Après avoir subi pendant des décennies le contrôle des occidentaux (XIX° siècle), la Chine est devenue, depuis peu, une véritable puissance capable de contrecarrer les Etats-Unis. Face à cette puissance montante, les Etats-Unis entendent utiliser l’arme pétrolière dans le double but de contrôler cette énergie et de s’en servir comme levier d’influence à l’encontre de la Chine. François Lafargue, dans son présent ouvrage, décortique les rouages de ces questions géopolitiques et énergétiques.
François Lafargue est Docteur en Géopolitique et Docteur en Science Politique de l’Université René-Descartes (Paris V). Il est spécialiste des questions énergétiques. Il a consacré sa thèse à l’Afrique du Sud. Ses travaux actuels portent sur les enjeux énergétiques en Asie et en Afrique. Il a publié en 2003 Opium, pétrole et islamisme. La triade du crime en Afghanistan. Ellipses.
Après avoir subi pendant des décennies le contrôle des occidentaux (XIX° siècle), la Chine est devenue une véritable puissance capable de contrecarrer les Etats-Unis. François LAFARGUE s’attache, dans les deux premières parties de son ouvrage, à brosser le portrait de la Chine telle qu’elle se présente aujourd’hui. Cette mise au point s’avère très utile pour les enseignants qui ont le souci de mettre à jour leurs connaissances sur cette puissance montante.
L’auteur montre les paradoxes qu’affichent le pays. La puissance économique doit être relativisée. Le PNB global hisse la Chine au quatrième rang mondial, alors que le PNB/hab. demeure comparable à celui de l’Egypte. Pour soutenir sa croissance, la Chine importe des matières premières (8% du pétrole mondial). Elle est fragile au niveau énergétique. Même si le pays dispose d’importantes réserves de charbon, elle est contrainte, depuis peu d’en importer pour faire face à son développement économique. De même, la présence de gisements de pétrole, de gaz naturel sur le territoire ne suffit pas à couvrir les besoins de l’industrie et ceux qui accompagnent l’accroissement du parc automobile. Depuis 2002, la Chine est devenue le deuxième consommateur mondial de pétrole, après les Etats-Unis. Même si le pays se tourne, depuis peu, vers l’énergie nucléaire et hydroélectrique, la Chine demeure vulnérable sur le plan énergétique.
Pour faire face à cette situation, la Chine engage de nombreux efforts pour assurer ses approvisionnements. Par là même, elle entre en concurrence avec les Etats-Unis, eux aussi soucieux de la diversification de leur approvisionnement énergétique. La Chine use de ses atouts militaires (arme atomique), spatiaux (5° puissance spatiale) et diplomatiques (membre permanent au conseil de sécurité) pour faire valoir ses intérêts auprès de pays mis au ban des nations. La Chine a, par exemple, apporté son aide au programme nucléaire iranien (4° producteur mondial de pétrole) alors qu’elle adhérait parallèlement au traité de non prolifération nucléaire !
La Chine déploie de nombreux efforts pour s’assurer la prospection et l’exploitation de gisements pétroliers en Asie, en Afrique et en Amérique Latine. Si l’on retient l’exemple africain, on peut noter que l’arrivée des chinois a de quoi inquiéter les Etats-Unis.
La Chine est un partenaire peu regardant au niveau politique. Elle exige seulement la rupture de tous liens entre le pays africain et Taiwan. Elle est respectueuse de la souveraineté des Etats. Elle ne donne pas de leçons de démocratie, à l’instar de la France et des Etats-Unis. Elle apporte une aide économique et commerciale. Elle propose, en échange du pétrole, de construire des infrastructures routières. Elle offre son soutien diplomatique au pays, en l’agrémentant de livraison d’armes… Toutefois, il y a des ombres au tableau. La Chine refuse tout transfert technologique vers les pays africains et refuse de former des techniciens africains. Elle profite de son implantation en Afrique pour écouler ses productions manufacturières de mauvaise qualité, qui concurrencent l’économie locale.
A l’instar de la Chine, l’Inde est à la recherche de ressources pétrolières pour accompagner sa croissance. Elle pourrait devenir à la fin de cette décennie la troisième consommatrice mondiale de pétrole. Elle use, toutefois, d’une stratégie différente pour s’implanter en Afrique. Elle propose un partenariat équilibré aux pays africains (avec construction d’usines en Afrique, même). La principale faiblesse de l’Inde vient de son image diplomatique floue. Elle hésite à s’engager activement aux côtés des pays africains. Elle craint de remettre en cause ses relations avec l’Europe et les Etats-Unis.
Dans la troisième partie de son ouvrage, François LAFARGUE s’attache à lire quelques évènements géopolitiques plus ou moins récents à la lumière de sa thèse développée dans l’ouvrage : la rivalité Chine / Etats-Unis. C’est la partie la plus discutable. Si l’on adhère à l’explication proposée pour la guerre du Golfe (Les Etats-Unis se sont maintenus au Moyen Orient, pas seulement pour prendre le contrôle des gisements du Moyen Orient, mais aussi pour empêcher la Chine de signer des accords pétroliers avec ces pays), l’explication proposée pour l’intervention américaine au Kosovo ne m’a pas convaincu. L’auteur appuie sa thèse sur le bombardement américain de l’ambassade chinoise à Belgrade et sur l’alliance historique entre l’Albanie et la Chine. Il voit dans l’intervention de l’OTAN au Kosovo un cas d’ingérence militaire dans les affaires intérieures d’un pays (ces bombardements, ne rentrant pas dans le cadre de la légitime défense, ont été effectués sans le vote d’une résolution du conseil de sécurité). L’auteur voit dans l’intervention au Kosovo une mise en garde adressée aux Chinois à propos du Tibet.
Pour conclure, l’auteur reconnaît que la rivalité sino-américaine est à relativiser. Les intérêts américains sont nombreux en Chine, surtout dans les zones côtières. Les importations agricoles américaines sont particulièrement importantes en Chine. De même, la diaspora chinoise est fortement implantée aux Etats-Unis. Les échanges sont donc nombreux.
La Chine est à la fois un acteur stratégique de premier plan pour les Etats-Unis et un concurrent économique redoutable.
Au-delà des remarques formulées, je conseille vivement la lecture de cet ouvrage. Il présente les relations internationales sous un jour nouveau : celui de la géopolitique du pétrole. Il permet de mettre à jour ses connaissances sur la Chine en 2006. Celles-ci étayeront facilement les cours de terminale (L’Asie Orientale, Les Etats-Unis : la superpuissance) ou de troisième (Géographie politique du monde, Les échanges…).
Le chapitre Tropisme pétrolier en Afrique sera d’une grande utilité aux candidats à l’agrégation interne 2007 pour la question de géographie des territoires sur l’Afrique.
Toutefois, on peut déplorer, dans l’ouvrage, l’absence de cartes qui permettraient de localiser les zones de conflits ou bien encore les gisements pétroliers. En revanche, le livre est agrémenté de graphiques et de tableaux de statistiques qui peuvent être éventuellement utilisés dans un cours.
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