Christophe Providence, économiste haïtien, réfléchit aux conditions d’un développement compatible avec les spécificités locales.
Haïti, comme bien d’autres pays, connaît une période de décentralisation et une tendance à la territorialisation des politiques publiques. Cet ancrage territorial est indispensable face au parachutage de modèles de développement qui font peu de place à la gouvernance locale. Il s’agit de penser un développement fondé sur la solidarité des citoyens et l’idée d’une complémentarité territoriale. Pour cela, il convient de rompre avec une action gouvernementale qui crée un environnement propice à la corruption et au clientélisme.
Le territoire dans l’analyse des politiques publiques et du développement en Haïti
Dans ce premier chapitre, l’auteur interroge la notion de territorialisation des politiques publiques. Comment les rendre plus cohérents avec les ressources locales pour un développement durable et endogène, en lien avec les éléments culturels susceptibles de mobiliser les acteurs locaux ?
Pour que les stratégies d’aménagement des grandes infrastructures, souvent financées par l’étranger, respectent la complémentarité territoriale, l’État doit impliquer les acteurs locaux par une participation à une gouvernance territorialisée.
En Haïti, les politiques publiques sont soumises aux programmes d’ajustement structurel des grandes institutions internationales qui mettent, le plus souvent, à l’écart les populations concernées et ne favorisent pas la pérennité des actions.
L’auteur propose une nouvelle approche faite de rationalisation des dépenses publiques, de mutualisation des moyens par des commandes publiques pour tout le territoire. Le développement nécessite de permettre aux échelons territoriaux de générer des ressources.
Les notions du développement et du financement des échelons territoriaux
L’analyse de la notion de développement repose sur le refus d’une idéologie impose par le modèle occidental pour penser un développement endogène intégrant les acteurs locaux et un financement local. Ce que l’auteur nomme « l’intelligence territoriale ».
Le raisonnement s’appuie sur les disparités de densité de population face aux recettes de l’imposition et de la dotation locale à l’investissement. Seul un système fiscal et de sécurité sociale cohérent peut assurer une répartition satisfaisante des richesses et une politique économique efficace.
Une théorie de l’imbrication territoriale
Les différents échelons territoriaux sont présentés. L’imbrication territoriale vise à prendre en compte les spécificités locales. L’auteur cherche à modéliser les choix d’intervention étatique pour le développement, en fonction de plusieurs théories économiques. Il oppose les approches centralisées et celle qui place l’acteur au centre du dispositif, une approche endogène ascendante.
La description de l’imbrication territoriale est, ici, assez théorique : mise en relation des facteurs d’ancrage et éléments de structuration à différentes échelles.
Les prémices d’une territorialisation de l’action publique locale
L’auteur aborde, dans ce chapitre, l’analyse des politiques publiques, l’hétérogénéité spatiale. Il décrit la planification territoriale à l’échelle locale ou générale. En Haïti, la multiplicité des acteurs, État, bailleurs internationaux, ONG, et des méthodes ne favorise pas la complémentarité des projets locaux.
Comprendre la politique économique traditionnelle en Haïti
L’extrême pauvreté des Haïtiens est la conséquence du passage d’une économie de subsistance à une économie à forte dépendance à l’aide internationale. Les faiblesses de l’État haïtien et l’aide internationale amplifient les disparités sociales, économiques et territoriales. L’auteur décrit les défis de la gouvernance publique. Haïti est confronté aux difficultés de la planification. Le pays est soumis aux catastrophes naturelles et attend un sauvetage par l’aide internationale.
Depuis le XIXe siècle, héritage de l’économie de plantation, il est tourné vers ses ports.
Sur le plan économique, ce pays très inégalitaire56 % de la population dispose de moins de 1 $/jour/personne – 76 % moins de 2 $ est dominé par une « bourgeoisie compradore » qui repose sur la faiblesse de la production intérieure. C’est une crise multidimensionnelle, une instabilité sociopolitique comme le montre les statistiquesDétaillées p. 123 de la Banque mondiale.
L’auteur décrit les déséquilibres d’une politique centralisée, trop sectorielle, l’absence de vision globale et les choix imposés par les intervenants extérieurs. L’intervention éphémère des ONG limite la portée et la pérennité des projets de développement local.
Une théorie d’incompatibilité des choix de politiques publiques
Ce dernier chapitre porte sur une réflexion théorique sur un modèle de développement destiné aux petites économies sous-développées. L’auteur insiste sur l’impossible intégration dans une économie mondialisée. Il pointe l’échec des politiques d’aide au développement qui refuse d’imaginer des solutions pour un développement endogène, malgré des efforts d’adaptation de « l’assistanat structurel ». Il analyse les dérives qui renforcent le pouvoir des potentats locaux et la corruption aux dépens des populations pauvres.
Il propose un nouveau modèle de positionnement stratégique de soutien aux petites et moyennes entreprises, des partenariats public-privé et une meilleure définition du rôle des collectivités territoriales. Le tourisme sert, ici, d’exemple.
La réflexion porte, aussi, sur une nouvelle définition du rôle de l’État et sur une refonte du budget.
La réflexion théorique est dense, dommage qu’elle ne s’appuie pas sur des exemples qui pourraient être source d’espoir pour un pays qui est submergé par les problèmes, notamment de gouvernance.