Cet ouvrage qui réunit 42 articles s’inscrit évidemment dans la bibliographie indispensable de la question d’histoire contemporaine au concours d’enseignement du second degré. L’histoire culturelle pendant la période contemporaine avait déjà été proposée au concours il y a 30 ans, et on ne le dira jamais assez, l’accès à la bibliographie, rare à cette époque, même s’il y avait déjà les travaux sur l’histoire des mentalités, était beaucoup moins facile en l’absence d’Internet.

L’introduction par Philippe Poirrier de ce recueil d’articles constitue à l’évidence une prise en main particulièrement précieuse pour comprendre l’esprit de cette question. Le programme invita une appréhension large de la culture, bien au-delà de la seule culture humaniste, il s’agit d’ailleurs, dès le départ de définir ce que l’on entend par culture. On y trouvera des références notamment à l’école de Francfort, avec les cultural studies, mais aussi les travaux pionniers d’Edgar Morin.

Le texte rend compte de cette période qui est au sens premier du terme un véritable foisonnement, dans la perception que l’on peut avoir de la culture. Si la culture humaniste et académique conserve une sorte de prééminence, elle peut être contestée, par des travaux académiques eux-mêmes, comme ceux de Howard Becker, qui récuse à la fois la tradition humaniste la sociologie traditionnelle de l’art, tout en proposant des analyses qui concernent aussi bien la littérature, la musique savante, le jazz ou encore la photographie.

L’historien intègre la fois les formes culturelles portées par le marché, sans oublier pour autant les avant-gardes et les cultures militantes dans le secteur des arts plastiques essentiellement.

La littérature n’est plus dans la position de prééminence qui était la sienne, même si le livre reste tout de même, et particulièrement en France, dans le champ politique, une forme d’exercice obligatoire. (Et c’est encore le cas aujourd’hui, bien après la clôture des limites chronologiques du programme du concours !)

On abordera évidemment la généralisation de télévision, plus précoce aux États-Unis et au Royaume-Uni qu’en Europe continentale, où l’essentiel se joue, dans le cadre du service public en France spécialement, entre 1965 et 1975. Avec la télévision, dont la diffusion est extrêmement rapide, c’est bien une culture de masse qui transcende, sans les abolir totalement, les écarts géographiques au sein des espaces nationaux et les différences sociales. Pour les différences sociales on pourra tout de même s’interroger, puisqu’avec la lente multiplication des chaînes, jusqu’au milieu des années 80, il n’existera plus « un » public, mais « des » téléspectateurs, sur des émissions et des créneaux horaires différents.

On pourrait retrouver dans l’audience des différentes émissions ce que Philippe Poirrier aborde à propos de la sociologie des pratiques culturelles. 83 % des Français ne sont jamais allés à l’opéra en 1992, mais on pourrait dire que 83 % des téléspectateurs n’ont jamais regardé un opéra à la télévision, quand d’aventure un programme de ce type est proposé.

Le programme s’inscrit également dans une approche transnationale, et on pourrait même dire, avec le lien des États-Unis, transatlantique. Il est évident que dans ce contexte, le rideau de fer, même s’il n’est pas totalement étanche, réduit les circulations culturelles entre le monde occidental et l’Europe sous la domination soviétique.

L’action des pouvoirs publics est également différente selon les pays. On y retrouve le choix de centralisation, de décentralisation ou d’organisation fédérale de l’action publique. On notera d’ailleurs que c’est un véritable voyage dans le temps que les jeunes candidats au concours, qui n’ont jamais connu le monopole de la radio diffusion, ni celui de l’ORTF, vont devoir se livrer. Le temps où Arthur Conte, ministre de l’information du général De Gaulle, venait au journal de 20 heures présenter la nouvelle organisation du journal télévisé est évidemment révolu.

On conclura cette représentation en reprenant les tentatives de pérennisation de Philippe Poirrier qui nous ramène d’ailleurs à cet ouvrage de Tony Judt : « après-guerre, une histoire de l’Europe depuis 1945, que nous avions présenté sur la Cliotheque en 2007. Le contexte de guerre froide génère de véritables « guerres culturelles », tandis que les années 68, que l’on pourrait appeler les sixties, et dans une certaine mesure les seventies s’inscrivent dans un temps de contestation, de révolte, d’utopie culturelle et de contre-culture. Cela reste pourtant un modèle marginal, même s’il est parfois très visible.

La conclusion correspond, peu ou prou, à la naissance et au développement du mouvement qui porte cette présentation, avec le développement du numérique. Il s’agit très clairement d’une révolution aussi importante que la naissance de l’imprimerie sans doute, qui génère de nouveaux codes culturels, mais qui paradoxalement peut en revivifier des anciens. Les premiers temps de l’Internet ont pu dans une certaine mesure redonner à l’écriture ses lettres de noblesse, même si aujourd’hui le Web 2.0, et même 3.0 remet l’image, et même la réalité virtuelle au premier plan. Et on aurait envie de dire que l’on vit aujourd’hui avec le numérique ce qui a pu se passer avec la télévision, lorsque la puissance de l’image est venue faire irruption dans le domaine de la création culturelle.

Parmi les éléments qu’il convient de rappeler à propos de cet ouvrage, et même si cela n’est pas dans nos habitudes, on rappellera le prix. 15 € pour un livre qui traite une quarantaine de questions possibles qui s’inscrivent dans le cadre du programme du concours, c’est très largement une bien meilleure affaire que les manuels de circonstance qui fleurissent lorsque les nouvelles questions sont publiées.
Cela en fait un ouvrage exigeant, qui suppose une lecture attentive, et c’est la raison pour laquelle ce recueil d’articles trouvera une place éminente dans l’immense bibliothèque virtuelle que représente désormais Clio prépas pour les candidats qui se présentent au concours.

 Le directeur de cet ouvrage suit depuis des années les activités de notre mouvement, et on ne pourrait qu’encourager nos amis universitaires à venir nous aider. Car effectivement, si nous rencontrons un grand succès d’estime, de la part des auteurs, forcément de qualité, dont nous assurons la promotion, nous souhaiterions que cette affection se manifeste de façon plus concrète. Défendre nos disciplines, celles qui fournissent les gros bataillons d’étudiants de nos amis universitaires, assurer la mise en valeur d’une édition scientifique de grande qualité, cela passe tout simplement par une petite démarche très simple, qui est de nous aider dans notre développement

Certains, et pas des moindres, ont compris ce message, et nous ne pouvons qu’espérer que les très nombreux auteurs qui ont été réunis sous la direction éclairée de Philippe Poirrier comprendront l’intérêt de notre démarche. Les rentes de situation des structures passées, pour ne pas dire dépassées, sont aujourd’hui arrivées à leur terme, et il n’est pas inutile de le rappeler.