Ce petit ouvrage est signé Jean-Clément Martin, historien spécialiste de la Révolution et de la Contre-Révolution, auteur de La révolution n’est pas terminée, Infographie de la Révolution française, Idées reçues sur la Révolution française ou L’exécution du roi. 21 janvier 1793. Il nous livre ici une biographie collective, courte et efficace, des Vendéens qui, en pleine Révolution française, prennent les armes face à la nouvelle République. En effet, à partir du 19 mars 1793, ces insurgés vont se souder face à la guerre et à la répression menées par la Convention : les Vendéens (et la région Vendée) sont nés ! Ils deviennent les héros de la Contre-Révolution, défenseurs du royalisme, du catholicisme et de la tradition.

Jean-Clément Martin insiste tout particulièrement sur la construction de cette identité inattendue qui s’est faite en façonnant des populations disparates originaires des Mauges, du Pays de Retz … . Ce groupe prend conscience de son existence par un vécu commun des évènements, des souffrances puis des souvenirs.

La contextualisation des évènements de l’Ouest avec le jeu politique parisien est très bien montré. Les soulèvements de mars 1793 contre la « levée des 300 000 hommes » puis la bataille de Pont-Charrault (19 mars) vont être utilisés par les Montagnards afin de discréditer les Girondins qui ne doivent plus apparaître comme de simples modérés mais comme des traîtres. Les luttes intestines à la Convention sur fond de logiques de maintien au pouvoir et les premiers succès militaires des insurgés à Pin-sur-Mauge ou à Machecoul, radicalisent la position du pouvoir central qui décide d’envoyer de nouvelles troupes afin de réprimer ces mouvements contestataires : c’est la naissance de la « guerre de Vendée ».

A propos de cette radicalisation, Jean-Clément Martin reprend les discours de Barrère du 1er août 1793 puis du 1et octobre de la même année. Celui-ci souhaite « détruire les brigands de Vendée ». Mais, pour l’auteur il n’y a pas de volonté manifeste d’exterminer ou d’anéantir une population précise, les Vendéens n’étant pas vus comme un groupe ethnique, géographique, politique ou religieux. Ces pratiques répressives ne sont pas réservées à la Vendée et s’inscrivent dans la continuité de celles de la monarchie traditionnelle. L’auteur récuse très clairement la qualification de « génocide » ou de « populicide » qui n’ajoute rien à la condamnation des crimes commis.

La chronologie des évènements n’est pas négligée non plus. Le lecteur passe ainsi en revue les faits essentiels de cette phase de radicalisation : les premiers succès des armées « catholiques et royales » et de leurs chefs comme Cathelineau, La Rochejaquelein, d’Elbée, la catastrophe de l’automne 1793 qui voit la victoire des républicains devant Cholet, la « virée de Galerne », les échecs Vendéens devant Granville, au Mans, à Savenay, la répression à Nantes et à Angers, les « colonnes infernales » qui sillonnent les campagnes, … A partir de 1794, débute la phase de pacification car la Vendée n’est plus un enjeu essentiel. Hoche incarnera cette stratégie habile visant à limiter les violences des soldats et à garantir la liberté de culte afin de détacher les paysans de leurs chefs historiques (Stofflet, Charette, …) qui seront bientôt arrêtés et exécutés.

Enfin, Jean-Clément Martin aborde la question des mythes et des enjeux de mémoire. Au cours de la guerre puis au XIXe s., naissent et se diffusent des mythes. Certains entourent des figures comme le jeune Bara qui devient le martyr de la liberté pour les républicains ou Carrier qui, accablé de tous les crimes, accusé d’entretenir la guerre pour des raisons politiques et personnelles, sera exécuté le 16 décembre 1794. La région elle-même devient un enjeu mémoriel, de région coupable, elle devient victime d’où la multiplication des pèlerinages et des chapelles comme celle de Lucs-sur-Boulogne pour les partisans de la Contre-Révolution. Les récits de la marquise de La Rochejaquelein et de la duchesse de Berry imposent progressivement l’image d’une Vendée menacée par le monde moderne, d’une Vendée catholique, royale et rurale.

Cette synthèse, agréable et facile à lire, est très utile afin de mieux comprendre comment, au cours de la Révolution française puis du XIXe s., l’identité vendéenne s’est construite en entremêlant les enjeux politiques, religieux, sociaux, militaires et mémoriels.

 

Pour les Clionautes, Armand BRUTHIAUX