Son présent livre s’inscrit dans la collection « Parole Publique » qui a pour créneau « une opinion affirmée qui devient publique, des textes concis pour comprendre mieux et davantage ».
Une histoire paysage
Par cette formule, l’auteur précise qu’il n’ y a pas là de volonté d’exhaustivité. En plus de la narration, on trouve des encarts qui permettent de faire le point sur des aspects précis comme « la chimie dans les manuels scolaires, la découverte des graphènes ou encore Pasteur au-delà de la légende ». On trouve aussi quelques images, et une petite conclusion à la fin de chaque chapitre, une bibliographie et un index. On peut souligner que le livre ne contient pas trop de passages techniques, même si à partir du chapitre 6, c’est parfois plus difficile. Dans l’introduction, l’auteur présente en quelques idées ce que représente la chimie. Elle mélange des aspects manuels et intellectuels, elle a un rapport particulier aux forces de la nature. Bref, c’est un art et une science. Dès qu’on parle chimie, il faut en fait avoir une vision plus large, comme pour toute science, et l’auteur annonce qu’il convoque ici des éléments de sociologie des sciences ou encore d’histoire des techniques.
Des alchimistes à la Renaissance
Le premier chapitre est très large chronologiquement puisqu’il s’étend de l’Antiquité au début du XVIIème siècle. Deux courants de pensée sont essentiels à retenir : ceux qui pensent que la matière est divisible à l’infini et de l’autre ceux pour qu’il y a une limite. C’est l’époque de l ‘alchimie et l’auteur propose un rapide tour d’horizon géographique et chronologique. A partir de l’époque de la Renaissance, les chimistes sont, comme d’autres savants ou artistes, car ils ont besoin d’un riche protecteur, ils exercent la médecine et sont vendeurs de remèdes.
Lumières sur la chimie
Comme pour de nombreux domaines, le XVIIIème siècle est une période d’intenses changements. « Les procédés sont améliorés et les substances sont mieux identifiées ce qui augmente la quantité et la qualité des produits ». Parmi les itinéraires bien connus, il y a celui de Lavoisier qui a fini décapité en mai 1794. Cette science connaît comme d’autres une diffusion importante des connaissances. Il existe alors des dizaines de cours privés à Paris et en province. On lira à ce propos et avec profit « Paris savant » de Bruno Belhoste. C’est l’époque également de l’Abbé Nollet et de ses expériences comme le montre le site internet de cette ancienne exposition du château de Versailles : http://sciences.chateauversailles.fr/index.php
Le XIXème siècle : l’âge d’or de la chimie
Le nombre de substances chimiques connues passe de quelques centaines vers 1800 à 200 000 vers 1910. C’est encore en croissance aujourd’hui avec un chiffre facile à retenir : il y a autant de produits chimiques recensés que de Français. Le XIXème siècle, c’est l’époque où la chimie s’organise avec les travaux de Mendeleïev qui d’ailleurs laissa des cases vides pour permettre une évolution de son célèbre tableau. On voit aussi l’importance des laboratoires ou encore de la chimie agricole. C’est l’époque des entreprises comme Saint Gobain. Un encart est consacré au cas de Sanofi. Le livre se poursuit en déclinant ensuite de multiples domaines avec des exemples d’applications pratiques. A cette époque la chimie devient une science positive.
Atomes, chimie quantique et nanotechnologies
Les chapitres 5 et 6 couvrent 80 pages environ. A partir de là, et selon vos connaissances, le livre devient parfois plus technique. Sans entrer dans les détails, le lecteur historien pourra prendre appui sur les repères chronologiques : 1898 avec Pierre et Marie Curie. On découvrira peut-être l’apport de Jean Perrin, « l’homme qui a compté les atomes ». Dans les pages suivantes, Sacha Tomic aborde la question de la chimie quantique et des nanomachines. Rappelons quand même que la chimie quantique commence dans les années 20. L’auteur n’oublie pas de parler des applications pratiques comme avec une nouvelle génération de microscopes (page 203). On découvrira aussi que le mot « nanotechnologie » apparaît en 1974. D’autres révolutions sont en cours avec les graphènes (page 209). Que retenir de tant d’événements ? Sacha Tomic dit qu’avant tout il s’est produit un changement d’échelle. « Les produits courants se débitent par millions de tonnes contre des milliers de tonnes au début du XXème siècle ».
La chimie et son époque
Le dernier chapitre se présente davantage comme une réflexion sur le statut de la chimie qui fait parfois peur. Elle possède souvent une image ambivalente. Les engrais ont apporté un progrès mais, à présent, ils sont très mal vus. On a toujours besoin au quotidien de la chimie comme en témoigne l’utilisation du silicium pour les puces d’ordinateurs. Ce ne sont pas des produits socialement ou culturellement neutres. L’auteur évoque brièvement le rapport entre « science, économie et politique » à travers par exemple le cas de Fritz Haber. Il invite aussi à se méfier de l’émotion médiatique concentrée autour de quelques événements exceptionnels comme la catastrophe de Bhopal. Il rappelle aussi le poids économique de l’industrie chimique pharmaceutique pour éviter de se réfugier dans des principes uniquement moraux.
En un peu moins de 300 pages, voici un tour d’horizon qui parfois résonnera avec des questions abordées en classe, parfois donnera à mieux découvrir la chimie et son champ d’action. Un ouvrage pour les amateurs d’une histoire ouverte à d’autres horizons.
© Jean-Pierre Costille, Clionautes.