l’eau) et politique (projets d’aménagements du désert pour l’eau et par l’eau).

« Économie et environnement » reprend une dimension thématique pour présenter les principaux secteurs de ce pays émergent tout en insistant sur ses dimensions inégalitaires et ses liens avec la mondialisation. On pourra regretter que la question environnementale n’apparaît qu’en second plan (par le biais de l’énergie et du recyclage).

Pour finir et faire le lien avec ce qui est de plus connu concernant l’Égypte, la question de la « Culture et Patrimoine » qui permet une actualisation des connaissances sur les principaux biens culturels issus de sa gloire antique tout en montrant les nouvelles dimensions de la puissance culturelle égyptienne (comme le cinéma).

Pour résumer, ce livre apparaît comme un outil de qualité pour toute personne cherchant à mettre à jour ses connaissances sur l’Égypte. Dans le cadre d’un atlas, la diversité des documents est notable mais on aurait pu apprécier des cartes mieux légendées et plus détaillées pour guider d’autant plus le lecteur sur les dynamiques et processus en cours en Égypte. Il reste cependant un excellent investissement pour les étudiants et enseignants souhaitant développer ces thématiques égyptiennes.