Chifflet est un nom connu des Bisontins mais peut-être davantage parce qu’il fait référence au nom d’une rue et souvent guère plus. Ce livre invite donc à aller à la rencontre de cette dynastie de savants franc-comtois qui d’ailleurs eurent un rayonnement plus large que ce territoire.

Un savoir en construction

Cet ouvrage est le fruit d’une série de journées d’étude consacrées aux Chifflet et au réseau de savants autour d’eux. Initiées en 2003, poursuivies en 2005, elles offrent en 2007 un état des lieux des recherches, encore embryonnaires.
L’ouvrage est organisé en deux parties : tout d’abord une série d’études sur les Chifflet. Ensuite une première approche de ce que les auteurs nomment le « réseau des Chifflet ». Il offre aussi quelques reproductions dans un cahier central, ainsi que la traduction de textes anciens, comme la table détaillée de ce qu’on a appelé le cartulaire de Saint-Claude. Ces Chifflet souvent méconnus ont pourtant, par leur esprit de curiosité, joué un rôle dans plusieurs disciplines dont l’archéologie. Laurence Delobette et Paul Delsalle précisent bien que l’ouvrage ici proposé n’est nullement une synthèse mais bien plutôt quelques premières pierres d’un édifice qui reste à construire.
C’est à la fois intéressant de sentir cette histoire en train de s’élaborer, et en même temps parfois un peu frustrant de sentir qu’on manque d’éléments pour parfaitement déjà tirer profit de ces recherches.

Découvrir les Chifflet

Bernard de Vregille livre d’abord une sorte d’arbre généalogique commenté pour entamer la rencontre avec les Chifflet. Cet article reste utile tout au long de la lecture de l’ouvrage pour se repérer facilement. Un article sur Philippe Chifflet s’intéresse à la diffusion du culte marial en Franche-Comté. C’est le même personnage qui devient éditeur de décrets du Concile de Trente. Ainsi on peut se constituer un exemple local pour la période de la Renaissance et de ses suites. On est en tout cas ici en présence d’une véritable dynastie puisque outre ce Philippe Chifflet, l’ouvrage mentionne notamment Laurent, Claude ou encore Jean.

Le local et le global.

Plus intéressant encore est l’article sur Jean-Jacques Chifflet qui publia Vesontio, ouvrage sur la ville de Besançon. Certes, la sortie a lieu en 1618, mais on a là l’œuvre d’un humaniste de la Renaissance comtoise. Alors évidemment la date est tardive, mais on peut à partir de l’article de Bernard de Vregille constituer une biographie de Jean-Jacques Chifflet. On pourrait alors demander aux élèves de retrouver dans son itinéraire en quoi il témoigne, en quoi il incarne l’ homme de la Renaissance. Ainsi, après le collège, il passe par Dole, puis navigue à travers l’Europe, en passant notamment par l’Italie. En même temps il s’intéresse à plusieurs domaines : plantes médicinales, littérature, médecine.
Et sans être exhaustif, notons aussi qu’il choisit d’organiser son livre Vesontio avec une partie historique profane et une partie histoire religieuse. Il s’appuie enfin sur l’Antiquité. Le personnage apparaît décalé par rapport aux dates de la Renaissance « classique » mais c’est peut-être justement cet écart qui est intéressant. Utiliser une telle biographie, un tel parcours avec les élèves, aiderait dans un cas franc-comtois à rapprocher les élèves de leur histoire. Trop souvent ils ont l’impression d’apprendre une histoire qui ne s’est pas passée chez eux, mais là, ils pourraient se rendre compte que tel n’est pas le cas. Certes les Chifflet ne sont pas un exemple canonique, mais peu importe.
A cette occasion, l’on pourrait prolonger par un détour vers les Granvelle, toujours dans le cas franc-comtois. Gageons que d’autres régions ont autant d’exemples locaux intéressants à soumettre aux élèves. Et même sans faire de régionalisme, ces exemples de Chifflet ou de Granvelle peuvent être utilisés.
Tous les articles de cet ouvrage ne permettent pas une telle exploitation au service de nos cours de collège ou lycée et il faut reconnaître que certaines contributions sont à réserver aux spécialistes ou nécessiteraient une mise en perspective plus complète.

Nous sommes là avec les Chifflet au début d’un chantier. Le temps des synthèses n’est pas encore venu, mais quelques éclairages intéressants apparaissent pour articuler le local et le global, pour conjuguer l’histoire proche et celle que l’on lit dans les manuels.

© Clionautes.