Sixième réédition sur le sujet, cet atlas des migrations rédigé par Catherine Wihtol de Wenden (directrice de recherche au CNRS et enseignante à Sciences Po) est cette fois sous-titré « De nouvelles solidarités à construire » signe de l’évolution récente du phénomène migratoire.

On connaît bien la remarquable collection des atlas des éditions Autrement. Notons que la mise à jour de cette nouvelle éditionXavier, Jean-Pierre, Brigitte ont rendu-compte des précédentes éditions : Atlas des migrations – un équilibre mondial à inventer en 2012, en 2018 – en 2009 : https://clio-cr.clionautes.org/atlas-mondial-des-migrations-reguler-ou-reprimer-gouverner.html est de qualité. Si la forme demeure identique : 4 ou 5 chapitres regroupant sur un même thème des doubles pages centrées sur un point (un texte, des cartes, bien sûr, des graphiques), un verbatim éclairant pourrait constituer une introduction pour une leçon ou la question d’un devoir.

L’introduction situe la question migratoire dans l’actualité et rappelle fort opportunément quelques définitions qui montrent le décalage entre le statut juridique des personnes et la réalité des migrations.

Migrations facteurs et perspectives

Catherine Wihtol de Wenden décrit une double réalité, les migrations sont à la fois un phénomène mondialisé et régional. La carte des flux migratoires est mise en perspective avec celle des IDH.

Les causes sont diverses : développement et crises économiques, urbanisation, facteurs environnementaux. Cette diversité favorise l’accroissement des migrations et fait celui des trafiquants, passeurs mais aussi contrôleurs aux frontières.

Une double page est consacrée à la catégorie aux limites incertaines des réfugiés et déplacés. Ce qui permet d’évoquer la solidarité Sud-Sud (Turquie, Jordanie, Ouganda…).

Le rôle des diasporas n’est pas neutre (cartes des diasporas indienne et chinoise). La migration n’est pas seulement signe de pauvreté comme le montre la double page sur la migration estudiantine et la fuite des cerveaux ou celle qui présente les migrations, certes temporaires, pour un pèlerinage (le Hadj), le tourisme ou le soleil (migration des seniorsFestival de Géographie de Saint-Dié 2019, Migrations privilégiées depuis les « Nords », Brenda Le Bigot, mais la carte n’est pas très parlante).

Enfin Catherine Wihtol de Wenden pose une question : Les déplacés environnementaux sont-ils les migrants de demain ?

L’Europe, l’une des premières destinations au monde

Si l’Europe est terre d’immigration c’est largement pour satisfaire les besoins en main-d’œuvre aussi bien vers l’Europe qu’à l’intérieur de l’Europe.

Cette seconde partie fait une large place à la crise migratoire de 2015 avec une réflexion sur la notion de frontières. Elle interroge l’évolution vers une européanisation des politiques migratoiresVoir Olivier Clochard (dir) – Migreurop, Atlas des migrants en Europe – Géographie critique des politiques migratoires, Armand Colin, 2012.

La double page consacrée à l’Allemagne rappelle l’ancienneté des migrations depuis 1945 (Vertriebene et Aussiedler). La situation de quelques pays est traitée par une double page : France, entre accueil et fermeture (un focus l’immigration britannique), Royaume-Uni et Irlande, Europe du Sud : de l’émigration à l’immigration, Europe de l’Est et Russie : un système migratoire régional avec les républiques ex-soviétiques.

Le Sud en mouvement : monde arabe, Afrique et Asie

La rive méridionale de la Méditerranée est un espace migratoire de départ, de transit mais aussi d’accueil (Maroc)Festival International de Géographie 2019, Les migrations africaines au Maghreb et dans le monde arabe, Ali Bensaad.
En Afrique sub-saharienne il convient de noter l’importance des migrations internesFestival de Géographie de Saint-Dié 2019, Les Africains migrent d’abord en Afrique, Catherine Fournet-Guérin. l’Afrique du Sud est attractive. La désertification, les nombreux conflits engendrent des déplacements de population. Mais les motifs de départs évoluent après l’exode rural, l’urbanisation et la scolarisation poussent à de nouveaux départs plus lointains.

Le Proche-Orient est surtout marqué par les réfugiés de guerre. La Turquie est à la fois un pays de départ vers Allemagne notamment, de passage et d’accueil.

Des pays riches attirent des travailleurs du monde entier : Israël et le Golfe PersiqueFestival de Géographie de Saint-Dié 2019, Le Golfe : un carrefour migratoire.

Plusieurs double-pages sont consacrées à l’Asie. En Chine les migrations sont largement internes malgré l’absence de statut du migrant. En Inde, outre les migrations traditionnelles avec ses deux voisins, l’émigration conduit de nombreux travailleurs vers les pays du Golfe.

Deux pays sont les « champions » du nombre d’apatrides Bangladesh et Myanmar.

Le Nouveau Monde : terre d’immigration

L’Amérique est la terre de migrants par excellence. Les Etats-Unis ont été façonnés par les migrations (carte historique p. 69). La situation aujourd’hui est celle des étrangers légaux et illégaux, entre espoir d’intégration et violences policières. Au Canada c’est la politique de l’immigration choisie.

Les pays de départ : CaraïbesFestival de Géographie de Saint-Dié 2019, Migrations, diasporas et créolisation dans la Caraïbe, Amérique centrale et Mexique, des images récurrentes à la télévision. Alors qu’en Amérique du Sud les migrations sont plutôt de voisinages quand les migrants ne cherchent pas à aller vers d’autres continents.

Enfin l’Océanie a des liens privilégiés avec l’Asie du Sud-Est.

Des enjeux politiques pour demain

La « ville globale » point d’arrivée de l’exode rural devient un point de départ pour la migration internationale.
Ce dernier chapitre prospectif montre les différentes politiques : accords bilatéraux, espace de libre circulation, relation des états de départ avec leur diaspora (des citoyens qui votent, une économie basée sur les transferts d’argent). Dans la réflexion dur les relations entre migration et développement apparaît une idée nouvelle : le développement par l’exil. On constate une évolution vers une gouvernance mondiale des migrations comme le montre l’historique des accords internationaux (p.88-89).

Le clin d’œil à l’actualité amène à poser la question, non pas du rôle des déplacements dans la propagation du virus, mais celle des conséquences de la pandémie de Coronavirus.

 

En Conclusion Catherine Wihtol de Wenden s’inquiète de la fragilisation de la figure de l’autre.