Dans ce nouveau tome du quadriptyque Le fils de Taïwan, Kunlin Tsai est sorti de l’île Verte où il avait été condamné, durant la Terreur blanche, à dix ans de détention pour avoir participé à un club de lecture.
L’action du manhua débute le 10 septembre 1960, à Taïwan, par un cauchemar de Kunlin qui rêve d’un loup épouvantable prêt à dévorer un lapin innocent, métaphore évidente de la condamnation injuste dont le héros a été victime.
Revenu à une vie normale, Kunlin Tsai a maintenant trente ans et doit retrouver un travail dans un pays en pleine mutation économique. Il débute par un emploi de traducteur mais son passé de déporté lui fait perdre sa fonction. Dans le même temps, Kunlin fréquente Kimiko, la fille de son ancien instituteur, qui deviendra sa fiancée puis sa femme.
Kunlin démarre ensuite une carrière protéiforme, devenant éditeur pour le magazine Enfant d’Orient puis fondateur des éditions Wenchang (avec Wenmu Liao) spécialisées dans le manhua. Il poursuit son rêve d’être enseignant et obtient le concours de l’école normale avant de se voir refuser l’accès au corps enseignant en raison, une fois encore, de son passé sur l’île Verte. Kunlin Tsai entre, par la suite, dans la compagnie publicitaire Guoha dont il devient le « chef du service Panasonic » à 35 ans.
En 1966, il fonde le magasine bimensuel Prince, destiné à la jeunesse et basé sur des principes socio-éducatifs inspirés du pédagogue Pestalozzi que Kunlin Tsai apprécie énormément. La revue comportait des articles, des manhuas et des romans-photos mais également des rubriques de questions réponses aux interrogations des enfants ainsi que des concours. En 1969, après la publication de soixante-huit numéros, Kunlin Tsai se retrouve obligé de céder sa création…
Ce nouvel opus du Fils du Taïwan se déploie sous une dominante ocre qui remplace les couleurs sombres de l’album précédent. Toutefois, si Kunlin Tsai a bien recouvré sa liberté, les auteurs soulignent bien la persistance de la dictature, tant dans l’espace public avec un portait géant de Tchang Kaï-chek devant lequel le héros passe en mobylette (et au dessus duquel, avec beaucoup d’ironie, les auteurs ont fait figurer un baril de lessive publicitaire), que dans la vie quotidienne, en témoignent les multiples interventions de la police auprès de Kunlin Tsai dans le cadre de son travail d’éditeur.
On suit avec toujours autant de plaisir le destin hors norme du personnage central de ce manhua et on ne peut qu’attendre, avec impatience, la conclusion de ses « aventures » dans le quatrième et dernier tome de cette belle série.
Grégoire Masson
Recensions des Tome 1 et Tome 2 : Dix ans sur l’île verte