Dans la grande famille de la bande dessinée, les comics constituent un sous-genre à succès typiquement anglo-saxon, qui connut sa plus grande heure de gloire internationale au cours des années 1960-1970. Essentiellement dévorée par les adolescents de sexe masculin, cette littérature de kiosque au format de poche déclinait les aventures palpitantes de justiciers de science-fiction dotés de super-pouvoirs, de héros de western et de soldats sans peur ni reproche. Bien que moins connue que son homologue d’outre-Atlantique, la production des comics britanniques fut elle aussi féconde. Ancrés dans la dure expérience de la Seconde Guerre mondiale, les récits de guerre y alimentèrent un marché de niche d’une vitalité particulière. Le magazine le plus mythique de cette catégorie s’appelait «Commando». Toujours subsistant, il compta notamment dans son écurie d’auteurs des débutants inconnus qui acquirent par la suite une solide notoriété, comme Hugo Pratt.

En France, une partie de ces productions anglo-saxonnes fut traduite sous la forme de BD de gare, dans des revues aujourd’hui toutes disparues. C’est dire si la publication de ce recueil sur le thème du D-day constitue un hommage original à ce genre graphique à présent pratiquement éteint. Réunissant un florilège de douze aventures de guerre, le copieux volume proposé par les éditions Pierre de Taillac est un aperçu fidèle du contenu et de l’esprit du magazine «Commando». Servies par des planches en noir et blanc au style graphique soigné, les intrigues sélectionnées sont pittoresques et enlevées, bien que leur originalité soit limitée par la déclinaison du même schéma codifié : celui de combattants britanniques valeureux mais cabochards exterminant des nazis brutaux dans le décor abstrait d’une Normandie de convention, entre le débarquement du 6 juin et les combats de la poche de Falaise. Parachutistes, soldats débarqués des planeurs ou simples fantassins, ces troupiers de première ligne sont projetés dans des aventures viriles aux péripéties rythmées. Si les intrigues guerrières sont, selon la loi du genre, aussi héroïques que manichéennes, elles bénéficient de l’effort de véracité fait par les auteurs dans la représentation documentaire des uniformes, armes et équipements qu’ils mettent en scène.

Plongée nostalgique au parfum d’adolescence pour les uns, pèlerinage dans un genre populaire en voie d’extinction pour les autres, la découverte de ce volume possède aussi les attraits d’une plaisante lecture d’initiation ou de simple distraction pour les jeunes d’aujourd’hui, pourvu qu’ils soient sensibles au pouvoir d’évocation de ce type de bande dessinée. Le lecteur exigeant regrettera éventuellement la brièveté de la stimulante introduction signée par Jean-Marc Lainé, ainsi que le fait que les récits choisis ne soient pas datés ni leurs auteurs identifiés. Mais il se laissera vite absorber par le guilty pleasure de cette lecture régressive, parfaitement appropriée aux moments de détente estivale, que ce soit sur les plages ensoleillées d’une Normandie apaisée ou pour adoucir la déconvenue de vacances pluvieuses… Bientôt l’été, vive la BD !

© Guillaume Lévêque