Cet ouvrage retrace les années de formation de Calvin à Orléans et à Bourges, celles qui furent fondamentales dans la construction de sa pensée. Comment et pourquoi un jeune étudiant catholique bascule-t-il de l’humanisme chrétien à la dissidence religieuse ? Tour à tour sont ici abordées la force de la pensée politique de Calvin, la puissance de son verbe et enfin ses conceptions économiques, sociales et environnementales.
A partir du 500ème anniversaire de la naissance de Calvin (en 1509), un colloque s’est organisé à Orléans en novembre 2009 pour revenir aux origines de Calvin et du calvinisme.
Cette série d’interventions essaye de résoudre 2 mystères : premier mystère, quelle a été la jeunesse de Calvin à Orléans et à Bourges et quand est-il devenu « protestant » ? Deuxième mystère : Max Weber a-t-il raison et les théories économiques de Calvin ont-elles réhabilité la notion de travail et le taux d’intérêt ? C’est la fameuse thèse sur éthique protestante et esprit du capitalisme.
Premier point, la jeunesse de Jean Calvin. Il a commencé ses études de droit à Orléans en 1526, à l’âge de 17 ans, et non en 1528, comme on avait l’habitude de le dire… C’était « un élève particulièrement doué » avec un fort « désir d’ascension sociale ». A Bourges, entre 1529 et 1531, il y a une « forte présence d’étudiants allemands ce qui favorise la pénétration des idées luthériennes » (la réforme luthérienne commence en 1517). Mais d’après cette étude Calvin n’a pas encore rompu avec l’Église Romaine, ni à Orléans, ni à Bourges. Il n’a pas rejoint le camp des réformateurs même s’il a eu des contacts avec l’évangélisme. Quand Théodore de Bèze raconte la Vie de Calvin en 1565, il date la rupture du prêche du 6/09 1530, mais Bèze a alors 10 ans, et son récit 35 ans plus tard semble être plus que mensonger…
La rupture semble être plus tardive, peut-être en 1533, sûrement le 4/05 1534 quand Calvin résigne tous ses bénéfices ecclésiastiques
Deuxième point, contrairement à Martin Luther, Calvin a propagé un idéal du travail. Le travail est pour lui « la participation de l’homme à l’œuvre de Dieu ». Il dit aussi : « tous les hommes doivent travailler, et c’est dans le zèle régulier déployé dans son travail que se révèle la sainteté de l’individu », on est donc très loin du travail vu comme une punition divine, comme dans le « tu travailleras à la sueur de ton front ». Cette valorisation du travail se déploiera encore davantage dans les descendances puritaines du calvinisme, que dans la pensée même de Calvin. Mais Calvin valorise aussi le taux d’intérêt, pas celui de l’usure destinée aux particuliers, mais celui sur l’investissement permettant une extension des bénéfices futurs. Luther interdit toute usure mais Calvin affirme que l’usure se doit d’être acceptée au nom de l’utilité commune. Calvin a donc bien participé à la naissance d’un monde moderne et capitaliste, Max Weber a globalement raison !
Mais il ne faut pas confondre l’éthique du croyant calviniste où le bien commun prime et l’hédonisme du capitaliste de 2012 qui est à la fois sans mesure et sans limite dans sa volonté d’accumulation, ce qui oublie totalement le bien commun pour le bien individuel du « moi,je, d’abord et surtout ».
L’étude se conclue sur la diffusion du calvinisme en Europe et dans le monde. Calvin s’est exporté vers l’Écosse avec John Knox dès 1560, l’Angleterre, l’Allemagne, les Pays Bas, la Hongrie et aussi les États-Unis. Mais ici ce ne sont pas seulement les fameux « Pères pèlerins » du Mayflower en 1620; il faut penser aux Hollandais de la Nouvelle Amsterdam (future New York), aux 2000 huguenots français après 1685; et surtout aux presbytériens écossais et irlandais du XVIIIe siècle. En 2012, 75 millions d’hommes se réclament du calvinisme.
En conclusion, Calvin et la naissance d’une pensée, est un ouvrage intéressant, parfois difficile à suivre sur le langage intérieur et la structuration des phrases de Calvin, mais aussi passionnant et novateur sur la jeunesse de Calvin et les conséquences économiques du calvinisme.