« Aujourd’hui, les jeunes n’apprennent plus rien », « Le niveau baisse », « Les jeunes aujourd’hui n’ont plus aucun respect », … Voici quelques représentations fréquentes en lien avec l’éducation dans notre société. Pour autant, dépeignent-elles une réalité ? L’éducation était-elle mieux avant qu’aujourd’hui ? Répondre à ces questions le plus objectivement possible et avec les nuances nécessaires est l’un des enjeux de cette incroyable histoire de l’éducation qui, pour cela, revient sur l’évolution de ses méthodes et de ses conceptions en France.

L’histoire de l’éducation vue à travers les époques, mais aussi à travers différentes thématiques

La structure globale de l’ouvrage est chronologique : notre parcours s’étend de la préhistoire à nos jours. Chacune de ces périodes fait d’abord l’objet d’une courte contextualisation. Les principaux enjeux politiques, sociaux et culturels sont brièvement présentés en une page. Ensuite, nous découvrons les principales caractéristiques de l’éducation de l’époque, ses continuités et ses ruptures. Les principaux penseurs de l’éducation sont également mis en avant, ainsi, bien évidemment, que leurs idées.

Au sein de chaque chapitre, le propos est également thématique et montre aussi la complexité d’une étude globale de l’éducation en France. Dans les premiers chapitres, la dimension sociale est mise en avant. Cela nous permet une distinction bienvenue entre l’éducation réservée aux élites et celle des classes populaires. À partir du XIXe siècle, les expériences éducatives nouvelles, en marge du système dominant, nous sont également présentées ainsi que leur postérité.

Enfin, une place toute particulière est accordée à l’éducation des femmes à travers les époques. Bien évidemment, il en ressort avant tout une inégalité fondamentale avec celle des garçons, mais, dans le même temps, certaines idées reçues sont déconstruites : non, les femmes du Moyen-Âge n’étaient pas totalement dénuées d’éducation et ont pu exercer des métiers que l’on jugeait exclusivement masculins (enlumineuresses, orfaveresse, chevaleresse). Certaines figures de femmes (Christine de Pizan, Madame de Maintenon, Maria Montessori, …) sont d’ailleurs bien mises en avant.

Une lecture pédagogique et divertissante

L’objectif premier de cet ouvrage est de proposer une vision globale de l’enseignement et de son évolution à travers les époques. Cela suppose tout d’abord une rigueur historique visible ici à travers les nombreuses citations, la reproduction des différentes images et une bibliographie conséquente. Cette dernière a le mérite de nous mettre en avant les ouvrages et articles plus particulièrement utilisés.

Ce contenu scientifique est ensuite vulgarisé de façon très pertinente. Si le propos nous apparait très clair, c’est à la fois par la structure de l’ouvrage, mais surtout par la qualité des textes et des dessins. En ce sens, l’ouvrage fait œuvre de pédagogie. Le vocabulaire spécifique et les grands concepts sont expliqués et/ou illustrés et le propos est constamment recontextualisé.

Par ailleurs, cette dimension pédagogique est renforcée par un humour omniprésent qui rend la lecture plaisante. Les gags sont à la fois textuels et visuels. Ils peuvent jouer sur l’anachronisme : on voit ainsi régulièrement des journalistes interviewer des personnalités de toutes les époques. Certains running gags traversent les chapitres, comme l’instituteur de la Renaissance dont le nombre de plumes sur le chapeau devait signifier ses compétences. Les nombreuses anecdotes amusantes apportent ainsi du corps au propos et permettent d’en faire ressortir les principales idées.

Que retenir finalement de cet ouvrage ?

Mais quelles sont donc finalement ces principales idées qui ressortent de l’ouvrage ? Tout d’abord, c’est l’inégalité sociale en matière d’éducation. Tous les systèmes éducatifs, à toutes les époques, semblent avoir encouragé cette inégalité et, même à l’heure du collège unique, celle-ci demeure bien réelle. La 2e idée fondamentale, en lien avec la première, est le traitement différencié de l’éducation chez les petits garçons et les petites filles, très souvent mises de côté.

Par ailleurs, la dimension politique de l’éducation est bien mise en avant. Les rivalités entre acteurs pour dispenser l’enseignement, notamment entre l’Église et l’État, sont bien expliquées. Ces rivalités reposent sur les enjeux de l’enseignement. Si l’éducation a toujours eu pour but la formation, l’Église comme l’État s’en sont aussi servis d’instrument de contrôle voire d’endoctrinement (comme en attestent les pages sur l’éducation de la IIIe République et le discours de revanche contre l’Allemagne). Cette volonté de contrôle se matérialise, quant-à-elle, par l’importance traditionnellement accordée à une autorité parfois proche du sadisme. Humiliations, châtiments corporels et privations semblent avoir été très longtemps la norme à l’école. Les recherches récentes en neuropsychologie, présentées en fin d’ouvrage, montrent ainsi le caractère contre-productif d’un stress généré par une autorité excessive sur les capacités d’apprentissage de l’enfant (même si le propos est ensuite nuancé en rappelant aussi qu’une autorité est nécessaire pour faire fonctionner la classe).

L’éducation était-elle mieux avant ? L’ouvrage ne se prononce évidemment pas, mais il nous apparaît cependant difficile de répondre positivement à cette question. L’évolution vers une école plus inclusive socialement, favorisant davantage l’émancipation et le respect des droits de l’enfant semble constituer un progrès humain.