Jean-Paul Demoule est archéologue et ancien président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Il est professeur émérite à l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne.
I) Archéologie et « identité » : les manipulations de l’histoire
Dans cette première partie, Jean-Paul Demoule explique, en 10 chapitres, comment l’histoire peut être instrumentalisée par les différents pouvoirs en place, par les hommes politiques, par les journalistes ou « pseudo-journalistes » au nom de l’identité française. On pense au projet d’une « Maison de l’histoire de France » lancée par Nicolas Sarkozy en 2009 pour renforcer « l’identité nationale » dans un contexte de montée du Front National ou l’histoire de la « bague de Jeanne d’Arc » montée de toute pièce par Philippe de Villiers pour attirer les visiteurs au Puy-du-Fou. L’auteur décortique les discours des hommes politiques pour montrer qu’ils correspondent bien peu aux découvertes archéologiques en les simplifiant à l’extrême.
On s’amuse du discours de Nicolas Sarkozy à Lascaux en septembre 2010 où il affirmait, en présence d’Yves Coppens, qu’il « faisait bon vivre » à cette époque pour l’homme de Néandertal, alors que Lascaux a été peinte en pleine période glaciaire et que l’homme de Néandertal avait alors disparu depuis au moins quinze millénaires … Les politiques se servent bien souvent de l’histoire et de l’archéologie pour alimenter un mythe qui les arrange comme la « prise en otage des Gaulois », utilisés à droite ou à l’extrême-droite.
L’auteur revient ensuite, avec l’exemple d’Alésia, sur le rôle des journalistes qui alimentent la polémique concernant la localisation précise du site lors de l’ouverture du « MuséoParc » d’Alésia, donnant la parole à des « révisionnistes » qui situent le site dans le Jura, alors que les nombreuses fouilles archéologiques menées à Alise-Sainte-Reine montrent les vestiges du siège qui correspondent aux descriptions de Jules César, ne laissant aucun doute sur la localisation de la célèbre bataille. Jean-Paul Demoule rappelle ici que la recherche scientifique et l’archéologie ne font pas le poids, dans le cirque médiatique, face aux polémistes dont les ouvrages sont en tête de rayon dans les librairies alors qu’on n’y trouve pas ceux des archéologues qui, preuves à l’appui, présentent les résultats de leurs travaux.
II) L’archéologie, l’Europe, le monde et les fantômes de l’histoire
Dans cette deuxième partie, l’auteur fait un inventaire des politiques en matière d’archéologie dans les autres pays. Il développe entre autres deux exemples : celui de la Grèce où l’archéologie pâtit des plans d’austérité et celui du Japon, pays qui dépense le plus au monde pour l’archéologie mais dont les moyens sont en baisse. Les politiques mises en place dans d’autres pays sont aussi expliquées pour montrer que partout, finalement, c’est le marché qui est le grand décideur. Jean-Paul Demoule montre aussi ici que les vestiges archéologiques sont souvent les premiers visés dans les conflits. Tout le monde se souvient de la destruction des monuments romains de Palmyre par Daesh en 2015.
III) Sauver notre passé : une incapacité politico-administrative française
Cette dernière partie relate la mobilisation des archéologues pour faire adopter des mesures de sauvegarde du patrimoine archéologique par les gouvernements successifs, aidés par un intérêt croissant des français pour cette discipline. De la bonne volonté affichée avec la demande de rédaction d’un « Livre Blanc » par un ensemble de professionnels en 2013 aux hésitations des politiques, enlisement de la réforme et relances de la part des archéologues, Jean-Paul Demoule, qui a participé aux travaux, nous relate le difficile combat pour « sauver le passé » en mettant en place une réforme de l’archéologie préventive, malgré la volonté des pouvoirs publics d’imposer leur idéologie néolibérale.
Jean-Paul Demoule nous livre un ouvrage très engagé où il fait un bilan des politiques mises en place depuis de nombreuses années sur l’archéologie. C’est un véritable plaidoyer pour l’archéologie préventive que fait l’auteur, qui a toujours donné de sa personne par sa participation à de nombreux ouvrages, colloques, émissions, commissions, etc. en tant que spécialiste reconnu.
L’ouvrage est de lecture aisée, accessible à tous, même sans connaissances particulières sur l’archéologie. La démonstration est appuyée de nombreux exemples dont l’auteur donne les références afin que chacun puisse aller consulter les articles ou les reportages qui illustrent son propos.
Autre recension de l’ouvrage