70 capitales qui ont déménagé au fil des siècles
De nombreuses pays ont changé de capitales. C’est ce phénomène qui est étudié dans ce livre destiné au grand public par deux anciens collègues de HGGP qui intervenaient ensemble en classe, Frank Tétart et Pierre-Alexandre Mounier.
Le gouvernement indonésien est en train de construire Nusantara pour éviter les risques présents à Jakarta. En Égypte, le président al-Sissi développe la nouvelle capitale administrative dans l’Est de l’agglomération du Caire. Au Sud-Soudan, le gouvernement tient à vanter le projet de Ramciel malgré la guerre civile. Ces trois projets illustrent la volonté des représentants politiques ou militaires de déplacer une capitale.
Que ce soit pour renforcer l’unité d’un territoire, suivre « le rythme des affaires » (page 73), pour renforcer un centre, s’émanciper d’une tutelle, faire face à une menace ou pour mener un projet futuriste, les déplacements de capitale ne sont pas anodins. Les 70 exemples présentés dans cet atlas sont présentés en fonction des causes. L’accent a également été mis sur les capitales abandonnées comme Ribeira Grande au Cap Vert ou Belize City au Belize.
Chaque déplacement est présenté par un texte de deux pages, une carte généralement à l’échelle locale, un encart sur une anecdote et un rappel de l’étymologie du lieu (quand c’est possible). Parmi les nombreux exemples évoqués, ceux de Karachi au Pakistan, de Punakha au Bhoutan, de Iasi en Roumanie, de Colombo au Sri Lanka et de Fort-de-Possel en Centrafrique sont particulièrement originaux et éclairant sur les logiques géographiques qui ont justifié, pour leurs auteurs, un déplacement.
Le Pakistan devient indépendant sur la partition des Indes britanniques en 1947-1948. Le centre économique et le principal port du pays est Karachi. Avant 1947, la ville « abrite plus d’hindouistes que de musulmans » (page 31). Des migrations sont alors organisés dès l’indépendance, menant alors à une majorité musulmane (90% en 2025). Suite à un coup d’état en 1958, une commission est mise en place pour envisager un déménagement de la capitale. Karachi est considérée comme exposée aux troubles et difficilement accessible pour les Pakistanais du Cachemire. Le plan est confié à un grec (Konstantinos Apostolos Doxiadis). L’objectif de la nouvelle capitale, qui se nommera Islamabad en 1967, est de créer un foyer national musulman représentatif de l’identité de la nation.
Au Bhoutan, la petite ville de Punakha est une capitale organisée autour d’un monastère-forteresse et peu accessible par la route. A partir de 1955, des travaux sont menés afin d’accueillir le roi à Thimphou, une ville reliée à l’Inde par la route. Inaugurée en 1961, Thimphou devient alors la capitale d’été, puis la capitale permanente à partir de 1966. Ce n’est qu’en 1974 que la Bhoutan s’ouvre au tourisme.
En Roumanie, c’est la guerre qui explique le déplacement de la capitale, Bucarest, vers Iasi de 1916 à 1918. Bucarest est une ville moderne à la fin du XIXe siècle, surnommée la « Paris de l’Est » (page 229). En août 1915, la Roumanie déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie. L’entrée dans la ville des troupes allemandes le 6 décembre 1916 contraint l’administration roumaine à déménager en urgence à Iasi. L’approvisionnement est difficile et une épidémie de typhus guette. A l’issue de la guerre, l’armée et l’administration retournent à Bucarest. Désormais centre culturel et universitaire de premier plan, Iasi a été déclarée « capitale historique de la Roumanie » en 2018.
Capitale du Sri Lanka depuis 1412, Colombo est un port stratégique pour le commerce dans le Nord de l’Océan Indien. Prise par les Portugais puis les Hollandais, la ville devient anglaise en 1795. Devenue une colonie britannique en 1815 sous le nom de Ceylan, l’île devient indépendante en 1948. Pour marquer le coup, le premier ministre puis président Junius Richard Jayewardene convainc le parlement en 1979 de donner son accord pour déplacer la capitale. Le site retenu à 7 kilomètres de Colombo est celui d’une ancienne capitale cinghalaise jusqu’au XVIe siècle, Kotte. Cette nouvelle capitale administrative porte un nom particulièrement long à épeler : Sri Jayawardenapura Kotte. Inauguré en 1982, elle abrite le Parlement et plusieurs ministères. Le centre économique de l’île reste néanmoins Colombo.
En Centrafrique, le maréchal des logis Possel-Deydier est tué lors de combats contre un marchand d’esclaves. Il donne son nom à Fort-de-Possel, une capitale éphémère de l’Oubangui-Chari en 1906. Simple poste de commandement à la fin du XIXe siècle, Fort-de-Possel devient la capitale de la colonie pour mieux lutter contre le trafic d’esclaves. Entouré de marais et éloigné des lignes de chemin de fer, le village s’avère un choix désastreux. En décembre 1906, la ville de Bangui, bien plus accessible pour le commerce, est désignée pour devenir la nouvelle capitale. Fort-de-Possel n’a donc été la capitale de l’Oubangui-Chari que pendant quelques mois.

En conclusion, cet atlas au format original s’avère une lecture plaisante, riche et particulièrement originale. Les cartes de Gaëlle Sutton accompagnent efficacement les études de cas. Les déplacements de capitale sont toujours d’actualité en cette fin d’année 2025 : le gouvernement mongol a annoncé vouloir relancer le projet de « New Kharkhorum » pour remplacer Oulan-Bator comme capitale du pays.
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