A la fois fondateur de la Transcontinale d’Editions, homme d’affaires et écrivains, Christian Mégrelis publie en ce début d’année un ouvrage portant sur les dernières années de l’Union Soviétique, lui qui eu la chance d’aller au delà du rideau de fer et de connaître les profonds bouleversements qui agitèrent le géant russe dans la seconde moité de la décennie 1980. Plus jeune Premier Secrétaire du PCUS, Mikhaïl Gorbatchev espérait, avec sa Perestroïka, éviter à l’URSS un « naufrage à la Titanic »Christian Mégrelis, Le naufrage de l’Union Soviétique : choses vues, page 15. Peine perdue, ou presque puisque celui-ci fut « un naufrage sans noyés. Tout le monde s’en est sorti avec plus de peurs que de mal »Idem, page 15.

De nombreux ouvrages et travaux, au premier duquel La chute finale, ont été consacrés aux dernières années de l’Union Soviétique, recherchant à la fois les premiers signes de la décrépitude à venir et les causes profondes d’un échec inévitable. Le récit de Christian Mégrelis n’entend pas avoir la rigueur universitaire des travaux d’historiens. Pour autant le témoignage personnel qu’il publie offre au lecteur un panorama intéressant sur la décadence morale, intellectuelle, politique et économique de l’Union. Au delà du jeu de dupes et des statistiques truquées, Christian Mégrelis, en tant qu’expert étranger mobilisé par les autorités soviétiques à des fins de modernisation du pays, participa, à partir de 1989, à la politique de l’URSS. Directement en prise avec la bureaucratie et les leaders en place, Christian Mégrelis tenta d’œuvrer à la modernisation du pays jusqu’en 1991. La montée en puissance de Boris Eltsine mit fin à son travail sur place.

L’ouvrage revient, à travers 23 chapitres, sur des instants gravés dans sa mémoire et portés ici sur papier : la venue en Europe de l’Ouest du tout nouveau ministre des finances d’une URSS dépassée et ruinée, sa venue à Leningrad et la découverte de l’hospitalité russe, le portrait d’une jeunesse soviétique éduquée à l’ouest et soucieuse de profiter des réformes économiques pour se tailler une place au soleil des novi richi, en passant par la face sombre de l’URSS et les « camps de redressement par le travail » dépeints par Soljenitsyne, qui représentèrent un continuum avec l’époque tsariste.

Le style est fluide, l’ouvrage est agréable à lire. Les chapitres courts sont entrecoupés d’articles rédigés par Christian Mégrelis et qui furent, du moins pour la plupart, publiés dans les grands périodiques français.

La dernière partie est l’occasion pour l’auteur de revenir sur les évolutions politiques, sociales et économiques de la Russie post-communisme. Un pays en quête d’identité, redécouvrant son histoire et tâchant de tracer sa propre voie. Christian Mégrelis ne cesse alors de rappeler combien les liens entre la France et la Russie sont puissants, malgré des politiques et des choix stratégiques qu’il déplore grandement.

Au final Le naufrage de l’Union Soviétique constitue une lecture particulièrement intéressante et prenante. Le témoignage nécessairement subjectif de l’auteur apporte un éclairage intéressant sur la profonde recomposition en cours en Russie, dont la France peut tirer, selon Mégrelis, beaucoup. A une seule condition, et celle-ci « s’appelle le respect. »Idem, page 261.