« Tu vois quelque chose ? Pas trop c’est du verre flouté. Au moins, les filles vont pas pouvoir nous mater. Les filles ça mate pas, c’est prude. Bah, pas la grosse Sophie. Mais c’est une redoublante aussi, il paraît qu’elle l’a déjà fait ! ».

Timothé Le Boucher, Dans les vestiaires, La Boîte à Bulles, juin 2020, p. 5.

« Dans le microcosme des vestiaires du collège, loin du regard des profs, rejaillit la cruauté des relations adolescentes. »

    Les vestiaires constituent un endroit clos, dépourvu de toute figure d’autorité, où les élèves sont livrés à eux-mêmes. Les mots sont durs, les violences récurrentes. La moindre différence suffit à déclencher moqueries et harcèlement. Six ans après sa première parution, Les Vestiaires ressort avec un titre plus explicite et une nouvelle couverture, et toujours le talent du jeune Timothé le BoucherTimothé le Boucher, né en 1988, se passionne très tôt pour la narration illustrée et commence à réaliser ses premières planches de bande dessinée à l’âge de 10 ans. Après le lycée, il intègre les beaux-arts d’Angoulême (École Européenne Supérieure de l’Image). Au cours de ses études, il est nommé dans la sélection des Jeunes Talents de l’édition 2010 du Festival International de Bande Dessinée. Il est par la suite repéré par l’éditeur Manolosanctis et participe à plusieurs recueils, avant de réaliser en 2011 son premier album : Skins Party, sélectionné au Festival d’Angoulême l’année suivante. En 2014, il publie Les Vestiaires chez l’éditeur La Boîte à Bulles. Après avoir obtenu un Master en Bande Dessinée en 2013 ainsi qu’un DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique) en 2014, il part s’installer à Strasbourg où il participe à différents projets de bande dessinée. En 2017, il fait sensation avec la parution chez Glénat de son troisième album, Ces jours qui disparaissent, immense succès critique et public, lauréat de nombreux prix, dont le Prix des Libraires de Bande Dessinée Canal BD., l’auteur du Patient et de Ces jours qui disparaissent. Celui-ci nous livre ici un huis-clos haletant et un documentaire sur la puberté et ses excès… Les blessures du corps guérissent, mais pas celles de l’esprit…

[D’après le 4e de couverture de l’ouvrage]

    Début de l’année scolaire, des collégiens tout excités découvrent leurs nouveaux vestiaires tout beaux et tout neufs. Problème, tout est collectif : plus de casiers, des urinoirs sans cloison et surtout des douches communes ! Tous les jeudis, avant et après leur cours d’EPS, les élèves y passeront une vingtaine de minutes afin de se changer et de se laver. S’ouvre ainsi un huis-clos terrifiant où cette bande d’adolescents espiègles, braillards et immatures se met à nu et rivalise de bêtises et de brutalité, loin du regard de l’adulte.

   Le lecteur entre immédiatement dans cet espace feutré, protégé de l’extérieur par des vitres floutées et suit cette classe d’adolescents obsédés par les filles, la sexualité et les délires en tout genre, durant une année scolaire. Ici, le regard est exclusivement celui des garçons puisque les filles ne sont montrées qu’à travers la grille de ventilation du vestiaire ce qui permet aux garçons tout émoustillés de se rincer l’œil et de laisser libre cours à leurs fantasmes. La « caméra » ne sort jamais de ces vestiaires et la tension monte au fur et à mesure tout au long de ces 128 pages jusqu’à l’apothéose finale !

    Les Vestiaires, c’est l’endroit où l’adolescent, mal à l’aise avec son corps, se met en scène mais aussi se socialise. C’est l’endroit où il vaut mieux être le beau gosse populaire comme Gauthier que le « boloss » et souffre-douleur du groupe comme Corentin, raillé et harcelé pour son surpoids. Mais, parfois, les rôles s’inversent et le bourreau devient victime et vice-versa…

©Timothé le Boucher, Dans les vestiaires, La Boîte à Bulles, 2020, p. 52.

    Le thème traité est difficile puisque Timothé Le Boucher aborde l’adolescence et l’âge cruel de la puberté mais également le fléau social que constitue le harcèlement scolaire (dans ses formes tant psychologiques que physiques). Certaines scènes rappelleront d’ailleurs sans doute quelques souvenirs au lecteur ou la lectrice de sa propre expérience du collège et interrogent notre propre empathie et impuissance face à des situations tristement banales dans les établissement scolaires.

    Graphiquement, Timothé Le Boucher joue sur les formes, les flous et les zooms comme s’il tenait une caméra. Les dessins sont très arrondis, les traits simples au service du message qui lui ne l’est point ! Le style minimaliste renforce la focalisation du lecteur sur les personnages et les couleurs en bleu vert des vestiaires dominent et contribuent à l’effet de huis-clos.

    En somme, la lecture cette bande-dessinée est glaçante et provoque l’émoi ! Elle rappelle, certes, sous forme fictionnelle, la terrible réalité de la société adolescente en miniature qui se constitue au sein des établissements scolaires et dont les personnels, enseignants au premier chef, n’en saisissent qu’un minuscule iceberg à la dérive… Les professeurs du secondaire pourront ainsi faire de cette bande-dessinée un support pédagogique tout à fait pertinent pour une séquence d’EMC sur les thèmes du harcèlement et de la violence en milieu scolaire. À acheter, lire et faire connaître, Dans les vestiaires (Quelques planches sont consultables ici), est une porte d’entrée au dialogue et à un travail titanesque afin d’enrailler la spirale dramatique de violence(s) qui traverse nos sociétés contemporaines.

 

©Rémi BURLOT pour Les Clionautes

Présentation de l’éditeur

« Le nouveau vestiaire des collégiens ouvre ses portes. Vitres floutées et toilettes roses, les garçons découvrent les locaux rénovés avec un mélange de gêne et de moquerie. D’autant plus que les douches sont désormais collectives !

Ainsi deviennent-elles un centre d’intérêt particulier, dans cet espace clos où le principe fondamental de l’autorité adulte disparaît et où peuvent s’exprimer les instincts primaires à l’état le plus brut : agressivité, sexualité ado, moqueries, harcèlement de la tête de turc…

Est recréée au sein même du vestiaire une microsociété sans limites et à l’équilibre incertain, avec ses chefs craints et ses moutons noirs. Affranchis, les garçons du vestiaire affichent leur cruauté naturelle dans un récit à la fois captivant et étouffant qui n’est pas sans rappeler Sa Majesté des mouches.

Loin du feuilleton adolescent, cet album est un authentique témoignage sur la puberté. »


1Timothé Le Boucher, né en 1988, se passionne très tôt pour la narration illustrée et commence à réaliser ses premières planches de bande dessinée à l’âge de 10 ans. Après le lycée, il intègre les beaux-arts d’Angoulême (École Européenne Supérieure de l’Image). Au cours de ses études, il est nommé dans la sélection des Jeunes Talents de l’édition 2010 du Festival International de Bande Dessinée. Il est par la suite repéré par l’éditeur Manolosanctis et participe à plusieurs recueils, avant de réaliser en 2011 son premier album : Skins Party, sélectionné au Festival d’Angoulême l’année suivante. En 2014, il publie Les Vestiaires chez l’éditeur La Boîte à Bulles. Après avoir obtenu un Master en Bande Dessinée en 2013 ainsi qu’un DNSEP (Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique) en 2014, il part s’installer à Strasbourg où il participe à différents projets de bande dessinée. En 2017, il fait sensation avec la parution chez Glénat de son troisième album, Ces jours qui disparaissent, immense succès critique et public, lauréat de nombreux prix, dont le Prix des Libraires de Bande Dessinée Canal BD.