Coups d’État et Révolutions
Editions Technip, revue de l’institut international de géopolitique,
À chaque numéro de cette revue traitée tous les mois sur le site des Clionautes, la rédaction parvient à dénicher les grandes signatures de référence sur le thème traité. En matière de coups d’état et de révolution, nul doute que Pierre Béhar ou Jean Tulard ou Bartolomé Bénassar, ne fassent référence.
L’article de Pierre Béhar qui ouvre ce numéro, présente le concept de révolution comme une mutation violente de l’ordre politique ce qui permet de le différencier des révoltes que l’on pourrait qualifier de tentatives avortées de changement d’une situation locale devenue insupportable.
La Révolution est un phénomène polymorphe de nature nationale comme la révolte des Provinces Unies contre la domination espagnole au XVIe siècle mais également la Révolution de Bruxelles qui met fin à la domination des Pays-Bas sur l’Ouest du plat pays. La Révolution américaine est à la fois outil fiscale est plus explicitement politique, marquée par le refus de l’inégalité de traitement dans laquelle la couronne britannique maintenait les colons des Amériques.
On peut qualifier de Révolution à la fois religieuse et nationale l’attitude de Luther qui refuse à la fois la domination spirituelle et temporelle de Rome sur les terres allemandes. On comprend alors l’écho que la prédication de ce moine augustin a recueilli auprès d’une partie de la noblesse allemande. De ce point de vue, et si l’on retrace l’histoire de l’Europe au XVIe siècle, la réforme et la contre-réforme ont été porteuses de révolution et de contre révolution, sans que l’on puisse d’ailleurs rattacher obligatoirement leur évolution à la réforme et la contre-révolution à la remise en ordre religieuse au sein de l’église catholique va constituée la contre-réforme.
Les causes profondes de ces révolutions trouvent leurs racines dans l’évolution sociale antérieure des sociétés concernées. On sait la place que l’ascension de la bourgeoisie a occupé dans les aspirations qui se sont exprimées lors de la révolution française, dès la rédaction des cahiers de doléances en 1789.
L’auteur de cet article, même s’il ne remet pas en cause l’historiographie qui s’était détournée de l’évènementiel, insiste davantage sur ce qu’il appelle les incarnations des révolutions.
Le débat relève d’ailleurs davantage de la philosophie de l’histoire que l’histoire. Le 18 brumaire aurait-il eu lieu sans Bonaparte ? La réforme sans Luther ? la terreur sans Robespierre ? la révolution bolchevique sans Lénine ? Peu importe après tout, il existe assurément un moment privilégié pendant lequel un individu rencontre son destin.
Une intéressante analyse de l’attitude du général De Gaulle, entre son départ du 29 mai 68 et son tonitruant retour radiophonique du 30 mai, montre que pour réussir une révolution, encore faut-il savoir faire un coup d’état.
En ne s’étant pas assuré des moyens de contrôle des réseaux de communication et d’information, ceux qui espéraient en une mutation de l’ordre politique en 1968, étaient condamnés à subir l’immense équation personnelle du général De Gaulle. Ceci étant il conviendra de rappeler à Pierre Béhar que, si mai 68 est une révolution sans morts, elle est aussi et surtout une révolution sans révolutionnaires.
Jean Tulard : Le coup d’état de Brumaire
Dans cet article Jean Tulard revient sur l’organisation du coup d’état de brumaire. On y apprend que, loin d’avoir été minutieusement préparé, ce coup d’état a failli échouer. Il s’en est fallu de peu en effet que le conseil des 500 ne fasse preuve de plus d’autorité ou de courage et ne pousse Bonaparte à la faute. C’est l’intervention de la troupe qui fait pression mais qui ne fut pas couler le sang qui fait réussir le coup d’état, et qui marginalise de fait les politiques comme Sieyès qui voulait conserver la haute main sur le général. Ce dernier n’est pas la marionnette galonnée que Talleyrand ou Sieyès croyaient mais celui qui vient par surprise de s’emparer du pouvoir. Juste après le coup d’état de brumaire les royalistes font des avances à Bonaparte et ce dernier, en annonçant la fin de la révolution, met un terme provisoire à une éventuelle tentative de restauration monarchique qui avait littéralement plombé toute la période du Directoire.
Bonaparte n’a pas fondé quoi qu’il en dise et malgré ses espoirs de nouvelle dynastie. Certes il est sacré le 2 décembre 1804 mais dans la pratique il reste un dictateur de salut public à la romaine qui continue la république sans remettre en cause les acquis de la révolution comme l’égalité des droits, la liberté politique et civile, l’irrévocabilité des ventes des biens nationaux, il ne fait aucun impôt ni taxes ne sera établi qu’en vertu de la loi. Contrairement aux précédents anglais, la révolution n’accouche pas d’une monarchie même rénovée, du moins pas avant que les défaites militaires ne viennent remettre en cause l’édifice patiemment construit par le général victorieux.
Dans un entretien, Alain Decaux, présente le coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon premier, mais surtout profondément attaché à l’idée que l’on pourrait perpétuer la diffusion en Europe des valeurs nationales que la révolution française, les armées de l’empire avaient en partie propagée. Louis Napoléon Bonaparte qui a vécu en Allemagne, qui a comploté en Italie, qui a partie liée avec les carbonari, s’est retrouvé incarcérer au fort de Ham à la suite d’une tentative de coup d’état manqué. Son évasion, son exil en Angleterre, aurait pu mettre un terme à ses ambitions politiques si la révolution de février 48 ne lui avait pas permis un retour en France, auréolé d’un nom prestigieux, du souvenir de la prospérité relative que les campagnes avaient connue sous le règne de son oncle et une incontestable audience au sein des classes populaires et même des ouvriers de l’industrie naissante. Encore une fois, ce sont les politiques comme Thiers qui espèrent s’en servir qui se retrouvent grugés. Élu du suffrage universel car incarnant à la fois le retour à l’ordre menacé en juin 48, des préoccupations sociales, et dans une certaine mesure la gloire de son oncle, il s’affronte aux députés notamment sur la question du suffrage universel que la chambre avait supprimé. Plus soigneusement préparé que le coup d’état du 18 brumaire, le coup d’état du 2 décembre est une réussite. Dans cet entretien, Alain Decaux rappelle que ce coup d’état à Paris se fait dans le calme le jusqu’au 4 décembre, jour où quelques barricadent sont édifiées et assez vite réduites. Paradoxalement le coup d’état du 2 décembre 1851 est le seul du genre à avoir été ratifié par le suffrage universel. 7 145 000 voix s’expriment en sa faveur contre 592 000 non. Le 7 novembre 1852, un nouveau plébiscite rétablit l’empire.
Marc Ferro présente la révolution russe à la fois comme coup d’état et une révolution. Il inscrit cet épisode majeur du début du XXe siècle dans la filiation de la tentative de Gracchus Babeuf d’instaurer dans la continuité de la révolution française la réalisation de l’égalité sociale, cette expérience que l’on a appelée la conjuration des égaux. À la fin du XIXe siècle avec l’apparition du marxisme en Russie, les deux idées de révolution politique et d’émancipation sociale à partir de la classe ouvrière ont fusionné. Le marxisme attribuant désormais la classe ouvrière la fonction régénératrice et le rôle moteur dans le développant historique. Le socialisme est clairement une attaque contre la domination capitaliste, ce qui ne signifie pas pour autant la remise en cause du despotisme, puisque la révolution française a, au contraire, renforcé les pouvoirs de l’État. Le projet démocratique n’est pas directement lié au projet socialiste, du moins tel que le conçoivent les marxistes russes. Pour Lénine, le régime représentatif et une « plaisanterie bourgeoise ».
La lecture que l’on peut faire de la révolution russe a évolué dans l’historiographie contemporaine. Pendant longtemps, on parlait même de révolution russe au pluriel, en différenciant la révolution bourgeoise, celle de février 17, de la révolution prolétarienne, celle d’octobre. D’après Marc Ferro, la révolution intégrale est bien celle de février. Il la qualifie même de révolution intégrale. En quelques semaines en effet la société se débarrasse d’une monarchie pluricentenaire, d’un système de sécurité omniprésent, d’une bureaucratie impériale au pouvoir exorbitant et remet en cause le poids d’une église associée depuis Pierre le Grand à la dynastie des Romains leur feu.
La révolution bolchevique a clairement été le résultat de la volonté de Lénine de s’appuyer sur le pouvoir alternatif à celui du gouvernement provisoire représenté par les soviets. Il doit imposer à ses propres camarades, à l’exception de Trotski sa volonté de prendre le contrôle de ces structures à partir d’un noyautage systématique organisé dans la perspective d’un coup d’état. Dans le même temps, les soviets sont eux-mêmes porteurs d’une volonté de transformation sociale. Et c’est en associant des secteurs de l’armée qui diffusent le message populaire de « la terre aux paysans », des milices ouvrières encadrées par des militants du parti, qu’il construit avec Trotski l’instrument de la prise de pouvoir.
Le coup d’état a lieu dès lors que le parti bolchevique dispose d’une majorité dans les soviets les plus importants de Saint-Pétersbourg. Contrairement à la Vulgate habituellement diffusée sur un accord entre Lénine et Trotski au moment de l’insurrection, Marc Ferro apporte un éclairage inédit sur la méfiance dont Lénine faisait preuve à l’égard de celui qui était, il y a encore peu de temps, un menchevik. En effet même si c’est le soviet de Petrograd qui s’est emparé du palais d’hiver, lors du deuxième congrès pan russe des soviets, le 25 octobre, en même temps que l’on donnait l’assaut au palais d’hiver, Lénine impose une majorité bolchevique que rien ne justifiait.
Dans le même temps, Marc Ferro montre que des secteurs entiers des partis révolutionnaires qui n’étaient pas, loin s’en faut bolcheviques, s’étaient ralliés à Lénine.
Très rapidement pourtant, ces ralliés devaient déchanter en constatant que les violences populaires étaient couvertes par le nouveau pouvoir qui venait de s’imposer. Dès le 10 décembre 1917 la Tchéka a été créée, et les violences exercées contre « la presse bourgeoise » non seulement cautionnée mais encouragées.
Dès le début, d’après l’auteur de cet article, la révolution bolchevique s’inscrivait dans une perspective autoritaire, ce que son évolution devait confirmer par la suite.
Georges Henri Soutou revient sur ce que l’on pourrait qualifier d’irrésistible marche en avant de Hitler, entre la tentative ratée de coup d’état et son arrivée au poste de chancelier du Reich, le 30 janvier 33. En 1923 lors du putsch de la brasserie, le NSDA n’est rien d’autre qu’un de ses multiples groupuscules d’extrême droite constitué au lendemain de la guerre. Hitler est d’ailleurs chargé par les services de l’armée de l’infiltrer.
Lors du putsch de Munich, Hitler a toujours des liens avec certains secteurs de l’armée même s’il a déjà commencé à porter le fer contre les institutions de la république de Weimar. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la lutte contre l’occupation française de la Ruhr n’a pas été la priorité de ce parti.
D’après Soutou, c’est très consciemment que Hitler renonce à la méthode putschiste inspirée de Malaparte pour s’engager dans la constitution patiente d’un parti capable de s’imposer dans le camp conservateur dominé alors par les nationaux allemands du DNVP. L’auteur de cet article affirme que le caractère légal de la prise de pouvoir du 30 janvier 33 est sujet à caution. Depuis 1930, les gouvernements successifs s’appuyaient sur l’autorité du président Hindenburg, sans contrôle du Parlement. L’arrivée au pouvoir d’Hitler a été rendue possible grâce à une véritable conspiration associant certains hommes politiques conservateurs comme Von Papen et Oscar, le propre fils du vieux maréchal.
Hitler a tenu à maintenir la continuité juridique avec le régime précédent, tout en doublant les structures administratives parcelles du parti. Dès 1933 c’est bien une révolution nationale socialiste qui commence, qui associe tout de même l’immense majorité des cadres de l’armée, même si l’opération Walkyrie a démontré que certains secteurs de ce grand corps n’ont pas manqué de lucidité sur la nature du régime qui se mettait en place.
L’ambassadeur de France Pierre Lafrance n’est certes pas un historien mais son témoignage sur les coups d’état auquel il a assisté dans sa carrière diplomatique est particulièrement intéressant. Il est en Algérie en 1963 lorsque Ben Bella est renversé par un coup d’état militaire organisé en 1965 par Boumediene. D’après l’ambassadeur Ben Bella aurait été renversé par une coalition associant une partie de l’armée souhaitant défendre ses privilèges et des marxistes orthodoxes explicitement liées à l’Union soviétique. Il est vrai que dans l’entourage de Ben Bella ont trouvé de nombreux marxistes autogestionnaires qui aurait pu influencer la révolution algérienne dans un sens qui n’étaie pas souhaité par la direction soviétique.
En 1969, Pierre Lafrance se trouve en Libye. Le pays est indépendant depuis 1951, il était devenu sous l’égide de l’ONU, et le roi Idriss gouvernait ce pays dont l’unité nationale était pour le moins fragile. Entre la guerre des six jours et le coup d’état du 1er septembre 1969, le pouvoir royal se s’est fait plus autoritaire, ce qui a permis à de jeunes officiers de s’affirmer comme les défenseurs des libertés. C’est un jeune capitaine, bédouin, soutenu par ses camarades de promotion qui a su éliminer les officiers supérieurs suspects de complaisance avec l’ancien pouvoir. Cela ressemble beaucoup au coup d’état des officiers libres menés officiellement par le général Néguib mais en réalité conduit par le colonel Nasser.
L’ambassadeur est encore en poste en Iran pendant la période de la révolution blanche, cette tentative de modernisation s’appuyant sur les revenus pétroliers que le chah d’Iran avait voulu imposer à son pays. L’Iran avait connu en 1953 un coup d’état organisé cette fois-ci à partir des États-Unis qui craignaient que l’Union soviétique n’apporte son soutien à l’expérience du Dr Mossadegh.
La révolution blanche imposée par le haut à partir de 1973 s’est heurtée aux intérêts économiques des religieux en s’attaquant aux biens de main morte qui assurait leurs revenus aux institutions islamiques.
Dans le même temps, la corruption sévissait, les revenus des paysans stagnaient, et l’industrialisation à marche forcée du pays menacé directement les intérêts des artisans et des commerçants du bazar. En 1978, alors que la pression dans la rue était entretenue à partir de la France par l’ayatollah Khomeiny et ses partisans, le chah d’Iran a rapporté comme une sorte de légitimation Alain des héritiers politiques du Dr Mossadegh, Chahpour Baktiar. C’était évidemment trop tard.
Avant d’être envahi par l’Union soviétique en décembre 1979, l’Afghanistan a connu une série de coups d’état des 1973. Le 13 juillet le prince Daoud cousin du roi, profite d’un voyage à Rome de son parent pour s’emparer du pouvoir. Le prince se transforme en président de la république et s’appuie sur les Pashtouns, certes très importants, mais minoritaire dans le pays. Les représentants des autres groupes dont certains joueront un rôle important dans la résistance antisoviétique se réfugient au Pakistan. D’après l’ambassadeur de France en poste à Kaboul le président Daoud a cherché à éliminer les adversaires qui lui faisaient de l’ombre et à susciter un autre coup d’état cette fois-ci suscité par les communistes.
François Georgeon présente la révolution ottomane du 23 juillet 1908. C’est clairement un coup d’état militaire mené à partir des Balkans contre le pouvoir autoritaire du sultan. Pourtant, même si l’armée a été l’élément déclencheur, ce qui fait penser à la révolution des oeillets au Portugal en 1974, les troupeaux sont assez rapidement rentrés dans leurs casernes. Ce sont les jeunes Turcs qui avaient comme volonté le projet d’instaurer une monarchie constitutionnelle à Istanbul, qui se sont imposés à la tête du pays. Dans le même temps 1908 s’inscrit d’après l’auteur de l’article dans la continuité d’un cycle révolutionnaire qui commence en Russie en 1905, qui se poursuit en Iran en 1906 et qui se termine en 1911 en Chine. Dans tous ces cas c’est d’un empire autoritaire incapable de défendre la souveraineté du pays qui se voie remis en cause. De la même façon les jeunes Turcs sont représentatifs d’un mouvement intellectuel qui touche un monde musulman qui s’oppose au nom de la modernité à la domination européenne tout en reprenant les valeurs de l’Occident.
Dans le même temps, il s’agit pour ces jeunes Turcs de défendre, à partir de l’Anatolie un État-nation que le sultan était incapable de promouvoir. Cela donne cette révolution de 1908 un aspect contradictoire, associant des libertés fondamentales à un autoritarisme qui devait se manifester clairement par la suite. Par ailleurs, de laïc au départ, le mouvement jeune Turc s’est à la fois islamisé et turquicisé. Le modèle ottoman associant des peuples divers, albanais, arabe, Arméniens, devait vite se révéler inopérant. Dès avril 1909 des milliers d’Arméniens sont victimes d’un pogrom perpétré par les musulmans dans la ville de Adana.
Bartolomé Bénassar Du coup d’Etat à la Révolution
La IIe République espagnole est le résultat de la perte de prestige de la Monarchie incarnée par le Roi Alphonse XIII. Elle est officiellement proclamée le 14 avril 1931, après la démission du dictateur Primo de Rivera et le résultat des élections législatives de 1931.
Dans la pratique, le Roi quitte l’Espagne sans abdiquer, ce qui permet de parler de coup d’état légal. Pendant cinq ans, avant le début de la guerre civile, la IIe république espagnole vit sous la double menace d’un coup d’état militaire réussi ou d’une insurrection révolutionnaire. Depuis I siècle la question de la réforme agraire reste posée dans toute l’Espagne mais avec une intensité dramatique en Andalousie où les grands propriétaires terriens exploitent un petit peuple de paysans vivant dans la précarité. Dans les zones industrielles, dans les Asturies comment Catalogne un mouvement anarcho-syndicaliste s’est développé. Des incidents très violents ont lieu à partir de janvier 1933.
À droite, une conjuration militaire est organisée par le général commandant de la garde civile, Sanjurjo. Ce coup d’état très mal préparé et joue en août 1932. Mais d’autres tentatives à partir de Valladolid ou du Maroc semble avoir été envisagé par des officiers de haut rang. Cette situation troublée permet à la droite en novembre 1933 de remporter les élections. Cela se traduit par un arrêt de la réforme agraire, par des mesures en faveur de l’église et par une amnistie aux généraux putschistes. En 1934, la gauche socialiste se radicalise et lance une grève générale relayée dans tout le pays. C’est lors de l’insurrection des mineurs des Asturies que le général Franco à partir de Madrid commence à se faire connaître en réprimant les cinq insurgés.
Cette politique conservatrice du deuxième gouvernement républicain aboutit à la victoire du Front populaire aux élections du 16 février 1936. Un mois plus tard une tentative de soulèvement militaire à Madrid échoue.
Les premières mesures prises par le gouvernement de Front populaire pour se prémunir d’un coup d’état militaire, éloignement au Maroc de généraux conservateurs, ne parviennent pas à empêcher l’organisation d’une conspiration, cette fois-ci parfaitement coordonnée. Le général Mola soutenu par de très nombreux officiers monarchistes, la phalange, les carlistes, et un éventuel soutien du Maroc dont les troupes sont commandées par Franco, est l’inspirateur de ce complot qui aurait dû se dérouler heurts. En réalité son échec partiel, lié à la force de la réaction populaire, devait déclencher une révolution dans les régions hostiles au coup d’état et par là même une guerre civile.
Michel Ostenc professeur à l’université d’Angers, spécialiste de l’histoire de l’Italie contemporaine, présente une très intéressante synthèse sur le fascisme italien à partir de 1922. Dans cet article l’historien montre comment à partir de la marche sur Rome jusqu’au succès relatif lors des élections de 1924, Mussolini met en place un nouveau régime totalement dominé par le parti fasciste. Dans le même temps il remet en cause ses engagements étatistes pour adopter des 1926 une politique économique libérale. Il est également fait référence dans cet article à l’arbitrage délicat opéré par le dictateur entre les exigences du patronat italien et la crainte d’une montée en puissance des revendications y comprises au sein de la corporation nationale des syndicats fascistes. C’est à partir de 1926 que le régime mussolinien se met en scène avec ses grands rassemblements, ces mobilisations économiques comme la bataille du blé, ces démonstrations sportives et au bout du compte la mise en place d’un régime totalitaire. La guerre d’Éthiopie et la victoire acquise en 1936 renforcent le caractère autoritaire du régime, mais c’est seulement après 1943 et la constitution dans le nord de l’Italie de la république sociale italienne que le caractère totalitaire du régime s’est le plus affirmé. Dans l’affrontement entre les fascistes et les partisans, largement influencés par le parti communiste, c’est une véritable guerre civile qui a lieu. Celle-ci va marquer l’histoire de l’Italie pendant la première période de la guerre froide.
Illios Yannakis traite pour sa part le coup de Prague de 1948 qu’il présente comme un modèle de coup d’état. La particularité de la Tchécoslovaquie à cette époque étaie les le seul pays d’Europe orientale à avoir connu un régime démocratique avant-guerre. En même temps c’est l’un des rares pays où le parti communiste dispose d’une véritable assise populaire. De plus, l’opinion tchèque considère qu’après l’abandon des démocraties en 1938, lors des accords de Munich, ce sont les soviétiques qui ont libéré depuis. De ce fait et bien que les troupes soviétiques quittent le territoire tchécoslovaque des décembre 1945, les communistes tchèques disposent d’une forte audience dans le pays, 40 % pour les pays tchèques et 30 % pour la partie slovaque qui avait été transformée en État croupion par Hitler pendant la seconde guerre mondiale. Le parti communiste tchèque obtient neuf sièges au gouvernement contre 12 aux autres parties mais la présidence du conseil est attribuée à son chef, Klément Gottwald. Avec le durcissement des relations entre les deux blocs qui se constituent en Europe, l’Union soviétique utilise le parti communiste tchécoslovaque pour compléter le glacis qui s’étaie mis en place en noir.. À partir de février 48, le parti communiste mobilise ses militants et, sous la pression de la rue, obtient du président Bénès qu’il constitue un gouvernement à majorité communiste. Le 10 mars 1948 le seul ministre non communiste de ce gouvernement, Jan Mazaryk, est retrouvé mort après une défenestration qui laisse la porte ouverte à beaucoup d’hypothèses. En très peu de temps, le parti communiste tchèque impose une chape de plomb à l’ensemble de la société. Dès les premiers mois plus de 7000 personnes sont l’objet de poursuites avec près de 20 % de condamnation à mort. 20 ans plus tard, la Tchécoslovaquie devait exprimer à nouveau son attachement à la démocratie lors du printemps de Prague.
Bruno Modica ©