Qui est-il ? : bras de mer plus ou moins resserré entre deux côtes, il met en relation deux étendues d’eau. Telle est la définition du détroit. Ce type de configuration géographique est un enjeu géopolitique majeur dans une économie mondialisée. Aujourd’hui, 20 % des besoins de l’Europe en pétrole et 80 % de ceux du Japon et de la Chine sont acheminés via les océans. Le détroit du Pas-de-Calais voit passer chaque jour environ 450 navires soit environ 165 000 par an.
Les détroits, éléments structurants de l’espace maritime
Ils sont plus ou moins fréquentés. Le système mondial compte une trentaine de sites majeurs dont une douzaine de points d’étranglement de rang mondial. Aux fonctions de circulation maritime s’ajoute la fonction de point de passage de câbles de communication. Dans la région de Suez convergent 23 câbles conférant à l’Egypte un rôle stratégique mais sept seulement sont sous-marins. Le détroit de Malacca possède à la fois une dimension internationale et un rôle de mer intérieure. La question de la profondeur et de la largeur des voies navigables est devenue cruciale en raison de l’accroissement de la taille des navires. Les auteurs reviennent ensuite sur la question du contrôle juridique des détroits. Le principe de liberté de passage s’est peu à peu imposé. Le livre s’arrête sur quelques cas comme celui des détroits turcs. Les puissances européennes ont poussé au développement du principe de la liberté de transit dans les détroits et, pour les canaux stratégiques, avec des aménagements pour certains détroits objets de conventions spécifiques comme les détroits turcs. Un tableau synthétique résume les régimes juridiques applicables à la navigation à travers les détroits. Les auteurs précisent aussi le cas spécifique des archipels.
Les détroits, points de passage stratégiques
Le commerce mondial repose très largement sur les échanges maritimes qui représentent près de 90 % des échanges mondiaux. Les vraquiers et tankers représentent la part la plus significative de la flotte mondiale en termes de quantités de marchandises transportées. En fonction des évènements, les circuits sont parfois réorientés. L’ouvrage propose d’utiles tableaux de synthèse comme celui qui récapitule les caractéristiques des onze détroits et canaux majeurs. Il y a parfois convergence d’enjeux militaires et commerciaux. Pendant la guerre froide, la base de Keflavik en Islande permettait de surveiller la ligne GIUK ( Groenland, Islande, Royaume-Uni). L’ouverture potentielle des passages arctiques confère une nouvelle valeur stratégique à ce passage du GIUK. Le détroit de Malacca revêt une importance majeure pour la Chine avec, selon les chiffres, entre 65 et 90 % du commerce extérieur chinois qui y transite.
Des alternatives face aux goulots d’étranglement. Les détroits sont-ils incontournables ?
Les auteurs rappellent plusieurs faits récents comme l’épisode du Dali, ce porte-conteneurs qui a percuté un pont en 2024 à Baltimore ou celui de l’Ever Given en 2021 dans le canal de Suez. Un accident localisé a des conséquences à toutes les échelles. Depuis les années 1970, un rail a été mis en place au niveau du Pas-de-Calais pour organiser le trafic. Certains hubs portuaires se sont spécialisés dans la fonction de transbordement et de nombreux sont localisés à proximité de goulots d’étranglements majeurs du trafic maritime mondial. Le chapitre aborde aussi la question de la saisonnalité d’une navigation commerciale arctique. Les détroits sont donc incontournables et par conséquents vulnérables. Plusieurs cas de contournement sont présentés, que ce soit par la mer ou par la terre.
En conclusion, les auteurs, Frédéric Lasserre et Pauline Pic, soulignent que les passages maritimes conservent une valeur géopolitique majeure. La vulnérabilité de ces passages peut être politique et peut conduire à envisager des alternatives. Mais, il est indéniable que les détroits modèlent l’espace à plusieurs échelles.