Le livre s’inspire assez librement du film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, Demain, diffusé en décembre dernier, et qui connaît un certain succès depuis trois mois (près de 700 000 entrées). La bande de papier qui entoure l’ouvrage est illustrée d’une photographie qui montre quatre des protagonistes du film. Pour autant, il ne s’agit de sa simple reprise, adaptée à un public jeune. L’histoire concerne en effet une famille : Lou (10 ans) et Pablo (7 ans), donc, et leurs parents. Un couple, une fille, un garçon : la famille idéale.
Le point de départ est constitué par une alerte à la pollution qui se produit le matin, à l’école, et par la projection d’un dessin animé lors du repas à la cantine sur les méfaits de l’alimentation industrielle : déforestation, élevage en batterie, etc. Ces deux événements marquent Lou (qui sert de narratrice, non sans un certain humour), laquelle interroge son père, dont les réponses sont très pessimistes : à cause de la surexploitation des ressources, l’humanité pourrait disparaître, après avoir causé l’extinction de nombreuses espèces vivantes. La conversation s’achève sur ce constat. Mais les enfants n’entendent pas en rester là : ils imaginent que des solutions doivent exister. Les prochaines grandes vacances sont l’occasion de parcourir le monde pour aller à la rencontre des personnes qui n’acceptent pas cette situation et cherchent à s’opposer au monde tel qu’il est. Le père prend les choses en main ; la suite de l’histoire en fait pourtant un personnage ambigu. S’il prépare le voyage, c’est qu’il détient une information sur les alternatives, auxquelles il est un tant soit peu sensibilisé. Néanmoins, les auteurs en font un grincheux, un sceptique accroché à ses convictions et assez peu ouvert, contestant jusqu’à l’absurde : un être finalement assez réactionnaire.
Mais il n’empêche que le grand voyage commence et emprunte les mêmes étapes que le film. Les thèmes y sont abordés dans le même ordre ; mais ils reposent sur une situation en particulier qui leur sert de cadre à chaque fois. Les auteurs ont imaginé que Lou envoyait une carte postale à l’un de ses amis, Gaspard, ce qui permet d’évoquer d’autres situations que le cadre du film ne permet pas de développer.
La famille arrive en Normandie et visite la ferme de Perrine et CharlesPerrine et Charles Hervé-Gruyer, qui pratiquent la permaculture, ou comment obtenir des rendements importants sur des parcelles restreintes, tout en travaillant à la main (ce qui permet de créer des emplois) et en respectant sinon en restaurant le milieu (et les hommes). L’exact contraire du système agricole intensif.
La destination suivante est Copenhague, où Else leur sert de guide. C’est l’occasion d’aborder la question de l’énergie et du transport. La capitale du Danemark fait en effet la part belle aux moyens de déplacement « doux » : la marche à pied, le vélo, les transports en commun. La circulation y est rapide, à un coût moins important (moins d’énergie consommée, moins de pollution), avec un bénéfice physique et sanitaire intéressant. Mais les Danois sont aussi impliqués dans la production d’électricité, puisqu’ils possèdent des éoliennes et des panneaux photovoltaïques en copropriété. Le projet de Copenhague est de parvenir à n’utiliser que des ressources renouvelables dans les dix années à venir.
Arrivés en Californie, les membres de la famille rencontrent Robert qui leur explique comment sont gérés les déchets, considérés avant tout comme des ressources à valoriser. Cela impose un tri assez poussé auxquels la population contribue. L’objectif de San Francisco est d’arriver à 100 % de déchets recyclés ou compostés en 2020, alors que l’agglomération en est déjà à 80 %.
À Bristol, la famille découvre ce que sont les monnaies locales. Là où le film est assez technique, les auteurs utilisent une histoire assez connue : celle de naufragés qui échouent dans une île déserte. Doués de compétences différentes, ils organisent un système de production et d’échange basé sur le troc. Arrive un autre naufragé, banquier, qui parvient à les convaincre que la monnaie peut être un moyen de faciliter les échanges : ils peuvent alors être différés dans le temps. Mais le tout est subordonné au fait que le banquier prête aux insulaires une monnaie qu’il a créée et dont il a le monopole, d’une part, et que, d’autre part, les emprunteurs doivent rembourser sans oublier de verser un intérêt en contrepartie du service rendu. La monnaie émise introduit un principe de rareté : il n’est pas permis d’en créer davantage, sous peine d’en diminuer la valeur. Mais on voit que si certains parviennent à rembourser, d’autres ne le peuvent pas : surendettés, ils finissent par être alors exclus du circuit économique. Mais surtout, le grand bénéficiaire est le banquier, puisqu’il s’approprie progressivement les biens des impécunieux, tout en s’enrichissant avec les intérêts versés par les autres, et se rend finalement rendu maître de l’ensemble du processus de décision politique, tandis que l’appauvrissement s’étend. Les insulaires finissent par en prendre conscience et à rejeter le système bancaire qui les asservit : le travail n’avait plus d’autre but que d’obtenir les moyens de faire face au remboursement des emprunts contractés. Ils gardent néanmoins le principe d’une monnaie, mais dont ils gardent la maîtrise entière et sans versement d’un intérêt. Les monnaies locales fonctionnent sur cette idée, dans un secteur géographique déterminé, ce qui permet de maintenir l’activité économique localement : les emplois sont de ce fait aussi mieux protégés. La monnaie nationale est utilisée pour acheter d’autres biens et services. Il y a donc complémentarité entre les deux systèmes, ce qui assure une meilleure diversitéL’association des plantes est aussi l’une des bases de la permaculture : complémentaires les unes les autres, elles résistent mieux aux maladies et aux prédateurs. et renforce la démocratie.
C’est cet approfondissement qui est également recherché par Elango, l’ancien maire de Kuttambakkam, en Inde. Il a créé des assemblées de citoyens, associées aux projets concernant la communauté des habitants. Les décisions prises, elles sont mises en œuvre par tout le monde. En outre, un système de micro-crédit est instauré, sans intérêt, ce qui a permis aux femmes, notamment, de parvenir à une certaine émancipation. Enfin, Elango a favorisé le rapprochement entre castes, avec l’édification d’un quartier mixte construit par ses futurs habitants.
Enfin, la famille parvient en Finlande, dans la banlieue défavorisée d’Helsinki, où elle est accueillie par Kari, le directeur d’une école. Les enfants sont étonnés en découvrant les faibles effectifs des classes (une quinzaine d’élèves), encadrées par deux adultes : cela permet de répondre aux besoins de ceux qui ont des difficultés. Tout le monde progresse. Kari leur indique qu’il n’y a pas d’inspection : le système repose sur la confiance. L’argent ainsi économisé est consacré à rémunérer les adultes qui sont dans les classes, à assurer leur formation. En outre, les élèves ont des activités très diversifiées : en plus des matières scolaires habituelles et des pratiques artistiques (musique, etc.), ils sont initiés à des travaux manuels comme la cuisine, la couture tout aussi bien que la réalisation d’objets en bois, en métal… En même temps que les élèves acquièrent une meilleure autonomie, les métiers techniques sont valorisés au titre que les autres, tandis qu’est atténuée la différenciation des activités entre filles et garçons. Enfin, le climat de l’école repose sur la confiance, l’empathie : les élèves doivent se sentir respectés, sécurisés, de façon à ce qu’ils respectent aussi les autres. À plus long terme, toutes ces pratiques visent à construire une société d’êtres responsables, capables de s’impliquer dans les décisions qui concernent l’ensemble de la communauté.
De retour chez elle, Lou raconte ce qui a changé dans sa vie. Sa famille (et même le père) a mis en œuvre certaines des solutions : trier, composter, semer, planter, respecter la nature et les autres.
Un résumé de ce qu’il est possible de faire à l’échelle individuelle d’un enfant est proposé sur deux pages.
Si l’histoire est simplifiée, par rapport au film, l’ouvrage demande la présence d’un adulte qui pourra apporter les explications aux questions que se posera inévitablement un enfant : j’en ai fait l’expérience avec l’un de mes fils âgé de huit ans. Je dois indiquer qu’il avait vu le film et l’avait beaucoup apprécié (ce qui ne le réserve donc pas aux adultes), et avait posé beaucoup de questions en s’interrogeant sur ses propres pratiques et celles de notre famille. En cela, l’initiative des auteurs ne se borne pas à seulement montrer : elle stimule la réflexion, même des plus jeunes, et invite à passer à l’action. Les parents doivent donc s’attendre à se remettre (ou à être remis) en cause…
Le livre permet de revenir sur ces éléments (ou de les initier, si le film n’a pas été vu, ce qui n’est pas une condition indispensable) : il pourra constituer la base d’un travail en classe ou à domicile, notamment sur le parcours géographique suivi qui pourra être retracé sur un planisphère (ou, mieux, un globe).
En revanche, le récit de Léo à sa fenêtre peut être laissé à l’écoute ou à la lecture (voire les deux en même temps) de l’enfant. La solidité du livre (une couverture très épaisse et une reliure de qualité : rien n’est négligé) offre d’ailleurs une bonne garantie pour sa manipulation. « Léo à sa fenêtre » peut tout aussi bien être un préalable aux aventures de Lou et Pablo que leur conclusion : plus court, plus simple, il est aussi plus accessible.
En résumé, le livre-CD s’adresse plutôt à des enfants d’environ sept ou huit ans au moins (ce qui correspond à peu près à l’âge de Lou et Pablo), même s’ils ne maîtrisent pas tout à fait la lecture. En-deçà (avec un enfant de cinq ans, par exemple), le récit demande un effort de concentration important ; pour autant, l’écoute du CD peut être envisagée.
Quoi qu’il en soit, la forme du livre-CD permet d’éveiller la curiosité d’un public relativement jeune, qui, si des questions se posent encore, pourra voir des extraits du film pour aller plus loin, ce qui n’exclue pas, bien au contraire, la présence d’un adulte. Les aventures de Léo, Lou et Pablo sont à recommander.
Lu et approuvé par Martin, 8 ans…