Pascal Marchand, professeur à l’université à Lyon II est spécialiste de l’Europe Orientale et plus spécifiquement de la Russie, nous offre un travail cartographique et synthétique dans cette très bonne collection Atlas/Monde. Il complète parfaitement les autres écrits récents sur ce pays de Jean Radvanyi et de Denis Eckert qui ont fait suite à la décision de mettre cette question à l’écrit des concours de l’Education Nationale en Histoire et Géographie. Le côté géopolitique, spécialité de l’auteur qui a publié récemment un ouvrage sur la géopolitique de la Russie, a été privilégié. En effet, les trois parties indiquent cette nette tendance géopolitique et géostratégique : « Les éléments de la puissance », « La puissance face à ses défis » et « Les intérêts géostratégiques de la Russie ».

Cet « Etat-continent » a connu un « trou noir » lors de la décennie 1990. Son territoire qui s’est divisé en une quinzaine de républiques en 1991 a été ramené dans ses limites de 1683. Sa puissance militaire est réelle même si elle n’est que le fantôme de celle de la période soviétique. Cette vision catastrophiste arrive dans un certain sens en contrepoint de l’analyse de Denis Eckert qui, plus qu’une puissance « reformatée », insiste sur la professionnalisation progressive de son armée voulue par Vladimir Poutine et les efforts continus sur sa technologie nucléaire.
La recherche de partenariat stratégique au niveau international est constante. Ses entreprises cherchent à avoir un poids mondial pour contrer une concurrence toujours plus vive comme pour l’industrie du métal (on pensera à la tentative avortée de la fusion avec Arcelor) ou l’industrie aérospatiale. Cette industrie fut démantelée après 1991. Elle est très largement aux mains de ceux qu’on appelle les oligarques comme R. Abramovitch, accusés d’avoir capté, pour leurs propres intérêts, la propriété publique. Néanmoins, les IDE sont encore rares et ne sont concentrés, pour la plupart, autour de Moscou.

Les défis de la Russie sont nombreux. La gouvernance d’une nouvelle fédération fut un des points noirs de la décennie 1990. Eltsine pour régler ce problème créa un poste de gouverneur dans les Oblasts. Les gouverneurs en place se comportèrent comme des potentats mettant au goût du jour une « fédération de fiefs féodaux ». V. Poutine en finit avec l’élection des gouverneurs et les désigna directement les assujettissants ainsi au pouvoir central. L’auteur envisage ensuite de donner formes aux défis démographiques dans une Russie multiconfessionnelle. Mais les principaux défis se trouvent dans la maîtrise des transports avec un réseau de communication le moins dense de tous les pays développés. Les lourds investissements nécessaires ne semblent pas pouvoir être réalisés. Néanmoins, P. Marchand semble optimiste quand il envisage le système des Cinq mers censé développer le transport fluvial. Néanmoins, ce sont les transports qui insèrent de nouveau le pays dans le système monde à l’instar de Saint Pétersbourg, dont d’autres auteurs ont tout de même montré les faiblesses. La question énergétique est aussi un défi vital pour le pays. Les énormes gaspillages dû aux faibles prix des matières premières conduisent à douter d’une politique sur le long terme d’autant plus qu’il s’agira, à l’avenir, d’investir massivement pour améliorer le transit et l’exploitation. L’auteur insiste sur le caractère polluant de ses ressources qui grèvent un avenir durable pour l’ensemble des territoires. On prendra soin de bien étudier les cartes sur les villes russes qui insistent sur la domination, l’hyper-métropolisation de Moscou et dans une très large moindre mesure de Saint Pétersbourg. Le reste de cet « Etat-continent » n’étant caractérisé que par des « bribes » d’urbanisation couplé à un exode rural toujours important.
L’étude des intérêts géostratégiques de la Russie permet d’avoir une vision à 360° aux abords de son territoire. La route du nord, d’une importance majeure tombe progressivement en désuétude même si la lutte récente pour les ressources off shore pourrait relancer un intérêt vital pour la région et revitaliser ainsi la ville de Mourmansk. C’est la Baltique qui semble préoccuper le plus les russes. La perte des trois pays baltes a posé le problème de l’exportation du pétrole. Le pouvoir a décidé de la création, dans le golfe de Finlande, de ports pour rivaliser avec eux. Les relations à l’ouest avec les voisins ukrainiens et biélorusses sont liées à leur fonction de transit. Les crises de 2005 et 2006 avec ces deux nouvelles républiques ont eu des conséquences fâcheuses sur les populations voire sur la stabilité du pays (surtout en Ukraine). C’est vers le Caucase et la Mer Noire (qui concentre le trafic le plus important de la Russie à l’exportation) que les relations sont les plus problématiques avec la Géorgie ou encore la Tchétchénie. Les pays riverains de la Russie en Asie Centrale et en Extrême Orient sont des espaces de contraintes souvent pour le pouvoir du Kremlin. On utilise certains pays issus du bloc soviétique pour contourner la Russie alors que la proximité de la Chine, l’atelier du monde, ne bénéficie que peu au pays. Cette dernière constation est liée à la faiblesse du peuplement mais aussi au déficit des réseaux de circulation. Moscou est donc en quête de nouvelles voies lui permettant de sécuriser son commerce.

Cet ouvrage dont les cartes sont en tout point admirables et les données de première importance est d’une lecture aisée qui peut s’envisager aussi pour des points particuliers, comme un véritable dictionnaire. On peut regretter quelques manques de développement mais le format de la collection ne le permet pas totalement. Il conviendra parfaitement aux candidats à la préparation aux concours mais aussi aux CDI des établissements scolaires qui gagneront à offrir à leurs élèves une synthèse aussi intéressante d’un pays souvent mal connu et pourtant qui se trouve au cœur des enjeux internationaux. Les élections présidentielles de mars 2008 le démontreront encore une fois.

@Clionautes