Spécialisées dans l’édition scientifique, technique et juridique, les éditions Eyrolles ne sont pas les plus représentées dans les rayonnages de la Cliothèque. Cet ouvrage de Manuel Lima, graphiste-designer et fondateur du site Visualcomplexity leur permet d’y apparaître de nouveau avec un thème dépassant largement celui de la cartographie et des réseaux dans leurs acceptions géographiques courantes puisque, le sous-titre le précisant, toute la question posée ici réside dans les multiples possibilités de représenter des données complexes, quelles qu’elles soient.
Revenant en introduction sur son parcours (travail de fin d’études sur la représentation des liens les plus populaires proposés par la blogosphère – rien que ça !), Manuel Lima attire d’emblée l’attention sur l’intérêt de collecter, d’archiver et de mettre à jour les données numériques qui évoluent très vite (il semble parfois plus facile de retrouver des illustrations du XIIe siècle que des captures d’écran d’il y a seulement 10 ans).
Les trois premiers chapitres, plutôt théoriques mais bien illustrés, expliquent que c’est le modèle de l’arbre qui a permis d’établir les premières formes de classifications (notamment en sciences naturelles) mais qu’il s’est rapidement vu critiqué de par son centralisme et l’absence de communications entre ses branches d’où le regard vers la forme du réseau. Plus sûr (car moins vulnérable aux attaques pour l’exemple d’Internet), le réseau ouvre surtout de nombreuses pistes parce qu’il prend en compte plusieurs variables (exemple de l’évolution de la classification de l’information – de la structure hiérarchique immuable du système Dewey à l’essor de la folksonomieLa folksonomie peut s’entendre comme un système alternatif permettant de catégoriser l’information à l’aide de marqueurs informels.).
C’est dans un quatrième chapitre nommé « interconnexions infinies » que l’œil du lecteur sera le plus mis à contribution. On y trouve ici d’innombrables sujets d’application pouvant laisser libre court à l’imagination des designers : toutes formes de sociogrammes déjà (les liens Internet, les citations scientifiques, les emails et le sacro-saint TwitterQui relaye activement notre travail associatif dans les sphères les plus variées.) mais aussi d’autres pouvant nous intéresser, géographes, comme le terrorisme ou les trajectoires spatiales tant individuelles que collectives. Mais si tout est possible, est-ce que tout est réellement utile (cas du chemin parcouru par Jérémy Wood tondant sa pelouse durant les différentes saisons de l’année – évidemment, les traces sont moins marquées l’hiver…gardons raison) ?
Très logiquement, après cette série d’exemples sur la variété des prouesses et des domaines pouvant être couverts, l’auteur reprend un peu de hauteur pour s’interroger sur « la syntaxe d’un nouveau langage » en proposant une quinzaine de représentations possibles : « diagrammes en arc », « groupements de surfaces », « convergences radiales »…les « globes encerclés » rendant bel hommage aux problématiques liées à la mondialisation.
L’ouvrage invite quelques contributeurs (Nathan Yau, Andrew Vande Moere, Christopher Kirwan, David McConville) et se termine sur un certain nombre de réflexions sur les liens entre science et art, évoquant les fractales ou encore le travail de Jackson Pollock et montre qu’il y a bien de l’ordre dans la complexité.
Une véritable invitation à « voir le monde par les données » qui montre à la fois l’étendue des possibles dans le domaine des représentations graphiques mais qui permet de réfléchir, en amont, sur le classement de l’information à représenter.
Saluons donc cette nouvelle entrée des éditions Eyrolles dans la Cliothèque et précisons que l’on pourra accompagner cette lecture de celle de l’ouvrage « Datavision » de David McCandless ou encore de celle du « Voir le monde d’aujourd’hui en chiffres et en images » de chez Gallimard Jeunesse.