Cinq navires emportant environ 260 hommes (le chiffre est variable selon les sources) sous la houlette de Magellan, lèvent l’ancre le 10 août 1519, de Séville. Leur objectif, en plus de trouver des épices, est de découvrir une nouvelle route menant aux Moluques, ainsi que de réaliser le premier tour du monde. Comme Christophe Colomb, le navigateur portugais met le cap à l’ouest, espérant trouver le passage vers l’océan qui borde l’autre rive de l’Amérique. Le 6 septembre 1522, ils ne sont plus que 18, à bord d’un seul et unique vaisseau, à atteindre l’Espagne, après avoir bouclé le plus fantastique des voyages de l’époque : la première circumnavigation, le premier tour du monde en bateau.
L’ensemble du voyage de Magellan est très bien connu, grâce notamment au Journal du voyage de Magellan, récit du périple d’Antonio Pigafetta, un des survivants du périple. Cet ouvrage en est une très belle adaptation. C’est lui qui, au travers de l’écriture de son journal, raconte l’expédition dans cette bande-dessinée.
Le premier tour du monde
Le récit commence huit mois après le départ de l’expédition. Magellan, tout au long du récit, est dépeint comme un homme taciturne et impitoyable, entièrement tourné vers sa mission et refusant tout compromis. Le voyage est marqué par de nombreuses tensions, des mutineries, des disparitions et des exécutions sommaires.
Les grandes étapes du voyage sont racontées au travers des yeux de Pigafatta, comme la découverte du détroit de Magellan et de l’Océan Pacifique. L’arrivée sur l’île de Cébu, dans l’archipel des Philippines, après une éprouvante traversée du Pacifique, marque un tournant dans l’expédition. Le roi de l’île est baptisé sous le nom de Charles, ainsi que 800 indigènes. Pour satisfaire son nouvel ami, Magellan commet l’imprudence de participer à une expédition punitive contre le roi de l’île voisine. Le 27 avril 1521, il meurt d’une flèche empoisonnée. Après sa mort, les nouveaux commandants se révèlent incompétents. Après la perte de plusieurs navires, c’est finalement El Cano qui prend le commandement de la Victoria, la dernière nef encore en état de naviguer. Il parvient à la ramener en Espagne, où les derniers survivants, dans une scène très émouvante, débarquent vêtus de simples chemises, pieds nus, portant chacun un cierge qu’ils laisseront brûler à l’église de Nuestra Señora de la Santa Maria la Antigua, comme ils l’avaient promis dans les moments de détresse et d’angoisse. Trois ans se sont écoulés depuis leur départ. L’album se conclut sur le récit de l’expédition par Pigafetta devant la cour du roi Charles Quint.
Un témoignage retranscrit en bande-dessinée
Ce respect de l’œuvre de Pigafetta est une des grandes forces de cet album.
La narration reprend les grandes caractéristiques de son ouvrage, Voyage autour du monde : il montre, par ses commentaires et ses explications, un sens de l’observation aiguisé, une curiosité et une envie de découvrir l’inconnu. Il s’intéresse, dans la bande-dessinée, aux mœurs des peuples rencontrés, certains étant accueillants et vénérant les marins de Magellan comme des Dieux, d’autres apparaissant comme sauvages et cannibales. Tout au long du récit, on a l’impression de voir au travers de ses yeux et de ses émotions, on partage ses doutes, ses peurs et les zones d’ombre de son témoignage. Par exemple, jusqu’à la mort de Magellan, Pigafetta ne parvient pas à deviner ses sentiments et ses pensées, s’en tenant à des suppositions ou à ses propres interprétations. De même, le destin de certains des hommes de l’équipage ou d’un des navires reste flou, le narrateur et les historiens ne sachant pas ce qu’ils sont devenus. L’ensemble est enrichi d’explications historiques, notamment sur le commerce des épices, ou la navigation avec les étoiles.
Ce très bel album a toute sa place dans les CDI des établissements scolaires. Des extraits peuvent être utilisés en Cinquième et en Seconde pour enrichir le cours ou comme support d’une étude de cas sur Magellan. Il est très accessible pour les élèves, au Collège comme au Lycée, et permet de découvrir autrement le premier tour du monde de l’Histoire, ses grandes étapes, ses apports et ses enjeux, les conditions du voyage et les relations complexes avec les peuples indigènes. Pigafetta est un excellent support pour les professeurs.