Il s’agit de la nouvelle édition (septembre 2008) de cet atlas. Sur le site de l’éditeur (novembre 2008), les deux éditions sont présentes.
Les auteurs sont Pierre Beckouche, professeur de géographie à l’Université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, l’élargissement européen et la géographie économique sont parmi ses thèmes de recherche ; Yann Richard est maître de conférences à la même université, il s’intéresse davantage à l’Europe orientale aux relations avec les voisins de l’UE. Delphine Digout, géographe-cartographe au CNRS est responsable des cartes (elle a également travaillé sur L’atlas des langues du monde chez le même éditeur) et Alexandre Nicolas, cartographe-géomaticien indépendant les a actualisées (il a participé à L’atlas géopolitique d’Israël, L’atlas militaire et stratégique toujours chez Autrement).
L’ouvrage est préfacé par Pascal Lamy, ancien Commissaire européen et actuel Directeur général de l’Organisation mondiale du commerce.
A la fin de la présidence française de l’Union européenne, ce petit ouvrage est d’une lecture salutaire !
Cette nouvelle Europe, issue notamment des élargissements de 2004 et 2007, dessine un nouvel espace européen, largement décalé vers l’est, mais pas seulement : les cartes proposées sont centrées sur l’Europe mais englobent également d’autres territoires. L’Europe, un des trois pôles de la Triade, ne se réduit pas à l’Union européenne mais étend son influence sur la rive sud de la Méditerranée et à l’Est. Ici la région envisagée, l’Euroméditerranée, comprend 57 pays, est peuplée de près d’un milliard d’hommes et représente plus du tiers de la richesse mondiale. Il faut donc ici renoncer à notre vision traditionnelle depuis Pierre le Grand d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, et les changements d’échelle sont instructifs.
L’ouvrage se compose de quatre parties différentes :
-L’environnement régional
-Vers un territoire commun
-Enjeux, conflits, partenariats
-Construire une région mondiale
La première partie en présentant l’environnement régional met avant tout en avant la diversité du territoire. Si la richesse économique est importante, les différences existant entre les pays soulignent la persistance de l’ancienne frontière du rideau de fer au sein de l’Europe. Les réseaux satellitaires quant à eux montrent comment l’Europe diffuse sa culture et sa vision du monde auprès de ses voisins. Mais pour les langues, les ressources naturelles, l’éducation des filles, les systèmes de santé… ce sont les différences qui l’emportent. Les deux pages sur le comportement démographique sont éclairantes : l’opposition entre une Europe du Nord (au sens large) malthusienne et un espace sud méditerranéen est évidente, la natalité du sud contraste avec l’effondrement des naissances dans la zone européenne, le rapport démographique devrait s’équilibrer d’ici à 2050. Alors, si les différences sont si grandes, pourquoi choisir de présenter cette zone comme une seule région ?
C’est ce que cherche à montrer la deuxième partie : les liens entre ces différents territoires sont importants et en forte progression. Ainsi les flux migratoires, les politiques migratoires, les flux touristiques ou d’étudiants tissent des relations fortes entre le nord et le sud, l’est et l’ouest. Les échanges culturels sont notamment mis en évidence par le cinéma. Les flux aériens montrent une certaine marginalisation de l’Europe du nord mais des liaisons très fortes entre l’Afrique du nord et la Turquie. Les échanges de marchandises et la balance commerciale soulignent à nouveau l’opposition nord/sud et est/ouest. Les flux internationaux de capitaux mettent en évidence les liens entre l’Europe occidentale avec la Pologne, la République tchèque, la Russie, la Turquie, l’Egypte et le Maroc.
Dans une troisième partie, ce sont les tensions qui sont étudiées et les risques potentiels qui en découlent. Les enjeux de l’approvisionnement énergétique sont montrés avec les exemples du pétrole et du gaz, et le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine ne peut que souligner la pertinence des choix ; demain ce sera vraisemblablement l’approvisionnement en eau et des difficultés sont à prévoir pour le nord de l’Afrique. La géographie des armes, les conflits existants en Euroméditerranée, les menaces environnementales soulignent à leur tour la fragilité du territoire. La pacification reste un objectif majeur, les troubles en Géorgie de l’été 2008 nous le rappellent. Les ONG apparaissent dans ce contexte comme de nouveaux acteurs internationaux.
Enfin, la dernière partie promeut l’idée militante de la construction d’une nouvelle région mondiale, d’une Europe fortement élargie qui renforce ses liens avec ses voisins proches et plus éloignés. Les relations avec les Balkans comme avec les pays de la CEI sont cartographiés. Bien évidemment le cas de la Turquie est étudié ainsi que ceux de l’Ukraine et de la Croatie. Mais la rupture avec une partie de l’opinion publique, réticente face à l’ampleur des changements est soulignée. Néanmoins, la réalité des liens avec le voisinage, ainsi que le métissage culturel de toute la zone, est encore une fois affirmé dans la conclusion.
L’ouvrage comprend également une chronologie de la construction européenne, une bibliographie enrichie d’une liste de sites web ainsi qu’un glossaire (particulièrement bienvenu pour nombre d’accords ou alliances diplomatiques peu connu par le lecteur néophyte).
La qualité de la réalisation est à remarquer, notamment la précision et la finesse de la cartographie de Delphine Digout ; il y a peu de choses à reprocher, en dehors d’une coquille dans la chronologie indiquant à deux reprises l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne en 2009.
Ce petit atlas synthétique et facile à utiliser est à mon avis incontournable pour tout enseignant ayant l’UE comme thème d’études (3e, 1e ou Tale) et notamment pour ceux qui ont à concevoir des sujets d’examens, ils y trouveront des documents stimulants !
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