La préface d’Édouard Husson, professeur d’histoire à l’université de Cergy-Pontoise, spécialiste reconnu de l’Allemagne et conseiller de l’auteur, donne le ton : Je voudrais souligner comment l’identification à Wagner, la volonté de faire de la politique un opéra dans le style du maitre de Bayreuth, a conduit à mettre en scène la fin catastrophique du Reich comme un « crépuscule des dieux ». Issu de sa thèse sur le même sujet, l’ouvrage de Fanny Chassain-Pichon s’avère une démonstration subtile qui rapproche les vies du musicien Richard Wagner et du dictateur Adolf Hitler. Ces deux hommes n’ont pas pu se rencontrer puisque la mort du premier précède de 6 ans la naissance du second. Mais à la lecture des chapitres, on voit clairement le rapprochement qu’a pu faire le jeune autrichien avec un artiste qu’il vénérait. Le chef du parti nazi a pris le musicien pour modèle, persuadé de l’importance artistique et de la théâtralisation de la scène politique qu’il conçoit comme un opéra wagnérien. L’intérêt  de ce travail est d’avoir mis en miroir les moments importants de la vie de chacun et de montrer comment le maître a pu, par ses écrits, inspirer le disciple. La conception de l’art total wagnérien et du culte du dieu-artiste qui impliquent l’effacement de l’individuel devant la préoccupation esthétique a nourri le dogme nazi. Si un certain nombre d’historiens ont déjà parlé des similitudes de parcours entre les deux hommes, des écrits très nombreux du musicien où s’exprime un antisémitisme assumé ou du soutien de la famille Wagner au nazisme, Fanny Chassain-Pichon rapproche les tranches de vie de ces acteurs, et montre avec les textes, les lettres et les témoignages en miroir, comment Hitler s’est imprégné des actes et des paroles de celui qu’il adulait. Citons quelques exemples. Pendant son enfance, Wagner a beaucoup souffert des moqueries au sujet de son beau-père, un artiste juif très proche de sa mère et peut-être finalement son père biologique. Comme Hitler, la mort du père l’a déstabilisé ainsi que la recherche de ses véritables origines, tous deux étant suspectés d’avoir une ascendance juive. Le dictateur a aimé Linz toute sa vie, ville qu’il considère comme la plus allemande d’Autriche. Sa famille s’y installe pendant son adolescence. Mais Linz est surtout le lieu où il découvre l’œuvre, la musique et les textes en prose de Wagner. Les deux hommes ont cultivé le mythe de l’artiste incompris notamment par opposition au milieu juif. Mais les pages les plus sidérantes sont celles du chapitre 6, « Terribles partitions ». L’auteur rapproche un essai wagnérien le Judaïsme dans la musique (qui a choqué des amis comme Liszt) et certains passages de Mein Kampf qui reprend les idées du musicien comme « la marchandisation de l’art par les Juifs modernes trop présents dans ce domaine ». Ces théoriciens parlent de concert de « l’accent étranger du Juif » lui attribuant une langue spécifique propre à souiller la pureté de l’Allemand…

Les éditions Passés/Composés ont choisi un ouvrage éclairant pour ceux qui veulent comprendre les racines de l’idéologie nazie. Ce serait une lecture très utile pour les professeurs d’histoire qui traitent cette période en classe. Ils trouveront des textes très éloquents permettant de faire un parallèle entre deux personnages que l’on ne rapprocherait pas d’emblée.

 

                                                                                            © Christine Valdois pour les Clionautes

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