Autrement propose une nouvelle collection baptisée « Villes en mouvement ». Le but est de montrer « la face positive » des villes et de découvrir « les innovateurs » . A chaque fois un enquêteur et un photographe s’associent pour présenter ces individus. Une vingtaine de titres existe déjà, alternant des villes françaises comme Rennes et des villes comme Séoul ou Londres. Autant dire qu’on n’hésite pas chez Autrement à varier les échelles !
Un numéro est donc consacré à Besançon, ville que l’on identifie parfois grâce à sa qualité de vie, régulièrement mise en avant dans les classements de magazines. Mais que sait-on d’autre sur elle ? Qui sont ceux qui la font bouger, évoluer ? Pour le savoir, les différents portraits sont organisés en quatre chapitres déclinés autour de la notion de temps. En effet, le temps à travers l’horlogerie a profondément marqué la ville. Sept portraits composent chaque chapitre, illustrés à chaque fois par une photographie et un extrait de l’entretien. Chose curieuse, alors que la plupart des portraits sont rédigés, deux se font sous forme de questions réponses.
Le premier chapitre intitulé « Un temps d’avance » s’intéresse aux innovateurs de la ville. Dans ce chapitre, les auteurs prouvent que l’innovation n’est pas que technique. Ils choisissent de commencer leur tour d’horizon par Jean-Guy Henckel, le fondateur des jardins de Cocagne. L’idée de cette association ce sont des jardins bio cultivés par des personnes en réinsertion. Aujourd’hui c’est un vrai succès avec 82 jardins dans l’hexagone. Cette utopie, au départ, est devenue réalité et, sur cette terre qui a vu naître de nombreux penseurs sociaux, ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard. Les auteurs s’intéressent ensuite à Claude Lambey, le monsieur informatique de la ville. Tous les élèves de CE2 reçoivent pour leur domicile un ordinateur et un pack de logiciels, façon de résoudre la fracture numérique. Bien avant qu’on ne parle de haut débit, Claude Lambey avait commencé à développer d’ambitieux projets. Mais à Besançon, on n’oublie pas la solidarité internationale et, aujourd’hui, c’est en direction du Sénégal que se développe le projet. Enfin, le projecteur se tourne du côté de Régis Aubry, chef de l’unité des soins palliatifs de Besançon. Il évoque comment il a su progressivement imposer son approche car, pour lui, les soins palliatifs ne » sont pas une spécialité médicale… mais une culture qui doit se diffuser chez les soignants ». Il a mis en place un module d’éthique clinique à Besançon, une expérience unique dans la formation initiale des étudiants.
Ce premier chapitre varie donc agréablement les angles et ne réduit pas l’innovation aux technologies récentes, même si un portrait s’attache à Patrice Minotti le PDG de la société Silmach spécialisée dans les nanotechnologies. Cette empreinte du temps existe vraiment dans la ville car aujourd’hui, dans le palais Granvelle, se trouve le musée du temps qui vient d’ouvrir une section consacrée aux nanotechnologies.
Dans le deuxième chapitre, les auteurs s’intéressent au « temps partagé ». La visite commence par les fondateurs du cirque Plume, passe par le directeur du centre régional du livre et évoque également Charles Piaget, l’ancien porte parole de Lip dans les années 70. Les Plume racontent leur itinéraire et leur autre idée du cirque. Dominique Bondu, directeur régional du livre, revient sur cette idée que Besançon compte beaucoup de librairies rapportées au nombre d’habitants. Il souligne que le livre a toujours été présent et notamment au travers des échanges avec la Suisse. On constate là encore le poids de l’histoire et c’est encore plus vrai lorsque l’on aborde le portrait de Charles Piaget. L’aventure Lip a marqué au-delà de la ville, et au fil d’autres portraits, on retrouve des allusions à cette période. Cette expérience d’autogestion marque encore les esprits comme le prouve un récent documentaire qui vient de lui être consacré.
Le troisième temps intitulé le « temps de vivre » offre aux regards des personnalités variées, du très méridional directeur du CLA de Besançon, Serge Borg, aux jeunes créateurs. Le Centre de Linguistique Appliquée c’est un peu « United colors of Besançon » , une Babel sur les rives du Doubs. Chaque année, c’est plus de 3500 stagiaires internationaux, venant de 127 pays à travers le monde, qui viennent ici apprendre les langues. Serge Borg déplore le fait que les Comtois « sont trop discrets, humbles et modestes alors qu’ils disposent d’atouts redoutables » . Cette même constatation se retrouve dans d’autres bouches, il doit donc y avoir là un fond de vérité !
Enfin vient le « temps libre » consacré notamment à Aldebert, le nouveau chanteur qui s’impose peu à peu sur la scène française. Les auteurs choisissent de parler également d’Yves Ravey et de Bernard Friot, tous deux écrivains mais dans des styles bien différents. Ce dernier est devenu célèbre avec ses « histoires pressées », petits textes à destination des enfants. On découvre aussi le Tricyclique Dol, ces créateurs de machines enchantées. Leur discours évite le politiquement correct et égratigne quelques aspects de la politique culturelle de la mairie.
Alors certes, on pourrait se livrer au petit jeu du « qui manque ? » Pourquoi ne pas évoquer Paulette Guinchard-Kunstler qui fut à l’origine d’une loi sur la prise en charge des personnes âgées et qui fut vice-présidente de l’Assemblée nationale : trop politique peut-être ?
On voit se dessiner tout au long du livre ce qui fait l’essence de la ville : une horlogerie qui fut la richesse et qui continue encore d’innover, le poids aussi de l’histoire à travers le souvenir des penseurs sociaux comme Fourier ou Proudhon ou de l’épopée Lip…
Au total, il s’agit d’un livre agréable à feuilleter au gré des envies, permettant peut-être aux curieux de découvrir la ville de Besançon. Alors, après avoir lu ce livre et découvert quelques-unes de ses personnalités, prenez un billet pour découvrir tout le reste en déambulant dans la ville …
Un clionaute pourra vous guider si vous le souhaitez…
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