Camille Escudé a publié précédemment « Géopolitique de l’Arctique » ou « Géopolitique des pôles ». Elle se livre ici à l’exercice classique de la Documentation photographique à savoir offrir une synthèse sur un sujet, accompagné de documents commentés en quatre thématiques. Précisons que, pour les abonnés, des compléments existent en ligne. Camille Escudé souligne pour commencer que les pôles sont des milieux davantage perturbés que d’autres à cause de leur position. L’avenir se dessine certainement dans ces régions aussi originales que mal connues.
Des marges devenues centrales impactées par le changement climatique
Les rapports des scientifiques alertent sur l’érosion littorale et l’augmentation des températures. L’autrice insiste aussi sur le fait que ce sont des lieux qui suscitent des fantasmes. L’Arctique est un objet géographique mouvant dans l’espace et le temps. Quant à l’Antarctique, c’est, rappelons-le, un continent. Les régions arctiques s’appréhendent davantage en terme de diversité que d’unité, même si existent des caractéristiques communes comme la faible densité ou la colonisation récente. Les pôles sont aux avant-postes des changements globaux. Le réchauffement y est trois à quatre fois plus rapide que dans le reste du monde.
Des périphéries en cours d’intégration
On cite souvent une étude de 2008 sur les réserves possibles en pétrole disponibles dans ces zones. Elle est largement remise en cause aujourd’hui. L’Antarctique possède depuis 1959 un statut exceptionnel renouvelé par le protocole de Madrid en 1998. Il faut savoir que plus de 80 stations scientifiques permanentes ou estivales sont établies à proximité ou sur le continent austral. Pour l’Arctique, on est passé d’un point chaud de la guerre froide à une pacification. Camille Escudé évoque les institutions qui existent dont le Conseil de l’Arctique.
Les pôles un enjeu mondial de puissance
Les populations autochtones sont de plus en plus actrices dans la géographie arctique. Très longtemps, ces populations ont été vues comme « des enfants de la nature », discours qui a servi à justifier la colonisation. En Russie, on compte 41 peuples différents dans la zone arctique. Ces populations sont en tout cas de plus en plus sédentaires. Le mode de vie des Sames est ainsi menacé. Les acteurs extérieurs s’infiltrent de plus en plus dans le conseil de l’Arctique. De dix observateurs en 1996, on est passé à 38 en 2022. La coopération dans les pôles est mise à mal à l’heure de la guerre Russie-Ukraine. L’Arctique est redevenu un théâtre de militarisation.
Les pôles à l’ère de l’anthropocène
Il s’agit de la première entrée thématique pour les documents. Le réchauffement climatique rapproche d’une certaine façon ces mondes habituellement perçus comme lointains. Il n’en demeure pas moins que le rapport distance-coût reste élevé. Le réchauffement signifie aussi la fonte du pergélisol et donc l’effondrement des infrastructures de transport. Une double page fait le point sur la diversité des glaces polaires et on trouve un intéressant document sur les saisons polaires vécues et pensées par les Inuit. Vous pourrez ainsi apprendre à distinguer le « temps de la collecte des œufs » de celui de « la naissance des phoques marbrés ».
Des pôles habités
La question des déchets devient cruciale pour les pôles. Des « parcs à carburant » sont abrités dans des barrages en béton et retiennent tout déversement ou fuite de carburant. Les régions polaires sont aussi victimes de pollutions exogènes provenant des activités industrielles. La double page suivante aborde la question de la recherche dans les pôles puis on revient sur les explorations polaires. La question de l’appropriation de ces espaces est envisagée, en lien notamment avec la diversité des peuples autochtones de l’Arctique. La revue propose aussi comme document une carte de l’évolution de la population d’ours polaires en Arctique.
Des périphéries intégrées au monde
Le réchauffement climatique bouleverse la question de la circulation. Avec le recul de la banquise, les ports libres de glace toute l’année se multiplient. Les ressources de la zone sont convoitées et l’on pourra s’appuyer sur une carte qui recense ressources minières et d’hydrocarbures en Arctique. Les projets d’exploitation pétrolière peuvent affecter les aires de mise bas des caribous et, par conséquent, éroder les moyens de subsistance traditionnels des habitants. La zone marquée néanmoins par le froid peut être un atout comme le montre la localisation de plusieurs data centers. Les pôles sont aussi devenus des lieux d’attrait pour les touristes. Ville finlandaise détruite à 90 % pendant la Seconde Guerre mondiale, Rovaniemi s’est reconstruite en mettant en avant des arguments de marketing urbain tournés vers l’Arctique. Cette partie pose enfin la question de la circulation des bateaux. Les contraintes demeurent importantes et, dans un monde où le moindre retard est sanctionné par de lourdes pénalités financières, les passages du Nord-Est et du Nord-Ouest sont encore trop marqués par les incertitudes. La Chine fait aussi l’objet d’une double page en tant que nouvelle puissance dans les pôles.
Régulations politico-environnementales
Il n’y a plus de différend en Arctique depuis 2022, moment où le Canada et le Danemark ont mis fin à leur litige à propos de l’île de Hans. Contrairement à une idée répandue, les Etats collaborent activement dans le règlement de leurs revendications. Cette partie aborde également les défis qui se posent à l’Antarctique. On pourra lire un extrait du protocole de 1991 et étudier une carte sur les revendications territoriales à propos de cette zone. La double page suivante présente la composition du Conseil de l’Arctique et rappelle que les premières initiatives de coopération naquirent au cours du XX ème siècle.
Cette synthèse fournit un point d’appui précieux pour plusieurs questions au programme et, par exemple, en géographie en seconde ou en HGGSP. Un des compléments numériques propose d’ailleurs une étude critique de documents sur le thème de la Chine, un nouvel acteur de la conquête des pôles.