La Seconde Guerre mondiale se termine en Asie : pour tout le monde ?
En 1945, la reddition du Japon a officiellement lieu le 2 septembre. Mais cette décision n’est pourtant pas admise et transmise à toutes les troupes disséminées sur les côtes du Pacifique. Parmi eux, 4 soldats isolés sur l’île philippine de Lubang continuent à poursuivre leur mission. Pour ces hommes, l’objectif est de défendre cette île stratégique pour protéger la baie de Manille. Ces soldats japonais, dont l’auteur de ce livre, l’officier Hiro Onoda, sont affectés aux Philippines et refusent de croire à la défaite de leur empire. Dans un groupe originellement composé de 4 soldats, Hiro Onoda s’engage alors dans une résistance jusqu’en 1974. Dès son retour au Japon, il écrit puis un livre en japonais retraçant son parcours chez Kodansha International. Ce texte original est traduit par Sachiyo et Sébastien Raizer.
Ce texte de première main s’avère extrêmement riche pour mieux connaître le parcours d’un soldat japonais de la Seconde Guerre mondiale, en poste aux Philippines en 1944-1945. La fidélité à l’empire est un leitmotiv qui poussera Onoda à tenir 29 années dans les montagnes de Lubang alors que les tentatives pour le faire sortir sont nombreuses et régulières.
Quand on y pense, les Américains sont vraiment bons pour falsifier les émissions de radio, pas vrai ? (…) Ils doivent enlever tout ce qu’ils ne veulent pas que l’on entende avant de rediffuser le tout quasiment en direct. Ils ont dû engager une équipe de gens très doués. Juste une petite erreur, et tout le simulacre serait révélé. Je leur tire mon chapeau. Ca doit être une tâche vraiment complexe !
Hiro Onoda, Au nom du Japon, La Manufacture des livres, 2020
De la Chine aux Philippines en passant par le Japon
Hiro Onoda est né en 1922 dans la préfecture de Wakayama, située au sud d’Osaka. Travaillant dans une usine de négoce à Hankou en Chine avant de s’engager dans l’armée, il est vite repéré et envoyé en formation à Futamata pour y devenir un agent de renseignement. Sa première mission est alors de mener une action de guérilla sur l’île de Lubang aux Philippines. Emmené sur un petit bateau, sa mission reste secrète. Il doit détruire l’aérodrome et l’embarcadère de l’île afin de limiter l’avancée américaine. Suivant à la lettre les ordres de sa hiérarchie, il n’arrive pourtant pas à ses fins. La guerre se termine alors officiellement. Mais en 1945, en trouvant des prospectus demandant aux derniers soldats japonais de se rendre, Hiro Onoda pense que la capitulation de son empire est une fausse information fabriquée par les Etats-Unis. Les raisons avancées dans le livre paraissent crédibles : des erreurs grammaticales et des imprécisions sont relevées dans certains prospectus. Pour un agent de renseignement, se rendre est un témoignage d’un infidélité à l’empire. Dans son esprit, la résistance sur l’île serait donc une contribution à l’effort de guerre d’un peuple pour son empire.
Je croyais sincèrement que le Japon ne se rendrait jamais tant qu’un seul Japonais serait encore en vie. Et réciproquement, si un seul Japonais était encore en vie, le Japon ne pouvait s’être rendu. Après tout, c’était là le serment mutuel que nous, les Japonais, avions fait.
Hiro Onoda, Au nom du Japon, La Manufacture des livres, 2020
De 1947 à 1974, 127 soldats japonais ont été retrouvés éparpillés sur des îles du Pacifique. Hiro Onoda est celui qui a vécu le plus longtemps en marge de la société, en se créant un monde miniature dans les montagnes de l’île. Son groupe est d’abord composé de 4 hommes : Akatsu qui s’échappera en 1949 après plusieurs tentatives d’évasion, le caporal Shimada abattu en 1954 par des soldats philippins sur une plage de l’île, Kozuka tué par la police philippine en 1972 et Hiro Onoda.
Une micro-société qui continue de combattre les Etats-Unis
En groupe, puis seul, Hiro Onoda se crée un véritable monde sur l’île. Son récit est très riche car il aborde tous les aspects de sa micro-société : les disputes entre les membres du groupe, les méthodes de construction de son abri, les mobilités saisonnières en fonction des saisons, les lieux de chapardage de fruits, vaches, métaux ou journaux, les débats sur la poursuite de la résistance ou l’évolution des combats. Le rôle joué par les journaux, magazines et affiches laissés par les membres des unités de recherche est très important : ils informent de l’évolution du Japon et du conflit. Mais Hiro Onoda et ses hommes en font généralement une lecture très critique : les journaux seraient imprimés par les Américains afin de les attirer dans un piège, tout comme les émissions de radio entendues sur un transistor volé à un riche philippin. Des habitudes se forment comme le vol de piles pour écouter le transistor, l’usage modéré des cartouches de fusil (12 par an environ).
De l’isolement à l’exposition médiatique
Au bout de 29 années, un étudiant-voyageur, Norio Suzuki, part à sa recherche et souhaite le faire sortir de son île. De nombreuses expéditions à pied ou depuis les airs, avec des soldats, son frère ou des membres de la société civile, s’étaient auparavant avérées infructueuses. Onoda raconte avoir entendu son frère à plusieurs reprises. Pour lui, sa voix est imitée par un américain parlant le japonais. La mort de Kozuka est une étape cruciale pour Onoda. Survivre seul est plus difficile car il faut protéger la tente, nettoyer les armes, chercher de la nourriture. Un contact est finalement établi entre Norio Suzuki et Onoda qui décide finalement de se rendre si le major Taniguchi le lui ordonne. Rapatrié au Japon en 1974, Onoda devient rapidement une célébrité à travers la télévision. Devenu libraire, son ancien supérieur vient le voir sur l’île de Lubang et lui demande officiellement de se rendre. Comme son frère Tadao, Hiro s’installe comme éleveur au Brésil. Il meurt à Tokyo en 2014, à l’âge de 91 ans. Aujourd’hui, un sentier de randonnée à Lubang porte son nom, l’Onoda trail.
Se plonger dans le récit d’Onoda est éclairant sur la formation et l’encadrement de l’armée japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. En classe de terminale, des passages de ce récit pourront être mobilisée afin montrer l’étendue et la violence du conflit dans le Pacifique. Le récit s’avère vivant et écrit de manière simple. Ce livre pourra également trouver sa place dans le rayon d’histoire d’un CDI, aussi bien en collège qu’en lycée. Ce livre est également une belle introduction aux techniques de survie dans un milieu à fortes contraintes.
Un texte captivant mis en lumière par un minutieux travail d’édition et de traduction.
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes