Tracer le portrait d’une génération à son époque contemporaine est un exercice difficile. Cela l’est d’autant plus que « les frontières de la jeunesse bougent : l’entrée dans l’adolescence est plus précoce et le passage à l’âge adulte est quant à lui plus tardif. » La diversité l’emporte. Rien de comparable entre les « jeunes des villes » et les « jeunes des champs », entre ceux de la métropole et ceux des territoires ultrapériphériques, entre ceux obligés de travailler pour payer leurs études et les autres, entre les jeunes valides et les jeunes en situation de handicap.
Pour relever ce défi, les deux auteurs, sociologue et économiste à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire (INJEP), ont organisé leur étude entre cinq chapitres tous introduits par les dessins de Riad Sattouf, tirés de « La vie secrète des jeunes », album paru en 2007. Sont ainsi examinés, après avoir dressé le portrait d’une génération, la question de « devenir adulte » [Cécile Van de Velde. Devenir adulte, sociologie comparée de la jeunesse en Europe. PUF, 2008->http://clio-cr.clionautes.org/spip.php?article4218], celle de l’existence d’un culture jeune, celle des rapports des jeunes aux situations de danger ou bien au fait de militer et de s’engager.
Ce volume fourmille de documents réutilisables dans les cours d’éducation civique ou d’ECJS voir même d’histoire avec cette double chronologie qui montre les dates clés de la jeunesse en 1950 et en 2000. Si, entre ces deux dates, beaucoup d’âges repères ont changé, il n’en est pas de même sur un temps plus court comme permettent de le constater d’autres documents. Halte aux idées reçues ! Les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas des rapports sexuels plus précoces que leurs parents même si le contrôle parental des sorties avant 18 ans s’est relâché. De même, si le nombre de mineurs mis en cause dans des affaires de violence est plus fort en effectif en 2011 qu’en 1996, le pourcentage par rapport à leur classe d’âge diminue. C’est parce que les jeunes sont plus nombreux qu’on a l’impression qu’ils sont davantage mis en cause, les média aidant !
La dernière partie de l’ouvrage consacrée à la thématique de l’engagement démontre que loin d’être une classe d’âge résignée, la jeunesse est prête à jouer un rôle dans la société si l’on en croît les taux d’adhésion aux associations et leurs prises de responsabilité au sein d’elles ou même leur investissement en tant que bénévoles. L’ouvrage s’achève sur la question de la mobilité des jeunes. Celle-ci est un facteur discriminant. « Un jeune ayant changé de région entre le collège et la fin de ses études a près de deux fois plus de chance de trouver un emploi qu’un jeune qui n’a pas été mobile. » Quand on constate que la valeur famille est jugée très importante pour 80% des 18 – 29 ans en 2008 (chiffres en croissance par rapport à 1990), on comprend mieux les réticences à quitter le cocon familial pour aller faire des études. Car ce n’est pas la famille autoritaire qui est plébiscitée mais la famille « espace démocratique au sein duquel l’affectivité est mise en avant. » Si la jeunesse semble différente, c’est aussi parce que la société dans laquelle elle évolue à changer. Voilà une clé de lecture qu’il faut avoir en tête pour étudier n’importe quelle catégorie d’âge !
Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes