Spécialiste du monde arabe et du Moyen-Orient aux XIXe et XXe siècles et maître de conférence à l’université Paris Sorbonne, Anne-Laure Dupont présente une troisième édition d’un atlas de l’islam avec plus de 120 cartes et infographies réactualisées. L’ouvrage se divise en trois parties : la présence de l’islam des origines à aujourd’hui, les lieux et les pratiques de la religion et enfin, la politique et l’idéologie déclinées par les États contemporains.
La présence de l’islam
Ce premier volet explique la naissance et la diffusion de l’islam par la conquête, la mission et les migrations. Il expose la répartition des 2 milliards de musulmans dans le monde d’aujourd’hui en insistant sur la diversité des niveaux de vie, de leur langue et de leurs confessions. Si les croyants de la troisième religion monothéiste de l’histoire sont présents partout dans le monde, ce chapitre insiste sur trois espaces, la France, le monde russe et les Balkans, où les musulmans finissent pas s’accommoder de leur situation minoritaire et de leur diversité confessionnelle remarquable. Même l’arabe n’est pas considéré comme la seule langue de l’islam.
Les croyants de l’islam ne sont pas monobloc. Ils ont rarement vécu sous une même autorité. Le califat constitue un titre symbolique attaché à un idéal d’unité communautaire et sa vacance éveille des ambitions politiques.
Lieux et pratiques de l’islam
Souligner la diversité des musulmans ne doit pas occulter les facteurs d’unité profonde en lien avec les traditions : les rites, les lieux de culte, d’étude et de pèlerinages, les villes saintes et les mausolées, sont toutes les formes de sociabilité propres à l’islam, anciennes ou plus récentes, forgées dans les structures associatives et les organisations internationales. De nombreux croyants y puisent une force de transmission de la foi et une proximité avec Dieu. Toutes les formes d’ésotérisme dont le soufisme conduisent à une meilleure compréhension de la Révélation. Les confréries sont l’un des modèles de la sociabilité musulmane contemporaine, orientées vers la réinscription de l’islam dans des législations sécularisées (Frères musulmans) ou le service (Ferthullah Gülen).
De puissantes organisations internationales comme l’OCI (organisation de coopération islamique), cherchent par ailleurs à centraliser la concertation entre les musulmans comme le préconise le Coran, sur le modèle de l’ONU.
Islam, politique et idéologie
Les États qui composent l’OCI entendent défendre une souveraineté récente arrachée souvent de haute lutte, après la chute d’empires disparus au cours du XXe siècle. Cependant la référence à l’islam recouvre des formes variées. Certains pays se définissent comme laïque telle la Turquie alors que d’autres sont islamiques avec des différences très notables comme l’Arabie Saoudite, le Pakistan ou l’Iran.
Depuis l’abolition du califat, la charîa est devenue le symbole de l’identité islamique des États. L’interprétation de celle-ci comme système juridique est politique et devient caractéristique des mouvements englobés sous l’étiquette « islamisme ». Protéiforme, l’islamisme revêt toutes sortes d’attitudes et de stratégies. Une partie de cette mouvance s’est radicalisée en réactualisant la notion de jihâd. Certains y ont vu un moyen de prendre le pouvoir et d’autres, une tentative de recréer un califat. Les impasses de la lutte armée ne cessent d’interroger les musulmans eux-mêmes: quelles voies l’islam doit-il prendre pour s’adapter au monde moderne ?
A contrario, la fin d’un pouvoir unique a nourri un courant inverse qui plaide pour la dépolitisation de l’islam et la séparation de la religion et de la politique. Il faudrait alors sur le plan intellectuel, supposer une lecture critique du Coran et de la sunna, de l’âge d’or de la communauté de Médine, pour montrer qu’il n’existe pas de système politique spécifiquement musulman.
Comme beaucoup d’atlas des éditions autrement, cet ouvrage se révèle efficace et concis. Il sera apprécié par les professeurs et les étudiants qui ont besoin d’une mise au point rapide sur l’islam d’hier et d’aujourd’hui.