Adrien Boschet est enseignant en histoire-géographie en section européenne. Jean-Baptiste Guéguan est enseignant-formateur en histoire-géographie et en géopolitique. Pour citer ce dernier, « Ce livre est le prélude à un ouvrage d’entretiens plus large qui sortira en novembre et qui réunit les spécialistes français, les journalistes du Monde, les associatifs et des migrants de différentes décennies».
L’objectif annoncé dès l’introduction est de mettre au clair les concepts, notions et processus liés aux phénomènes migratoires dans un contexte où tous, notamment les médias et les politiques, s’en emparent sans vraiment les connaître et où certains les détournent parfois pour influer sur l’opinion publique. Avec 224 pages, il s’agit d’un petit ouvrage de format poche qui doit donc permettre de faire brièvement le tour de la question. Il se compose de quatre parties.

La première porte sur le vocabulaire et les définitions devant permettre la rigueur nécessaire à l’étude du sujet, avec une première sous-partie portant sur la notion de migration et une seconde qui s’attache à définir des mots qui y sont directement liés (migrant, étranger, expatrié, demandeur d’asile, apatride, réfugié, déplacé interne, déraciné) enrichi de données statistiques et cartographiques.

Dans une deuxième partie, un court rappel sur l’histoire des migrations est fait pour ensuite décrire ce que sont les migrations dans le monde aujourd’hui. Ce tableau aborde brièvement les migrations internes et internationales, le tourisme, les migrations clandestines. Les problématiques émergées récemment sont ensuite abordées (hausse du nombre de migrants, murs, souveraineté des Etats-nations, gestion des flux). Les auteurs s’interrogent ensuite sur les raisons de ces mobilités en se penchant tour à tour sur la révolution des transports, la révolution de l’information, les inégalités, l’échec de la politique. Les migrations sont également analysées comme élément révélateur des évolutions de nos sociétés. En réponse au phénomène des migrations, le repli, avec le renforcement des frontières, est une réaction qui se développe un peu partout du fait notamment des représentations individuelles et collectives. Cette partie se clôt avec une cartographie des flux et stocks de migration accompagnée d’un profil des migrants et, enfin, des motivations de ces derniers.

La troisième partie porte sur les aspects géopolitiques de la question. Un très court rappel sur la définition de la géopolitique permet d’aborder les notions de territoire, de frontières et d’identité puisque le franchissement des frontières touche à la souveraineté de l’Etat et donc au rôle de l’Etat dans la mondialisation. Une carte montrant qu’en Europe aussi nombre de murs, barrières ou clôtures ont été érigés et un développement sur le Brexit nourrissent ici la réflexion. L’identité et les représentations forment également une thématique de la géopolitique des migrations. La frontière définit en partie l’Etat et alimente les représentations, c’est un objet politique qui évolue et qui, phénomène assez nouveau, peut être doublé d’un mur, celui-ci n’étant pas sans conséquence sur les plans sociaux, économiques et psychologiques. Le deuxième axe de cette approche géopolitique porte sur la gouvernance, avec l’idée assez nouvelle de gouvernance mondiale et celle du droit d’émigrer.

Enfin, la quatrième partie se place à l’échelle de la France. Les auteurs montrent d’abord le rapport historique de la France avec l’immigration et les apports de celle-ci en termes de développement et de vieillissement démographique. Vient ensuite le portrait des français expatriés, qui sont de plus en plus nombreux, puis les débats publics portant sur le communautarisme, éclairés par la distinction sémantique immigré/étranger, les différentes manières de devenir français et la notion d’intégration. La France est également replacée dans son contexte européen, notamment avec les accords de Schengen ; elle contribue à mettre en place des politiques migratoires avec par exemple les aides au retour et les relocalisations. Enfin, la question de l’immigration divise réellement la société française qui, comme ailleurs, a tendance à se replier sur elle-même.

Il s’agit donc d’un ouvrage synthétique sur la question complexe des migrations qui permet d’appréhender celle-ci ou de se mettre à jour sur une question qui touche clairement aux programmes de géographie comme avec le thème des mobilités humaines, mais aussi à l’histoire avec, par exemple, l’immigration en France au XXe siècle ou encore à l’éducation morale et civique en vue d’étude de cas sur le thème des discriminations (xénophobie) ou de la citoyenneté. Malgré l’aspect très synthétique de l’ouvrage, quelques exemples sont assez bien approfondis. A noter également que l’ouvrage est illustré de documents (statistiques, cartographiques…) et que de nombreux liens (notamment vers des articles, des rapports) sont donnés en note de bas de page permettant d’approfondir certains thèmes et d’alimenter des études de cas.

Emeline Holland, pour Les Clionautes©