Origine et limites des croisades.
L’auteur ne se contente pas du récit des croisades, il pose aussi la question de ce qu’est réellement une croisade et de l’origine de celles-ci. L’accomplissement du vœu est contraignant mais au fil du temps, des dispenses peuvent être vendus pour ceux qui n’accomplissent pas leur vœu. Celui qui fait vœu de croisade bénéficie d’un certain nombre de privilèges matériels et surtout spirituel. C’est l’occasion de rappeler que les causes des croisades sont multiples. L’état byzantin appelle certes au secours, mais l’idée de guerre sainte est incompréhensible aux yeux des byzantins. Tandis que les chrétiens d’Orient sont aussi divisés que le monde musulman lui même et n’appellent guère au secours. L’invention de la croisade est donc occidentale. La pression démographique comme la volonté de limiter la violence entre chrétiens en la détournant vers le monde musulman ont joué un rôle, mais moindre que celui traditionnellement retenu. Il en est de même de l’idée d’un essor du commerce italien avec les croisades, celui-ci préexiste avant.
Enfin, et l’auteur l’étudie dans un chapitre spécifique, il y a eu des déviations à l’idée de croisades à l’image de la 4° croisade ou bien des variantes comme la croisade contre les Albigeois ou celles pratiquées pas les teutoniques. Surtout, l’idée même de l’efficacité de la croisade est mise en doute par apport aux possibilités de conversion par la mission.
Les croisades
Le récit des différentes croisades est l’objet de nombreux chapitres de l’ouvrage. La première, par son caractère nouveau, son ampleur et ses conséquences fait l’objet de l’étude la plus complète. De l’appel de Clermont à sa diffusion jusqu’à celle de la composition des différents contingents et de leur rôle, les informations sont denses. Le cas des prêcheurs de croisade comme Pierre l’Ermite n’est pas oublié au profit des guerriers. Tous les principaux acteurs de celle-ci sont au final présentés.
L’ensemble des autres croisades est évoqué dans un chapitre spécifique, mais ceux consacrés aux Etats latins d’Orient y sont bien sûrs reliés. Pour chacune l’auteur revient sur les conditions de la prédication, la composition, le financement et le déroulement de celles-ci. Des chapitres plein de précisions mais qui permettent de comprendre pourquoi les destinations et les effets des croisades ultérieures sont si variables.
Le rapport du monde musulman aux croisades est bien sûr également présenté. La distinction entre djihad et croisade bien rappelée. Pour les Musulmans, les croisés sont avant tout des francs, désignés par leur nationalité plus que par leur religion .Ils apparaissent donc comme un adversaire à la recherche de conquêtes territoriales et non en mission de conversion. Le monde musulman contemporain des croisades fait aussi l’objet d’une présentation. C’est l’occasion de montrer sa diversité et ses divisions dont les croisés n’ont pas su profiter pour se maintenir plus longtemps.
Les Etats latins d’Orient
Créés par la première Croisade, une fois passée la phase d’extension des premières années ces Etats ne vont avoir de cesse de lutter pour leur survie. Mais quelle est la réalité de ces Etats ? Voilà ce que montre M Balard : non seulement les querelles dynastiques, les institutions et le mode de fonctionnement ou la nature du peuplement de chacun d’eux. L’auteur insiste sur les questions politiques car elles sont au cœur de l’existence de ces Etats. Il leur faut traiter avec les ordres militaires religieux créés en Terre Sainte. Mais également avec les dirigeants et membres des différentes croisades qui ont parfois du mal à percevoir les enjeux locaux et veulent imposer leur vision du combat ou prennent parti lors des querelles successorales. Les cas de Chypre et des Etats latins créés par la IV° croisade (Principauté de Morée, empire latin de Constantinople…) ne sont pas laissés de côté.
Une place non négligeable est consacrée au rôle des cités italiennes (Pise, Gênes, Venise…). Qu’il s’agisse de leur implication dans le commerce, le transport des croisés ou la contribution à la conquête et la défense et à la chute des Etats latins, on les trouve acteurs des principaux moments de la croisade. Une attitude qui leur vaut des privilèges accordés par de nombreux documents officiels. La portée et l’étendue réelle de ceux-ci est cependant à nuancer.
En conclusion
Comme souvent dans cette collection un ouvrage de qualité et qui bénéficie d’une mise à jour intéressante. La structure permet de privilégier une approche précise si on le désire. Tandis que la copieuse bibliographie permet d’approfondir les différents sujets évoqués. Au final un panorama très complet et stimulant de cette période complexe. Un seul regret, la qualité des cartes.
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau