Le monde romain atteint ses limites septentrionales en Bretagne, où il ne parvint jamais à conquérir durablement l’Écosse. Le limes s’y caractérise même par une certaine instabilité, puisque trois lignes fortifiées différentes se succédèrent au cours des siècles de la présence romaine. En quatre siècles de présence, et malgré une demi-douzaine d’expéditions militaires, la situation ne trouve donc jamais un équilibre durable. Il est vrai que les Bretons conquis ne sont eux-mêmes pas toujours dociles, et que les empereurs doivent arbitrer avec d’autres menaces extérieures qui semblent davantage prioritaires dans l’attribution des moyens. La présence romaine est donc fréquemment chahutée.
Relevant le défi de ce sujet périphérique et de ce cadre instable, la synthèse bâtie par Patrick Galliou, universitaire et archéologue spécialiste du sujet, permet une mise au point efficace et bienvenue. En dépit de son format court, le tour d’horizon est complet. La présentation du cadre géographique, des peuples et de l’évolution de l’Écosse préromaine pose le théâtre de l’action. La conquête romaine de la Bretagne s’accomplit en trois étapes successives. César en est le précurseur, suivi par Aulus Plautius au nom de l’empereur Claude, et enfin par Agricola.
Ce dernier est le maître d’œuvre d’une première ligne fortifiée installée en Écosse. C’est celle des trois qui est positionnée la plus au nord, dans les Central Lowlands. Mais un retrait vers le Sud s’accomplit au début du IIe siècle pour fixer la démarcation sur le nouveau mur d’Hadrien. Son successeur Antonin ordonne pourtant une reconquête qui aboutit à l’édification d’un autre mur englobant l’Écosse méridionale. Pourtant, ce mur d’Antonin est démantelé une vingtaine d’années plus tard pour revenir sur la ligne antérieure du mur d’Hadrien. Dès lors Rome se borne à gérer la situation, même si Septime Sévère mène une dernière expédition militaire en Écosse au début du IIIe siècle. La présence romaine est définitivement évincée de l’île britannique au début du Ve siècle.
En suivant cette trame d’ensemble, on apprécie l’intérêt porté au niveau de connaissance de l’Écosse exprimé par les sources antiques, ainsi que l’ampleur de l’information archéologique décrivant les différents dispositifs fortifiés successifs. Un judicieux aperçu sur les conditions de l’existence matérielle des garnisons romaines et les échanges avec les peuples autochtones complète le tableau. En définitive, émerge le constat que Rome a sans doute renoncé à s’emparer de l’Écosse. La conquête de cette marche insoumise lui aurait été plus coûteuse que profitable en raison de son peu de ressources. Considération inattendue, il semble même que les autorités romaines de Bretagne aient monnayé une coexistence apaisée avec leurs turbulents voisins durant la dernière période de l’empire.
Pour conclure, les apports de ce solide petit ouvrage de référence sont complétés par un petit cahier illustré pourvu d’une cartographie de qualité. L’ensemble est instructif et retiendra aisément l’intérêt des amateurs d’histoire ancienne.
© Guillaume Lévêque