L’ouvrage présenté par les Presses Universitaires du Midi est, en quelque sorte, les actes des Journées rurales tenues à Toulouse en juin 2016 et organisées par la Commission de Géographie rurale du Comité national français de géographie (CNFG). En plus de fêter les 50 ans d’existence de la commission et les 25 ans du laboratoire Dynamiques rurales, le Comité a souhaité également cibler les Journées sur La Renaissance rurale d’un siècle à l’autre ? proposant ainsi une relecture de l’ouvrage important de Bernard Kayser, en 1990, La Renaissance rurale. La création du laboratoire Dynamiques rurales, en 1991, avait coïncidé avec la parution du livre de Bernard Kayser, enseignant-chercheur à l’Université Toulouse II-Le Mirail. L’ouvrage réunit 54 auteurs et se compose de cinq parties :

  1. Redéfinir rural et ruralités
  2. Actualiser les méthodes

III. Croiser l’usage des lieux et la mobilité

  1. Intégrer la diversité des activités productives
  2. Réévaluer les enjeux fonciers

Le choix des titres, qui ont recours systématiquement à des verbes d’action, est la manifestation de montrer les différentes dynamiques qui traversent actuellement la recherche sur le monde rural et sur la ruralité. Ces dynamiques prennent racines dans les travaux de Bernard Kayser et continuent à se développer sur de nouveaux axes comme ceux des méthodes ou des mobilités contemporaines.

En 1993, Jean-Claude Bontron rappelle que, depuis le recensement de 1982, le « rural » se définit davantage par le cadre qu’il offre que par ce qu’on y fait. La vieille distinction fondée sur le seuil de 2 000 habitants, établie en 1846, est toujours opératoire dans les écoles élémentaires. Pourtant, depuis 1996, l’Insee a proposé un nouveau découpage fondé sur les mobilités domicile-travail. Le territoire français se décompose alors en un espace à dominante urbaine et un espace à dominante rurale qui est donc son complément (le seuil de 40% des actifs travaillant dans un pôle urbain étant considéré comme significatif). Depuis les années 2000, la question du rural et du rapport ville/campagne se pose autour des constructions sociospatiales. Deux conceptions coexistent alors, l’une particulariste (fondée sur l’examen des propriétés intrinsèques des espaces et des sociétés en question) et l’autre intégratrice (fondée sur l’examen de situations locales comme étant des composantes d’une maquette d’ensemble). C’est la conception intégratrice qui est majoritaire, répandue jusque dans les manuels scolaires. Les travaux de Philippe Perrier-Cornet (2003) permettent d’approcher plus précisément le contenu du « rural ». Il propose quatre fonctions qui participent du rural : la fonction productive, la fonction récréative, la fonction environnementale et la fonction résidentielle.

L’ouvrage croise les communications épistémologiques, celles qui rendent compte de recherches de terrain qu’il soit français, européen, mais également africain, dimension nouvelle qu’a prise le laboratoire depuis quelques années. Si, encore une fois, pour un ouvrage de ce genre qui collecte des articles de différents auteurs, les répétitions sont nombreuses, les apports sont essentiels à l’éclairage de la recherche actuelle en géographie rurale. Michaël Pouzenc se plie subtilement et habilement au délicat exercice de synthèse qui fournit la conclusion à cet ouvrage. En 25 ans, trois ruptures socio-spatiales se sont confirmées qui ont sérieusement remis en question les études rurales. Premièrement, l’intensification des flux de personnes, de marchandises, d’informations et de capitaux ne permet plus d’étudier « les sociétés villageoises » (Kayser, 1990) comme un objet d’étude à part. Elle conduit plutôt à interroger en quoi la société globale, dans sa diversité, continue de produire des ruralités.

Deuxièmement, la séparation entre un espace qui serait rural et un autre qui serait urbain n’a plus grand sens aujourd’hui. La multiplication des circulations a rendu vaine cette séparation. Cependant, s’il reste une sorte de permanence de différenciation entre « fait rural » et « fait urbain » dans les pratiques quotidiennes, cette dernière ne se situe plus dans une opposition basique. La ruralité serait se définirait ainsi comme un ensemble de rapports à la nature, indissociables de rapports sociaux et culturels, de systèmes de valeurs et d’idéologies.

Troisièmement, l’agriculture apparaît davantage comme un enjeu de société que comme un secteur d’activité.

La conclusion de Michaël Pouzenc nous invite à nous interroger sur les manières dont les sociétés actuelles construisent ou reconstruisent sans cesse leurs ruralités. La « fabrique de la ruralité » semble fonctionner à plein dans des sociétés de développement durable qui redéfinissent leurs rapports à la nature ; dans les sociétés mondialisées qui redéfinissent l’agriculture globale et questionnent la ruralité locale et dans les sociétés de mobilités qui redéfinissent le rural et l’urbain autrement que par délimitation.