En septembre 2013 s’est tenue à Amiens la 34ème rencontre des agences d’urbanisme sur le thème des campagnes urbaines, oxymore né sous la plume de Pierre Donadieu (Les campagnes urbaines, Actes Sud, 1998). C’est parce que « le périurbain reste pauvre d’urbanistes, d’aménageurs, d’économistes, sans doute de vision politique et d’aménagement du territoire, mais aussi d’une recherche sur le « génie du lieu » » (p. 3) qu’il est nécessaire que les professionnels de l’aménagement s’y intéressent lors de leur congrès annuel. La revue Urbanisme rend compte de ces trois jours foisonnants dans un hors-série.
Dans ce numéro, une large part est faite aux projets d’aménagement de la ville hôte : ZAC, écoquartier, quartier Citadelle visant à faire revenir l’université dans le centre-ville, réseau de tramways, hortillonnages. Gilles Demailly, actuel maire et président d’Amiens Métropole, replace ces chantiers dans le contexte de la mise en place du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale) : « Celui-ci est sur un territoire très vaste, l’un des plus grands de France. Ce choix politique judicieux a été fait avant mon élection. Ce SCOT démontre que les territoires urbains et ruraux ou semi-ruraux peuvent travailler ensemble pour penser le développement économique et concevoir un aménagement et un développement équilibrés. » (p. 7) Cette réflexion territoriale à l’échelle d’un bassin de vie légitime le choix d’Amiens pour ce colloque consacré aux campagnes urbaines.
Le reste du volume est composé de courts articles reprenant l’essentiel des interventions (Rodolphe Dodier, Cynthia Ghorra-Gobin, Ioanis Deroire pour n’en citer que quelques-uns) ainsi que le contenu des ateliers qui se sont tenus pendant cette rencontre. Le jeu des 7 familles, mis au point par Jérôme Baratier, directeur de l’Agence d’urbanisme de l’agglomération de Tours, retient particulièrement l’attention car il rend compte des stéréotypes qui ont cours sur le périurbain mais va au-delà avec, non seulement, la famille « qui accuse », la famille « qui défend », la famille « qui en rêve », la famille « que ça inquiète », mais aussi la famille « qui trouve cela beau », la famille « qui s’en moque », la famille « qui cherche à comprendre » (regroupant chercheurs et praticiens des espaces périurbains). La tonalité de l’ensemble des articles réunis ici comme la relecture de l’ouvrage de François Jullien (L’écart et l’entre. Leçon inaugurale de la Chaire de l’altérité, Galilée, 2012) par Martin Vanier achève de rassurer le lecteur sur l’avenir de la ville en train de se faire : « On aura compris que, à l’encontre du grand mythe contemporain de la proximité, du toujours « plus près de chez vous » que répète à longueur d’annonces la publicité, je crois, au contraire, au bénéfice de l’écart et de la distance, que l’on peut faire surgir de l’autre (…). Il faut de l’autre, donc à la fois de l’écart et de l’entre, pour promouvoir du commun. Car le commun n’est pas le semblable : il n’est pas le répétitif et l’uniforme, mais bien le contraire (…). Je ne dirai même pas que le commun s’obtient par dépassement des différences ; mais plutôt qu’il ne se promeut qu’à partir et qu’à travers des écarts, ces écarts générant de l’entre, ou s’effective le commun. Le commun politique, celui de la Cité, ne s’obtient également que par ce travail et à ce prix. » Une pensée à rebours de la densification.
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes