Sur les rives du Saint-Laurent qui furent le paysage de jeunesse de l’auteur, Michel Desgagnés, retrace l’histoire de la seigneurie et du village des Éboulements, aujourd’hui nommé Saint-Joseph-de-la-Rive.
Cette histoire commence avec la colonisation de la Nouvelle France.
Les prairies de grève, une grande ressource
Pierre Tremblay (1660-1736) fut le premier seigneur des Éboulements, de la grève qui au XVIIIe siècle représentait une ressource avec l’usage ancien d’y faire une récolte de foins. L’auteur évoque à la fois l’usage qu’en faisaient les censitaires qui exploitaient la frange côtière et l’état du droit sur la grève elle-même par l’étude des divers actes notariés et judiciaires de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Pour l’alimentation du bétail cet espace gardait au XIXe siècle un intérêt comme le montre plusieurs transactions qui rappellent les droits du seigneur mais aussi la construction de granges. Pourtant selon le cadastre, que le gouvernement était propriétaire des prairies de grève, les cultivateurs des Éboulements y récoltaient tout de même le foin jusqu’au milieu du XXe siècle.
La pêche
Encore un droit appartenant au seigneur, au XVIIIe siècle on pratique la pêche aux bélugas, les documents cités permettent de s’en faire une idée. On pêchait aussi les anguilles dont le droit fur vendu par le seigneur en 1770 non sans contestation par les riverains. L’auteur montre l’évolution de ces pratiques jusqu’à nos jours.
Une affaire de baleine1
Le 18 octobre 1734, des habitants des Éboulements, Joseph Gagnon, Louis Girard et Louis Gonthier fils, découvrent une baleine morte. L’auteur rapporte les débats sur cette baleine échouée ou trouvée morte dans les flots, ce qui montre les intérêts économiques d’un tel « cadeau ».
Les premiers navigateurs
L’auteur a recherché dans les documents officiels les traces d’une activité de pilotage des bateaux qui remontaient le St Laurent vers Québec. Les habitants des Éboulements ont aussi participé aux transports par barques sur le fleuve. Leur seigneur, du moins Basile Tremblay, fut lui propriétaire d’un petit bateau qui pouvait naviguer sur le fleuve jusqu’en Gaspésie. Les premières expériences de navigation explique peut-être le développement au XIXe siècle de l’activité de construction navale.
L’effervescence du XIXe siècle
À partir de 1810, chaque printemps que de nouveaux bateaux furent lancés des grèves des Éboulements, 117 entre 1810 et 1897 souvent pour les habitants du village comme le montrent les recensements. L’auteur présente l’activité de quelques-uns : charpentier de marine, marchands, navigateurs qui pratiquaient le cabotage sur le fleuve. Dans la seconde moitié du XIXe siècle les bateaux construits sont plus gros et peuvent être utilisés en mer (Plan du port p. 49), l’activité se développe et participe à l’approvisionnement de la ville de Québec. Le plus grand navire construit l’Alexina, enregistré en 1875 à 209 tonneaux a fait au moins un voyage en Europe, avant que l’activité de construction navale décline avec l’arrivée des premiers vapeurs.
La goélette
Le chapitre est consacré à ce type de bateau : description, usages, capacité à naviguer sur le fleuve.
Le quai
Qui dit navigation dit nécessairement installations portuaires même sommaires. Équipement connu grâce au devis de construction du quai de 1852. Le quai servit au transport de marchandises mais aussi, à partir de 1868, au transport de passagers effectué par une ligne régulière de vapeurs, la Compagnie des remorqueurs du Saint-Laurent (photographies p.68-69 et 72) et après 1920, la mise en place d’un service de traversier avec l’Isle-aux-Coudres.
Roger Lavoie et le naufrage de la Zélia
Ce chapitre rapporte les dangers de la navigation sur le Saint-Laurent, d’autant que la circulation était dense sur le fleuve. La tempête du 15 octobre 1876 a causé la perte de plusieurs voiliers2 dont la goélette La Zélia. L’auteur rappelle la vie et les états de service de son capitaine et propriétaire Roger Lavoie, natif des Éboulements et rapporte le récit du naufrage vers les îles Mingan dans le golfe de retour de pêche aux harengs au large du Labrador.
Le XXe siècle et la transformation des bateaux
Le XXe siècle est le lent déclin de la construction navale à Saint-Joseph-de-la-Rive. Le moteur remplace progressivement la voile, les marchandises aussi avec le transport du bois de pulpe pour les grandes usines à papier. De 1935 à 1952, ce sont dix nouveaux caboteurs sui sortirent des chantiers de Saint-Joseph-de-la-Rive (photographie en 1952 p. 90). Le chantier abrite aujourd’hui le Musée maritime de Charlevoix.
Grèves, plages et érosion
Ce dernier chapitre est consacré à l’érosion des berges du fleuve, aggravée par les grandes marées, et les glaces hivernales Les effets de ce phénomène présent dans les archives depuis le XVIIIe siècle, la première église des Éboulements fut-elle emportée par l’érosion on l’ignore mais une église du être reconstruite. Si la voie ferrée construite sur digue au début du XXe siècle a protégé le village aujourd’hui encore l’érosion menace et des enrochements tentent de la freiner.
L’ouvrage est complété par une liste des toponymes du bord du fleuve, une chronologie, une bibliographie et de plusieurs annexes : Arpentage des prairies de grève par Jean-Baptiste Larue, 1811, des actes notariés datés de 1768, 1858, 1876, la liste des bateaux construits entre 1782 et 1952.
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1Voir en annexe le texte de l’intendant Hocquart concernant une baleine trouvée en 1734, pp. 117-120
2Voir en annexe Récits de naufrages par Placide Vigneau pp. 131-138