Cette revue qui réunit les contributions des chercheurs en histoire politique et parlementaire est présentée pour la troisième fois par le service de presse des Clionautes. Elle rassemble des contributions très spécialisées sur les parlements pendant la Grande guerre. Ce n’est pas un sujet très courant ni très connu. pourtant, dans tous les pays belligérants, comme la France, l’Allemagne, l’Italie mais aussi l’Empire ottoman, les assemblées parlementaires, qu’elles aient eu un pouvoir effectif ou non, ont pesé dans l’évolution des évènements.

Pour Nicolas Roussellier L’image d’un parlement faible pendant la guerre doit être aujourd’hui très largement révisée. Face aux changements entraînés par la guerre, notamment le pouvoir accru du commandement militaire et la croissance de l’exécutif, les assemblées françaises ont su inventer et mettre en pratique un « parlementarisme de guerre » (Fabienne Bock) qui s’est révélé assez efficace. Avec le gouvernement Clemenceau, le parlement est davantage soumis à l’exécutif mais les débats sont permanents et le contrôle parlementaire existe. Toutefois, les parlementaire aux lendemains de la guerre sont restés discrets sur leur rôle, sans doute pour ne pas l’opposer à celui des soldats du front.

Charles Ridel étudie ici le scandale des embusqués. Les membres du Parlement faisaient-ils partie de cette catégorie de mauvais français qui se dérobent à leur devoir ? Machine à piston ou agence d’embuscade, c’est aisni que la rumeur populaire désignait le Parlement. Maurice Barrès député, ne s’illustre comme pas comme un débusqueur ce que lui reprochent certains membres de la Ligue des Patriotes qu’il préside. Par contre un dispositif législatif est adopté contre les embusqués, avec les Lois Dalbiez et Mouriez.

Alexandre Niess évoque les Régions libérées à la Chambre des députés. La question de la reconstruction est d’autant plus importante que certains historiens considèrent que cette reconstruction qualiment à l’identique a été une occasion manquée de modernisation. Les hommes qui représentent ces régions à la chambre et au gouvernement sont au nombre de 145 à la Chambre bleu horizon.

Un très intéressant article de Vahakn N. Dadrian et d’Alexandre Niess , examine le rôle de l’État, du parti des jeunes turcs et des parlementaires face au génocide arménien (1908-1916). Pour mener à bien une politique génocidaire, les structures gouvernementales et parlementaires traditionnelles ne peuvent suffire. Le cas du génocide arménien ne diffère en rien. Le parti ittihadiste porte en lui les ferments nécessaires au développement d’une politique génocidaire à l’encontre d’une minorité nationale, dans un contexte de défaites dans les Balkans. Le parti Ittihad ve Terraki est centralisé et dirigé par des hommes profondément arménophobes qui utilisent le parti et les parlementaires issus de celui-ci pour mettre en couvre une véritable politique génocidaire à l’encontre des Arméniens.
Les premières attaques contre les arméniens ont commencé à Adana en Avril 1909.
Même si le Sultan Abduhamid s’était déjà distingués en à partir de 1894. Jean Jaurès a d’ailleurs dénonçé le massacre des populations arméniennes dans un discours à la Chambre des députés le 3 novembre 1896.
Cet article permet de comprendre pourquoi la mécanique génocidaire s’est mise en place. Celle-ci conduit à la création d’une Organisation spéciale au sein du Parti Jeune Turc, (Ittihad) et au soutien à la politique du gouvernement de Tallat Pacha le principal organisateur du génocide arménien. Il aurait donné l’ordre de « tuer tous les hommes, femmes et enfants arméniens sans exception ».

Carlotta Latini traite du rôle du Parlement italien pendant la guerre. Celui-ci se réunit en sessions suite à une convocation royale. Mais il est rapidement relégué au second plan, le Gouvernement prenant en main l’activité législative.
Cependant, la faible autorité du Parlement en Italie a sans doute favorisé par la suite l’intérêt pour des solutions autoritaires.

Torsten Oppelland Les débats sur la guerre sous-marine et la neutralité américaine au Reichstag 1914-1917.
Exclu de la prise de décisions en matière de politique étrangère depuis Bismarck, le Parlement allemand a voulu incarner l’Union sacrée, le Burgfüeden.
La décision de mener la guerre sous-marine sans restriction contre la Grande-Bretagne. comme réponse au blocus britannique de l’Allemagne, sans considération pour les neutres, comme les États-Unis a déclenché leur entrée en guerre. Pourtant des voix discordantes s’élèvent en 1916. Au sein du Reichstag, les sociaux-démocrates, les libéraux de gauche et le parti du centre soutiennent la solution proposée du Chancelier Bethmann Hollweg, consistant à stopper les attques des U-Boot. Pourtant, en octobre 1916, Hindenburg et Ludendorff, partisans de la guerre sous-marine ont obtenu le soutien du Zentrum.

Si on connait bien la chambre bleu horizon en France après 1918, le Reichstag feldgrau est bien moins connu. Nicolas Patin dans La guerre au Reichstag : la génération du front entre en politique ? démontre que la moitié des députés du Reichstag de la République de Weimar a fait la Première Guerre mondiale. Cette expérience a sans doute joué un rôle important dans la crise politique permanente qui conduit à une radicalisation de la société allemande constatée après la grande crise.

Christophe Maillard évoque Pierre Biétry (1872-1918), un parlementaire iconoclaste. ancien ouvrier, leader du mouvement jaune, qui de 1899 à 1914, a rassemblé de nombreux ouvriers hostiles à la lutte des classes, est député du Finistère de 1906 à 1910. Élu dans la circonscription de Brest contre le candidat socialiste Émile Goude est un marginal malgré son appartenance à la Fédération Nationale des jaunes de France qui regroupait 100 000 adhérents. Ce mouvement qui opposait une alternative à la lutte des Classes est à l’origine de cette appellation de « jaune » qui désigne les « briseurs de grèves ».

Anne-Laure Anizan propose également une contribution sur Paul Painlevé, le savant et le politique.
Le mathématicien Paul Painlevé fut un « personnage consulaire » de la III` République pour lequel le Parlement organisa des funérailles nationales et une inhumation au Panthéon en 1933. Député et Ministre pendant 23 ans, il a été Dreyfusard à partir de 1898 et Candidat de gauche chez les socialistes indépendants il s’élève pendant la guerre contre la toute puissance de l’État-Major, avant d’œuvrer après 1921 à l’Union entre socialistes et radicaux. L’article analyse les raisons et les formes Painlevé repose sur un mariage entre compétences scientifiques et ancrage à gauche.

Pascal Marchand s’interroge sur l’avenir de la déclaration de politique générale, cet exercice obligé des Présidents du Conseil et Premiers Ministres sous les IIIe, IVe et Ve Républiques. L’analyse assistée par ordinateur des déclarations de politique générale permet à la fois d’en cerner le genre et d’en observer l’évolution tout au long de la V` République. La dernière élection présidentielle a été l’occasion d’une innovation, puisque l’Élysée – comme les commentateurs – ont qualifié de déclaration de politique générale un discours que le Président a prononcé devant sa majorité parlementaire. En était-ce vraiment une ? Quel effet cela a-t-il pu avoir sur celle du Premier ministre ? Il est clair que la Présidence Sarkozy et la volonté du locataire de l’Élysée de s’adresser directement au Parlement risque de changer la portée de cet exercice. D’un certain point de vue, l’évènement que constitue au Congrès, le Discours sur l’État de l’Union, par l’occupant de la Maison Blanche peut sans doute inspirer les politiques de l’hexagone et contribuer à une nouvelle perception du rôle du Parlement. Par contre, le Premier ministre deviendrait alors encore plus marginal pour ce qui est de la détermination et de la conduite de la politique de la Nation. La lette de constitution de la Ve République serait ainsi fortement infléchie.