L’objectif de cet ouvrage est de contribuer à une meilleure appréhension de l’espace indo-pacifique. Organisé en sept chapitres, l’ouvrage comprend cinq cartes pour aider à mieux saisir les enjeux de cette zone. L’Indo-Pacifique incarne la nouvelle dynamique du monde où la France entend jouer un rôle.

Les autrices

Valérie Niquet est responsable du pôle Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique. Elle est l’auteure notamment de « La Chine en cent questions » ou encore de « Taïwan face à la Chine ». Marianne Péron-Doise est chercheuse à l’IRSEM. Elle dirige l’observatoire géopolitique de l’Indo-Pacifique à l’IRIS.

Cerner l’Indo-Pacifique

Vision, projection cartographique, concept, voire stratégie, en une décennie l’Indo-Pacifique s’est imposée dans le vocabulaire des relations internationales. La zone concentre à la fois richesses, ressources et opportunités mais aussi de fortes rivalités et cela autour de trois puissances qui sont la Chine, les Etats-Unis et l’Inde. Les définitions de ce cadre géographique varient. Un conflit régional même limité aurait des conséquences mondiales.

L’identité de l’Indo-Pacifique : de l’Orient fantasmé à la géopolitique moderne

Avant le XVIème siècle, l’Océan Indien est déjà le plus fréquenté du globe. Dès les premiers siècles de notre ère même les épices, l’ivoire, l’encens entre autres constituent les cargaisons de bâtiments dont la taille est encore limitée. L’Océan Indien est apparu très tôt comme un espace unifié où le commerce à longue distance joue un rôle majeur. Les autrices rappellent les voyages de Zheng He tandis que les Européens essayent d’affirmer leur présence. Il n’existe aucune unité culturelle ou religieuse dans la région. Le concept d’Indo-Pacifique a émergé avec une dimension stratégico-sécuritaire.

Artère incontournable des flux économiques mondiaux

Six pays du G20 sont situés dans la région qui représente 50 % de la richesse mondiale. 95 % des échanges de biens entre l’Europe et l’Asie transitent par la zone indo-pacifique. Taïwan produit plus de la moitié des semi-conducteurs et les câbles sous-marins posés dans la zone raccordent les principales économies du monde. La région se caractérise aussi par sa grande diversité en matière de développement économique. Les Etats-Unis, l’Europe et le Japon cherchent à offrir des contre-modèles à la route maritime de la soie. La zone se caractérise aussi par l’abondance de regroupements qui obéissent à des logiques et priorités diverses. Les autrices les détaillent ensuite, que ce soit l’APEC ou encore le CPTPP ou la CICA. Chacun tente au niveau économique, géopolitique de renforcer ses réseaux d’influence.

Menaces, rivalités et faiblesses de la gouvernance militaire

L’effet pervers de la convention de Montego Bay est que face aux opportunités économiques qu’offre le principe de ZEE, une course à la délimitation des espaces s’est mise en place. Les fonds marins regorgent de ressources. Rappelons par ailleurs que 90 % des marchandises transitent par la mer dont 30 % en Indo-Pacifique. Le livre se penche ensuite sur les détroits de la zone dont celui de Malacca. Des risques comme la piraterie sont présents dans la zone. Dans le Pacifique océanien, la ressource halieutique est la première source de revenus. L’intensification des phénomènes climatiques pèse aussi sur la zone.

Le grand perturbateur chinois

Pékin utilise dans la région, et notamment sur mer, toute une panoplie d’actions destinée à modifier le statu quo sans franchir la limite d’une action militaire qui pourrait conduire à une riposte. Elle fait peser son action sur des pays comme les Philippines. La Chine utilise le concept contesté de « droits historiques » pour renforcer la légitimité de ses revendications territoriales. En 2013, le pays a aussi défini une zone d’identification aérienne au-dessus de la mer de Chine orientale qui oblige à déclarer l’ensemble des avions qui traversent cette zone. Le livre s’arrête sur quelques exemples comme les iles Senkaku ou le détroit de Taïwan ou encore Malacca. La Chine demeure par ailleurs le premier partenaire commercial de l’Europe et la sécurisation des voies de communication maritimes est considérée par Pékin comme vitale.

A chacun son Indo-Pacifique : que cent doctrines s’épanouissent !

En 2023, treize pays avaient publié leur position sur l’Indo-Pacifique. Le Japon a été précurseur en ce domaine. Le livre passe en revue ensuite les positions de chaque pays concerné. Les Etats-Unis se pensent et se définissent comme une nation du Pacifique. L’Inde a conçu sa stratégie dans une volonté de rééquilibrage pour défendre la circulation des mers. L’ASEAN a mis du temps pour formuler sa doctrine. Elle tente une position la plus inclusive possible. Il existe des visions européennes complémentaires et concurrentes. La France a été pionnière en Europe dans l’élaboration d’une vision et d’une stratégie pour cette zone. Cela est assez logique quand on pense que c’est là que se situe 90 % de sa ZEE. Les autrices évoquent aussi les positions du Royaume-Uni, du Canada ou encore de la Russie.

Face aux menaces, le réarmement naval

Les états riverains considèrent la possession d’une marine puissante et technologiquement avancée comme un élément central de leur sécurité. Les Etats-Unis sont devant mais la Chine se rapproche. La signature d’un nombre croissant d’accords de soutien logistique et de stationnements des forces entre les principaux alliés et partenaires des Etats-Unis illustre une recherche d’interopérabilité et d’intégration. En 2022, la Chine a lancé son premier porte-avions de conception entièrement nationale. Elle développe également une série de missiles. L’Inde, la Japon et la Corée du Sud disposent , mais à un niveau moindre, de flottes très performantes. Le livre parle aussi des Etats européens dont la France.

La réinvention de la France en Indo-Pacifique

La France est consciente qu’aux yeux de ses voisins, la mise en avant de son statut d’état riverain ne suffit pas à en faire un acteur stratégique de premier plan. Elle dénonce la compétition sino-américaine. La diplomatie française espère trouver des marges de manœuvre supplémentaires en s’appuyant sur la vision européenne de l’Indo-Pacifique dont elle a largement inspiré les orientations. L’Indo-Pacifique continue de se construire sur un narratif de grande puissance alors qu’il peut de moins en moins échapper à la réalité d’une présence limitée et de moyens militaires insuffisants.

En conclusion les autrices insistent sur les points suivants : l’Indo-Pacifique reflète indéniablement le basculement du monde ainsi que le passage à une logique multipolaire. C’est dans cet espace que des grandes puissances cherchent à s’imposer. Les sujets d’inquiétudes dans la zone sont nombreux. En tout cas pour les grandes puissances, il est impossible de ne pas être présents d’une façon ou d’une autre dans cette zone. Cet ouvrage définit et pose clairement les enjeux de l’Indo-Pacifique, une zone à absolument considérer pour demain.