Entre septembre 1941 et septembre 1943, George Orwell fut chroniqueur auprès de la BBC, en charge de diffuser des programmes culturel et politique à destination de l’Inde et ce en vue de contrer la propagande de l’Axe à destination de la colonie britannique.

Loin d’être un emploi d’ordre exclusivement alimentaire, ce poste permis à Orwell de développer et de présenter des propos de très grandes qualités dont le présent ouvrage nous fait ici pleinement profiter.

Organisé comme un diptyque, Chroniques du temps de la guerre, débute par une première partie d’ordre plus « littéraire » avec, entre autres, des considérations sur la guerre (à titre d’exemple « du beurre et des canons » dans lequel Orwell se demande s’il est opportun de maintenir des loisirs en temps de guerre ou encore « le rôle du sabotage » dans lequel Orwell déclare (p.20) que « quand surviendra enfin la chute d’Hitler, les travailleurs européens qui lambinaient, gaspillaient du matériel, simulaient la maladie et endommageaient les machines dans les usines auront joué un rôle non négligeable dans la défaite du Grand Reich »), la réalisation de « Voix », revue radiophonique mensuelle consacrée à la poésie, des présentations en anglais de nouvelles d’Anatole France ou d’Ignazio Silone, une truculente interview imaginaire de Swift, des considérations sur divers auteurs et un extraordinaire « Récit à cinq voix », campant deux personnages fats, et surtout sans scrupules, dans un Londres en pleine guerre.

La seconde partie est constituée d’une sélection des chroniques hebdomadaires de George Orwell lues à la radio. Toutes ont été soumises à la censure du ministère de l’Information britannique.

Dans son excellente préface aux textes d’Orwell, Claude Noël indique que les orateurs étaient accompagnés d’un censeur vérifiant que les paroles prononcées étaient bien similaires au texte ayant reçu l’imprimatur. Dans le cas contraire, le micro était immédiatement coupé (certains des textes présents dans l’édition sont d’ailleurs indiqués comme ayant été censurés).

Claude Noël écrit encore (p.192) que « c’est évidemment dans le (le au lieu de « ce ») domaine politico-militaire qu’Orwell a subi le plus de contraintes. Rien d’étonnant, dès lors, qu’il se soit attelé à la rédaction de La Ferme des animaux, violente satire du régime stalinien, sitôt après avoir quitté la BBC (le ministère de l’Information, du reste, s’opposa à la publication de La Ferme des animaux aussi longtemps que durèrent les hostilités). On peut en outre se demander, en poussant les choses un peu plus loin, si les télécrans espions de 1984 ne sont pas, dans une certaine mesure, une transposition audiovisuelle de ce vigilant censeur « presse-bouton »… ».

L’extrait suivant est tiré de la chronique en date du 18 juillet 1942 (p.225) : « En France, la fête nationale a lieu le 14 juillet, jour de la prise de la Bastille. (…). Depuis, ce jour a toujours été célébré tous les ans en France. Cette année, le maréchal Pétain, l’homme de paille des Allemands, a interdit les festivités traditionnelles et décrété que le 14 juillet serait une journée de deuil. La prise de la Bastille n’en a pas moins été commémorée comme il se doit, tant en Grande-Bretagne que dans tous les territoires où sont stationnées les Forces françaises libres, et des avions britanniques l’ont fêtée à leur manière en répandant au-dessus de la France occupée cinq millions de tracts apportant aux Français l’espoir qu’avant longtemps, le 14 juillet serait de nouveau célébré en tant qu’anniversaire de la République et de la libération de la tyrannie ».

L’ouvrage est d’un grand intérêt, offrant des textes souvent méconnus et également un aperçu des activités qu’exerça George Orwell pendant la Seconde Guerre mondiale.

Les chroniques de la seconde partie pourront être utilisées avec bonheur et profit dans le cadre d’une séquence consacrée au second conflit mondial.

Grégoire Masson