La Boîte à Bulles propose en 2024 une réédition de la B.D, Cyparis : le Prisonnier de Saint-Pierre. Édité une première en fois en 2017, ce titre avait reçu le Prix Écureuil Découverte d’Audincourt et le Prix Éléphant d’or espoir de Chambéry.
Un épisode des plus tragiques de l’histoire de la Martinique
Lucas Vallerie, par sa première réalisation en tant qu’auteur de bande-dessinée, plonge le lecteur dans un épisode des plus tragiques de l’histoire de la Martinique. Débutant son ouvrage avec la citation suivante : « Cette histoire, largement documentée, est basée sur des faits réels. Néanmoins, nul ne peut prétendre détenir la vérité ! ».
Oui, c’est l’histoire d’une catastrophe naturelle, l’éruption de la montagne Pelée (printemps 1902), où s’y entremêlent les destins croisés des habitants de Saint-Pierre. Dans une ambiance coloniale, nous découvrons Saint-Pierre ou la petite Paris considérée comme une perle des Antilles françaises. Une société bourgeoise y côtoie une population plus modeste. Les békés contrôlent l’île. Les ressources naturelles font la richesse de cette minorité blanche. Ils s’interrogent aussi sur les élections à venir. Pour les métropolitains, représentés dans l’ouvrage par la nièce voyageuse, la Martinique renvoie également à une quête d’exotisme. Inversement, la personne de Louis-Auguste Cyparis symbolise la majorité oppressée. C’était un jobbeur. Comme beaucoup, il était un homme à tout faire menant une vie rude où l’alcool était alors un médiocre réconfort. Cette vie de misère l’avait amené en prison au printemps 1902.
Le drame aurait-il pu être évité ?
Le lecteur se pose obligatoirement cette question. Dans cette société divisée, les élections à venir interrogeaient davantage les citoyens que les premiers signes annonciateurs d’une catastrophe naturelle. Il fallait voter ! Tel était le mot d’ordre des classes dirigeantes. Le gouverneur ne voulait pas voir les signes ni écouter « le lanceur d’alerte » Landes. Ce refus d’évacuer a fait 30 000 victimes. Louis-Auguste Cyparis doit sa vie à son emprisonnement. Son cachot l’a protégé des nuées ardentes.
Cette bande-dessinée, avec son dessin dynamique et coloré, nous plonge « dans la mise en place » du drame. Il interroge le professeur sur la relation des hommes à l’espace vécu.
Lucas Vallerie présente une manière de construire la notion de risque. L’exemple de la Montagne Pelée démontre que sa prise en compte n’est pas automatique et l’incertitude mène à la catastrophe.
Enfin, le parcours de Louis-Auguste Cyparis illustre aussi les tentatives de reconstruction d’un homme (peut-on parler de résilience ?). Victime de sa condition, il a été également rescapé deux fois de nuées ardentes.
Par la suite, bête de foire dans un cirque américain, on le présente comme l’unique survivant de la catastrophe. L’était-il vraiment ? La réponse à cette question est-elle nécessaire face au drame ?