Auteur très prolifique, avec plus d’une quarantaine d’ouvrages dans des domaines très variés, Mokhtar Lakehal, livre ici un dictionnaire des relations internationales qui peut se révéler utile dans une approche géopolitique. Il ne comporte pas, et c’est bien dommage quelques cartes indispensables pour éclairer certaines politiques présentées dans ce dictionnaire.
Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales dans le cadre de prépa ENA de l’insitut d’études politiques de Lille.

Présenté dans un volume commode, l’ouvrage permet d’accéder rapidement à des informations très variées et diverses. Grâce à un index très bien conçu, le lecteur, l’étudiant ou l’enseignant pressé, pourra trouver très rapidement une notice bien utile et allant à l’essentiel sur des sujets de base.

Conférence de Berlin, pour rester dans le domaine colonial, Convention de Vergara, pour comprendre pourquoi les Bourbons d’Espagne n’appliquent pas la loi salique, Pacte russo-finlandais, pour éclairer ce concept de « finlandisation » qui fait hurler du côté d’Helsinki, autant de définitions plutôt éclairantes sur de très vastes sujets.

La rédaction de notices dans un dictionnaire ou une encyclopédie est en effet un exercice difficile. L’auteur doit faire des choix, à la fois dans les sujets traités et en même temps dans les notices elles-mêmes. Comment être exhaustif, ce qui est le but recherché, dans un volume réduit, celui de la contrainte éditoriale ?

La difficulté de l’exercice

Enfin, les connaissances de telle ou telle question trouvent vite leurs limites dès lors que l’auteur d’une telle somme est unique. Mokhtar Lakehal est un économiste de formation et ses notices sur les différents paradoxes, Léontieff, Malestroit, Metzler, Triffin sont en effet fort précieuses. On aurait tout de même pu espérer savoir, même en quelques mots, qui étaient ces illustres penseurs de la chose économique et à quelle époque ils commirent leurs analyses.

Pour ce qui concerne quelques sujets précis, certaines notices sont parfois sujettes à caution. La crise des ciseaux par exemple est traitée uniquement sous l’angle graphique, celui qui amène à se croiser ceux courbes, celle des prix de détail par exemple et celle des salaires. Or, un historien connaisseur de l’évolution politique de l’URSS entre la NEP et la collectivisation, au plus fort des débats entre Boukharine et Préobrajensky, pourra rétorquer qu’il s’agit d’une crise effective liée à la baisse des prix agricoles en Russie soviétique au moment de la NEP, du fait de la relance de la production par les koulaks, et la forte hausse des prix industriels, dans un pays ravagé par quatre années de guerre étrangère et quatre autres de guerre civile.

De la même façon il arrive parfois que la continuité des événements pêche quelque peu. Pourquoi citer par exemple l’un des sommets de Ryad en Arabie Saoudite, ouvert en 1976, du fait de la guerre civile libanaise pour ne pas traiter les accords de Taëf, toujours dans la terre des deux lieux Saints, qui y mettent fin en 1989 ?

La recherche récente

Dans le domaine des relations internationales, l’immédiateté cohabite souvent avec des formules surannées, que l’on trouve parfois au détour d’une notice. On aurait aimé savoir à quoi renvoie cette notion de « utis possedis juris », mieux connue comme « utis possedetis juris », qui permet de définir l’intangibilité de certaines frontières.

D’autres questions très connues sont également traitées un peu vite et les notices ne prennent pas toujours en compte l’état de la recherche récente. La crise de Cuba par exemple, est traitée sous l’angle habituel, celle d’un recul soviétique lié à la détermination des États-Unis. Or, depuis l’ouverture des archives soviétiques, depuis tout de même plus de 10 ans, les spécialistes savent que la détermination de Kennedy reposait sur une fausse information issue de la CIA, celle selon laquelle les têtes nucléaires des SS 4 et 5 installés à Cuba n’étaient pas encore opérationnelles.

Dans le domaine des stratégies, on se demandera également pourquoi, dans la doctrine des « représailles graduées », Mc Namara, n’est pas cité. L’évolution ultérieure du personnage, conseiller de Kennedy et promoteur de la guerre du Vietnam, aurait pu justifier une mention de paternité.

Cette recension ne vise pas à accabler un auteur qui s’est livré à l’exercice difficile de rédiger une synthèse accessible dans un domaine très pointu. L’ouvrage souffre sans doute du fait qu’il ait été commis par un auteur unique pour un domaine trop vaste. Une équipe d’auteurs aurait pu apporter des éclairages très différents et complémentaires.

Malgré ces limites, ce dictionnaire est parfaitement utile et peut tout à fait figurer dans n’importe quelle bibliothèque et centre de documentation. En quelques minutes, la plupart des grands faits des relations internationales trouvent une explication de base, et c’est tout de même l’essentiel. Pour le reste, on cherchera à approfondir dans des ouvrages spécialisés, mais bien plus difficiles d’accès.

Bruno Modica

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