Dans cet ouvrage, Emmanuel de Valcourt retrace le destin de Louis XVI, de son enfance à son exécution, en prenant la voie du huis clos familial. A travers des sources contemporaines multiples et des travaux d’historiens, il fait le récit chronologique d’une vie contrariée qui a marqué l’Histoire de France.

Vie contrariée pour de multiples raisons. Nous sommes marqués par la manière dont cet enfant (et homme) discret, qui ne devait pas être sous les feux de la rampe, a vu son existence basculer. Tout d’abord par l’omniprésence de la mort dans son cercle proche. Son frère aîné qui devait régner; sa mère et son père (qui devait régner) qu’il aimait réellement; son grand-père, Louis XV, avec qui il entretient des relations distendues et ambiguës; deux de ses enfants…

Son éducation lui a interdît les démonstrations émotives en public, mais ne lui a jamais empêché de ressentir: le futur Louis XVI ressort traumatisé de la mort de son grand frère accompagné dans les plus grandes souffrances. Souffrances qui toucheront son père et le futur dauphin eux aussi, vécus comme de sempiternels échos et répétitions.

Vie contrariée par la vie de cour. Cette société de cour, théorisée par Norbet Elias, est ici omniprésente. Etiquette, querelles, quolibets, jeux de position, intrigues, trahisons et doubles jeux… Chacun ici a un rôle, mais celui de Louis XVI, et de ses frères, bascule et chancelle de décennie en décennie. De cela, les frères n’en gardent pourtant aucune proximité véritable. Chacun semble écrire sa partition, profitant des moments de faveur ou de faiblesse qu’offre le quotidien versaillais. Et au milieu de tout ça, il faut diriger la France, pour un roi qui n’était pas destiné à le faire à la base.

Vie contrariée par la Révolution. Versailles ne semble jamais prendre conscience de la vie réelle. Versailles n’est ni Paris, ni la France. Ce sentiment de décalage est permanent: Marie-Antoinette, le comte d’Artois, Louis XVI ne comprennent (ou ne veulent pas comprendre) les affres du temps, la situation explosive qui monte progressivement dans la capitale, le retournement d’une opinion publique qui se crée et qui se veut revendicatrice. Dans cet essor de l’opinion publique, rien n’est plus pardonné aux Bourbons, que ce soit dans le privé ou les affaires publiques.

Emmanuel de Valcourt a choisi d’utiliser un ton vivant, précis, presque de rédacteur du quotidien. Au-delà des références scientifiques, il accorde beaucoup de place aux témoignages des contemporains, dont il rappelle à l’envi le recul critique que nous devons avoir à leur lecture. Le temps est à l’ambition personnelle, au dénigrement permanent, à l’exagération et l’inexactitude. Mais cela donne au récit un ton tout sauf professoral et classique. Bien au contraire: le lecteur est pris dans un tourbillon qui ne fait qu’accélérer jusqu’aux grands épisodes révolutionnaires.

Dans ce récit se dressent alors des comportements et des caractères très différents entre les 3 fils de Louis Ferdinand. Louis XVI, les prochains Louis XVIII et Charles X, sont analysés dans leur psyché, leurs actes scrutés, leurs jeux politiques observés. On tend à deviner, en essayant d’éviter tant bien que mal la téléologie, ce que seront leurs manières de régner qui aboutissent, en plusieurs temps et pour de multiples raisons, à la fin des Bourbons en France.

Au final, un livre extrêmement agréable, très accessible, qui donne la parole à de multiples contemporains des événements de la fin du XVIIIe siècle en France.