Il fut sans doute, avec Jean Bart, un des plus illustres corsaires de Louis XIV.

Dans un style sobre, Duguay-Trouin raconte sa vie depuis sa naissance à Saint-Malo en 1673 dans une famille de marins et armateurs. Après une jeunesse étudiante à Caen, un peu dissolue, il embarque pour la première fois en 1689 pour un voyage plutôt rude. Il fait ses premiers pas de corsaire.

Avec force détails il décrit la vie dans les combats contre divers navires marchands anglais ou hollandais. Il obtient son premier commandement en 1691 sur une petite frégate, il a 18 ansOn peut comparer avec Joseph Mosneron Dupin à bord d’un négrier (Mémoires d’un négrier, Joseph Mosneron Dupin, Olivier Grenouilleau, Editions du cerf, 2021) et Jacques Robert Colombel (L’Alligator : l’odyssée d’un navire négrier havrais, Tom-Hugo Couvet, Hémisphères éditions, 2021), eux aussi très jeunes capitaines.. Le récit permet de comprendre ce que fut la guerre de course à la fin du XVIIe siècle, ses succès, ses dangers, la nécessité très fréquente de réparer les bateaux affrétés par des armateurs locaux ou par le roi.

Le journal de Duguay-Trouin montre que les capitaines changeaient souvent de navire. Il détaille quelques exploits corsaires, coups de main en mer mais aussi ses nombreux duels, il est très chatouilleux sur son honneur.

De son récit on apprend que cette guerre de course vise bien sûr les navires de la flotte britannique et hollandaise mais aussi les navires marchands et leurs profitables cargaisons de sucre, d’indigo, de cacao ou de pelleteries ainsi que les bateaux de pêcheBaleiniers hollandais sur les côtes du Spitzberg – p. 61. On y voit aussi les ruses comme l’utilisation par les Malouins du pavillon anglais pour tromper l’ennemi et les navires marchands.

Les pertes en hommes, marins, soldats embarqués et officiers, sont nombreuses. Duguay-Trouin témoigne du respect réciproque entre gens de mer après les assauts, de la reconnaissance de la bravoure de l’ennemi.

1697, le roi le fait capitaine de frégate de la marine royale pour service rendu comme corsaire sur des navires affrétés par les armateurs privés. Il est intéressant de voir que marine officielle et privée collabore, parfois de façon très étroite ; y compris contre les corsaires flessingois. C’est d’abord pour une période de désœuvrement car la paix a été signéeTraités de Ryswick et fin de la guerre de la Ligue d’Augsbourg- 1701 début de la guerre de la succession d’Espagne..

Pour l’année 1707 le récit de Duguay-Trouin est à mettre en relation comme le montre l’introduction avec celui d’un autre capitaine, Claude de ForbinGérard A Jaeger, Forbin légende noire d’un corsaire provençal, Glénat, 1994.

Le récit de la campagne de 1708 permet de voir ce qui motive la guerre maritime : l’appât du gain, la capture des cargaisons (marchandises et canons) et des bateaux qui sont réarmés à la mer. Ces gains sont attendus par les armateurs et par le roi. L’engagement financier des capitaines n’est pas toujours récompensé. C’est ce qui explique l’idée d’une expédition en 1711 contre Rio-de-Janeiro, onéreuse et hasardeuse. L’auteur décrit les préparatifs et les événements sur place. On a ainsi une description de la ville, de sa richesse et de ses défenses. Malgré un retour difficile il en rapporta un butin considérable.

On voit l’évolution de la carrière et les reconnaissances royales pour fait d’armes, il est chevalier de l’ordre de Saint-Louis à 34 ans. En 1709 Duguay-Trouin est anobli. Sans passage à la cour de temps à autre pas de récompense.

Au fait de sa gloire Louis XIV le fait chef d’escadre en 1715. Sous la Régence il est nommé au conseil d’administration de la Compagnie des Indes et lieutenant général des armées navales en 1728.

Ce sont les mémoires d’un homme de mer, une source à confronter à d’autres pour une histoire de la marine sous Louis XIV

Des extraits des Mémoires de Forbin : Corsaires aux XVIIe-XVIIIe siècles – Des ouvrages : Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle : guerres, administration, exploration, Sedes, collection Regards sur l’histoire, 1996 – Olivier Chaline, La mer et la France : Quand les Bourbons voulaient dominer les océans, Flammarion, 2016 – Rémi Monaque, Une histoire de la marine de guerre française, Perrin, 2016 , un témoignage utile sur la guerre navale au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles.