Avec cette série toujours consacrée au monde viticole, le scénariste Corbeyran, associé avec le dessinateur Francisco Ruizge et le coloriste Paolo Francescutto nous fait découvrir un nouveau terroir, celui du Rioja, sans doute le plus connu d’Espagne. Comme dans d’autres vignobles on peut d’ailleurs y trouver le pire comme le meilleur. Les 60 000 hectares du vignoble sont issus de la plus vieille et de la plus importante AOC espagnole. Située au nord-ouest de la péninsule ibérique, cette appellation associe le climat continental, avec peut-être un effet de foëhn, grâce à la sierra de Cantabria qui freine le vent venu du Nord. La vallée de l’Ebre permet tout de même aux influences méditerranéennes d’atteindre ce vignoble. L’effet d’abri lié aux trois systèmes montagneux qui bordent la région favorise des microclimats qui permettent une grande variété de cépages.
L’AOC accepte 4 variétés de cépages rouge, le Tempranillo, la Garnacha, le Graciano et le Mazuelo, et 3 cépages blancs, la Malvesia, la Garnacha Blanca et la Viura. Depuis peu, les cépages Chardonnay, Sauvignon blanc, Tempranillo blanc, Verdejo font parties des cépages de blanc de l’AOC.
L’action de cette série en deux épisodes nous permet de découvrir le monde particulier des critiques œnologiques qui, il faut bien le reconnaître, sont les véritables prescripteurs auprès des amateurs éclairés. On connaît la revue des vins de France, et bien d’autres titres spécialisés, qui parfois lancent des modes avec des critères parfois obscurs. On connaît aussi le rôle de Parker, le gourou de cet univers très particulier. L’histoire est intéressante avec comme fil conducteur celui d’une jeune journaliste qui cherche à découvrir les mystères d’un vin présenté lors d’une dégustation portant comme nom « l’absent », « L’ausente », en espagnol. Considéré comme remarquable, ce rioja a été élevé par un vigneron totalement inconnu.
Sur ce territoire viticole les domaines portent comme nom « bodegas» et la jeune journaliste, Géraldine, n’hésite pas à fracturer la porte du caveau lors de ce vin est élevé en barriques de chêne, de 225 l, comme les Bordeaux.

On apprend à cette occasion comment sont réalisés les tonneaux, et le rôle que joue la qualité du bois dans l’élevage de ces vins. Particulièrement obstinée, Géraldine n’hésite pas à s’inscrire pour faire les vendanges dans ce domaine afin d’entrer en contact avec ce mystérieux propriétaire. Bien entendu il n’est pas question d’en dévoiler ici l’histoire, mais simplement d’évoquer cet univers très particulier, celui qui amène, dans des vignobles de qualité où l’on a abandonné les vendanges mécaniques, des gens venus de toute l’Europe pour se livrer à cet exercice qui est désormais plutôt sophistiqué. Plus question, comme au temps du vignoble de masse, de couper les grappes de raisins à l’aveugle, ce qui est quand même dangereux avec un sécateur, et de jeter tout cela dans une comporte. Dans les vignobles de qualité, on pratique une vendange au vert pour favoriser la maturation en éliminant une partie des grappes, la vendange est triée, déposée sur des claies, pour éviter l’astringence de la rafle si elle venait à être écrasée.
Il s’agit ensuite de réaliser l’assemblage, à chaque fois toujours différent, selon les années, le temps qu’il a pu faire, et jusqu’au dernier moment, rien n’est jamais gagné. Prometteur lorsqu’il est jeune, un vin peut très vite perdre de sa force, même si dans ce domaine les assemblages de différents cépages permettent d’atteindre un certain équilibre favorisant les vins de garde.
On apprécie dans cette série l’aspect documentaire sur le monde viticole, et pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité d’y exercer, à des titres divers, c’est une très belle initiation.
Et puis pourquoi ne pas le dire, cette série donne envie de découvrir ces terroirs, et dans ce cas précis le Rioja, dont le nom souvent maltraité dans les linéaires de la grande distribution, par la mise en avant de produits médiocres issus d’un négoce peu scrupuleux, mérite parfois le détour. Mais dans ce cas, une initiation verre en main s’impose.

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Bruno Modica, pour Les Clionautes