En 1897 parait un roman épistolaire qui devient très vite un succès : Dracula. Si son auteur, Bram Stocker n’a pas inventé la figure du vampire, il le renouvelle et lui donne des caractéristiques qui imprégneront définitivement l’imaginaire fantastique et gothique, Dracula devenant le vampire par excellence qui a influencé et passionné des générations d’artistes et de lecteurs. C’est à ce roman culte qu’un pilier de la bande dessinée, Georges Bess, né 50 ans après cette première publication s’est attelé. Une première édition parue avant Covid fut largement saluée par la critique et à juste titre. Si vous l’avez raté,  cette année il nous propose une réédition dont la couverture en noir et rouge donne le ton. Cette dernière permet de redécouvrir le roman de Bram Stoker en 16 chapitres auxquels s’ajoutent quelques croquis et surtout une adaptation de L’invité de Dracula, une publication posthume de Bram Stocker de 1914 centrée sur la figure de Jonathan Harker et sa promenade mortelle lors de la nuit de Walpurgis. Il doit la vie sauve à celui qu’il doit rencontrer prochainement….. le Comte Dracula !

Georges Bess aidé par son épouse, Pia, réussi le tour de force d’être à la fois fidèle au roman tout en évitant une adaptation stricto sensu du texte littéraire qui serait trop pesante. Les dessins et la mise en page, en noir et blanc, parlent d’elles-même et se superposent au texte, créant une atmosphère inquiétante et prenante qui ne faiblit pas au fil de la lecture, de l’arrivée de Jonathan en Transylvanie au combat final, en passant par la double mort de Lucy et la possession de Mina par le vampire.

Le dessin est puissant, recherché et minutieux et retranscrit parfaitement l’ambiance mortifère se dégageant du château de Dracula niché au coeur de la Transylvanie. Le personnage central lui-même, que l’on voit, fidèle au roman rampant sur les murs de son château sous les yeux horrifiés de Jonathan, est un hommage visible aux diverses adaptations passées et en premier lieu au cinéma avec le Nosferatu de Murnau. On reconnaît aussi furtivement le Dracula de Francis Ford Coppola déambulant dans les rues de Londres. Mais contrairement à ce dernier, ici il est impossible d’éprouver la moindre empathie pour le monstre qui, par ses diverses transformations et actions, incarne ici le Mal à abattre.

Incontestablement cette adaptation ténébreuse, dont la publication est particulièrement soignée, est une réussite graphique et littéraire qui produit son petit effet pour peu que vous la lisiez dans le silence un soir de tempête.