L’ouvrage présente les résultats du programme de recherche DIVA – Action publique, Agriculture et Biodiversité, recherche qui vise à mieux comprendre les interactions à différentes échelles sur les territoires agricoles entre politiques publiques et biodiversité. Cet ouvrage collectif présente 18 projets concrets et complète un autre ouvrage paru en 2009 chez le même éditeur : « Agriculture et biodiversité ».

Cette question largement débattue tant chez les environnementalistes que dans le milieu agricole est ici traitée à partir d’études de terrain.
La présentation en tête de chaque chapitre, des enjeux de la recherche et sous la rubrique « apports pour la gestion » des principaux résultats de recherche peuvent utilement guider le lecteur.

Le programme Diva lancé en 2000 par le ministère de l’environnement cherche des pistes pour gérer la biodiversité dans un milieu agricole fortement modifié au cours des 50 dernières années. Les études pluridisciplinaires conduites de 2003 à 2010 portent sur des systèmes agraires et des milieux biologiques variés.

Agriculture et environnement: cadre réglementaire et outils juridiques

Les auteurs font état du rapprochement au niveau européen des législations agricoles et environnementales en rapport avec le déclin de la biodiversité. Ils montrent en particulier les évolutions de la PAC Politique Agricole Commune. Ce premier chapitre présente un tableau synthétique de l’évolution de l’agriculture depuis les années 50, la mise en place suite au Sommet de RIO (1992) des MAE Mesures agroenvironnementales et le basculement des aides de la contractualisation vers le conditionnement des aides et l’apparition des MAET Mesures agroenvironnementales territorialisées. Un encadré fort utile rappelle les grandes dates du droit européen en matière d’environnement.
On trouvera également une mise en regard du droit européen et du droit international ainsi qu’une comparaison France/Angleterre.

Après ce chapitre général d’introduction du cadre légal l’étude porte sur la France où les auteurs constatent à l’aide de quelques exemples une convergence des politiques environnementales et agricoles: Droit de l’eau dans le cas des étangs des Dombes, problématique loup à peine évoquée, le nourrissage des vautours par des animaux d’équarrissage et la mise en place réglementaire des trames vertes et bleues.

Dynamiques sociales de la biodiversité

Cette seconde partie fait la part belle aux représentations.

Une étude montre la diversité des positions des éleveurs entre tradition, dynamique marchande, normes, contraintes et atouts dans le cas des éleveurs auvergnats (région de St Nectaire et Salers) en zone de production fromagère AOP Appellation d’Origine Protégée. La biodiversité est tantôt souhaitée, tolérée tantôt indésirable.

Seconde étude: Comment les éleveurs gèrent une bête morte dans les régions riches en rapaces comme les vautours? Les auteurs rappellent l’évolution à la fois de l’élevage ovin Vercors, Verdon, vallée d’Ossau, Grands Causses et de l’équarrissage (réglementation sanitaire). C’est l’occasion d’observer les représentations des agriculteurs à propos de ces rapaces nécrophages et les relations avec les défenseurs de la nature.

En partie dans les mêmes zones géographiques deux chapitres portent sur les prairies de montagne. Une étude conduite dans les Alpes du Nord et le Jura Bornes, Beaufortain, Vercors et Parc du Haut Jura montre comment les éleveurs perçoivent et utilisent la biodiversité : une vision avant tout professionnelle qui n’altère pas la perception du beau notamment en matière de paysage tandis que le terme de biodiversité est perçu comme extérieur, venant de la ville et porteur de contraintes.

Dans un nouvel exemple Bauges, Haut Jura, Vercors c’est l’impact des MAET qui est analysé. L’étude porte sur les contrats « prairies fleuries » qui visent à promouvoir une plus grande biodiversité dans les pâturages de montagne. Si les éleveurs n’ont guère changé leurs pratiques, l’attitude envers la flore a évolué avec un sentiment de reconnaissance de leurs bonnes pratiques.

Dynamiques écologiques de la biodiversité

De retour en zone AOP d’Auvergne l’étude porte cette fois sur la mesure de la biodiversité en fonction des pratiques agricoles : plus le système est intensif moins la biodiversité est grande. Les auteurs décrivent leur méthodologie qui débouche sur une meilleure connaissance de l’interaction système fromager/biodiversité.

La Bretagne et ses haies est l’objet du chapitre suivant. La haie ou plutôt les haies étaient autrefois un constituant fort du bocage armoricain et pourraient être l’ancrage de la politique des trames vertes et bleues. L’étude montre à la fois des situations variées : densité, continuité du réseau des haies mais aussi l’importance de leur entretien et la nécessité d’une étude sur plusieurs années pour apprécier leur rôle dans le maintien de la biodiversité : insectes, flore mais aussi qualité des eaux.

Le chapitre 9 propose une nouvelle méthode de classement des parcelles agricoles à partir d’une recherche en zone de déprise ou d’extensification Garrigues au Nord-est de Montpellier, Ercé dans les Pyrénées ariégeoise et Theix en Auvergne. Un chapitre très technique sur les espèces végétales, leur variété, la matière sèche produite.

Les Dombes grâce à leur nombreux étangs constituent un milieu particulièrement riche. L’étude montre que ce patrimoine naturel peut également être un lieu de production piscicole. La pratique traditionnelle de mise en culture de l’étang asséché, bien conduite, est favorable à la fois à la production et au maintien de la biodiversité.

Quelle biodiversité dans les vignobles Saumur Champigny ? L’analyse des espaces intercalaires : haies, murets, chemin, buissons accueillent une biodiversité malgré l’effet appauvrissant d’une monoculture, ici la vigne, mais dans un paysage dans le Saumurois plutôt diversifié.

Le chapitre 12 nous entraîne en Provence. Le Luberon a fait l’objet de deux MAE : restauration des pelouses sèches par et pour un pâturage ovin, maintien des plantes messicoles accompagnant les cultures (coquelicots, matricaires, bleuets) dont les chaumes sont régulièrement pâturés. les auteurs décrivent leurs observations fines du passage des brebis qui favorise l’ouverture des espaces embroussaillés mais aussi assure le transport des graines d’espèces messicoles favorisant ainsi leur maintien.

Avec le chapitre 13 retour sur la question des vautours. Le plan de l’ouvrage conduit pour quelques études à un éclatement de leur présentation dans des chapitres éloignés ce qui semble préjudiciable à une bonne compréhension. Ce chapitre complète le chapitre 4. Il est consacré à une étude fine des habitudes de nourrissage des vautours. S’il s’adresse plutôt à nos collègues de SVT, les deux approches chapitres 4 et 13 peuvent constituer un bon support d’une approche pluridisciplinaire.

Le chapitre suivant mesure les conséquences des pratiques d’élevage sur les paysages des Grands Causses. L’étude montre que l’équilibre élevage ovin / milieu ouvert de la lande a concerné la période 1900-1960. Aujourd’hui la forêt gagne du terrain. Voilà un bon exemple de l’évolution des paysages traité ici du point de vue du naturaliste mais utile au géographe.

Intégration des politiques de biodiversité

A partir de quelques exemples c’est une analyse des interactions entre politique agricole et politique de biodiversité qui est présenté, une situation dynamique qu’il convient d’évaluer pour une action plus efficace: quels intervenants, quelles attitudes, quels objectifs, quelles négociations? En un mot quel pilotage dans le cadre de la prochaine PAC.

Retour sur les Causses, plus précisément le Causse Méjean description de trois scénarios pour tester les effets des politiques d’aide sur les systèmes d’élevage et le maintien d’un paysage ouvert. Les auteurs concluent sur l’efficacité des mesures qui s’appuient sur un résultat économique.

Pour évaluer les conditions de réussite des MAE c’est l’exemple du programme « Prairies fleuries » déjà évoqué au chapitre 6 qui est analysé. Les auteurs concluent sur la nécessité de la présence d’évaluateurs issus du milieu agricole et montre l’intérêt des territoires d’expérimentation.

En Lorraine comment fédérer pour intégrer la biodiversité dans le production agricole? Une réflexion partagée sur les relations saltus/ager deux termes qui font écho à l’histoire du monde rural met en évidence leurs limites fluctuantes. Quelques croquis d’évolution peuvent utilement être mis en relation avec des photographies aériennes pour une étude du paysage lorrain.

Avec la cahier des charges des AOP fromagères auvergnates le lecteur renoue avec les chapitres 3 et 7. Cette étude montre les limites des politiques de biodiversité face aux contraintes tant sanitaires qu’économiques.

Les négociations concernant l’environnement et la nature opposent souvent élus et agriculteurs défendant un projet de développement et défenseurs de la nature. Les auteurs de l’étude ont fait porter leur attention sur les malentendus, les incompréhensions mais aussi les convergences qui participent de l’élaboration d’un compromis; Elle porte sur les engagements des agriculteurs dans un contrat de gestion qui peut amener à une modification de leurs pratiques pour un maintien de la biodiversité. Les contrats étudiés se situent dans les Alpes du Nord (gestion des prairies d’alpage, protection du tétras-lyre…).

Le dernier chapitre présente les rôles multiples des chargés de mission dans la facilitation des politiques publiques.

En annexe on trouve un descriptif de chacun des projets du programme DIVA.