Comme le dit Philippe Meirieu dans la préface de cet ouvrage, « il n’y a vraiment de pédagogie que différenciée ». Ce livre collectif est le fruit du travail d’enseignants de lettres classiques, de mathématiques, d’anglais ou d’histoire-géographie qui, au-delà de leur matière, se retrouvent tous sur un point : la nécessité de la différenciation. Les auteurs identifient quatre variables sur lesquelles s’appuyer pour la mener à bien. L’ouvrage comprend un certain nombre d’encarts qui sont des témoignages ou des approfondissements.
Levons les doutes
Différencier ne veut pas dire individualiser pour chaque apprenant. S’appuyant sur les travaux de Laurent Lescouarch, les auteurs rappellent d’abord les trois types de différenciations qui existent. Partant du témoignage d’Olivier Letot, enseignant en mathématiques qui est un des auteurs, le livre met en évidence quatre principes qui seront ensuite développés : l’établissement d’un lien positif avec les élèves, la prise en compte du rythme d’apprentissage, un étayage personnalisé et une évaluation bienveillante. A chaque fois, les auteurs posent le principe et le chapitre qui suit donne des clés pour y parvenir. Il ne s’agit pas d’idées nouvelles comme le disent eux-mêmes les intervenants, mais encore faut-il les connaître et disposer d’idées pour les mettre en pratique. Tout cela peut évidemment s’appliquer à tous les âges et les témoignages et les expériences relatées le montrent.
Instaurer une relation de qualité avec les élèves
Les auteurs soulignent d’abord l’importance du climat de classe et, par exemple, pointent l’importance de donner la parole aux élèves. Cela peut sembler du bon sens élémentaire mais, parfois, en voulant aller trop vite à la transmission de savoirs, on peut oublier d’indispensables préalables. Partant de ce constat, les auteurs proposent donc quelques clés pour instaurer justement cette « relation de qualité » qu’ils appellent de leurs vœux. L’enseignant se doit de montrer deux qualités : la proximité et l’empathie. Il faut aussi prendre le temps d’expliciter sa démarche. Cela implique également de ménager des moments de respiration, sous une forme ou sous une autre, et, en liaison avec le premier chapitre, tenter de ménager des moments où l’élève prend la parole. Cela n’est pas limité au primaire comme le prouve ce témoignage intéressant d’un enseignant de mathématiques qui propose en début d’heure à l’élève qui le souhaite de venir expliquer une notion mathématique. Cela peut participer d’un rituel de classe qui est très important pour que s’établisse ce climat propice à l’apprentissage. Un des points sur lesquels on peut aussi travailler, c’est celui de développer la coopération entre les élèves. Les auteurs s’appuient ici notamment sur les travaux de Sylvain Connac qui distingue aide, entraide, travail en groupes et tutorat. Signalons enfin que l’aménagement même de la classe peut être un point sur lequel travailler.
Prendre en compte le rythme d’apprentissage de chacun
Il y a quatre moments où on peut agir : le temps de la séance, de la séquence, de l’année ou du cycle. L’auteur évoque ici une expérience menée il y a quelques années et qui a consisté à faire varier la durée de la séance de cours en passant à une heure trente avec des résultats intéressants. Mais le temps n’est pas tout ; encore faut-il proposer des activités qui impliquent les élèves. Il faut qu’il y ait un temps d’activité de leur part mais aussi un temps de consolidation. Se pose ensuite la question des devoirs qui ne doivent pas être des mises en danger des élèves. Il est également fondamental d’indiquer aux élèves sur quoi ils vont être évalués. Le chapitre 4 s’attache donc à fournir des leviers pour parvenir à ces objectifs. On peut concevoir des dispositifs qui favorisent des temps d’activités différenciées en mettant en place par exemple des défis ou des bonus qui permettent à certains élèves de se dépasser. On peut aussi proposer aux élèves une restitution de leur travail en deux temps, c’est-à-dire avec un premier moment où l’enseignant peut pointer ce qui pose souci, avant de ramasser définitivement le travail.
Proposer un étayage personnalisé
« Apprendre c’est franchir un obstacle ». Il ne faut donc pas revoir d’emblée les exigences à la baisse si un élève n’arrive pas à réaliser tel ou tel exercice, mais plutôt proposer des dispositifs qui permettent de surmonter une difficulté initiale. Les auteurs présentent ici la théorie des « intelligences multiples » d’Howard Gardner et, même si on n’est pas forcément d’accord avec tous les profils qu’il propose, il a au moins le mérite de conjuguer l’idée d’intelligence au pluriel. Le livre revient ensuite sur l’idée d’enseignement explicite, c’est-à-dire un enseignement qui consiste à faire voir à l’élève ce qu’il doit apprendre, le chemin qu’il doit suivre en rendant plus visibles les liens entre les nouvelles connaissances et celles apprises antérieurement. On pourra s’arrêter ici sur la proposition de tutorat entre les élèves.
Mettre en œuvre une évaluation au service du progrès de chacun
L’évaluation doit servir à valoriser et il ne faut pas se contenter à l’issue de l’une d’elle, de délivrer un commentaire comme « sois plus rigoureux », conseil sans doute de bon sens, mais inapplicable par un élève. Les auteurs proposent un document « contrat de confiance sur l’évaluation » très intéressant qui distingue les constats et les pistes pour faire de l’évaluation quelque chose de vraiment utile. C’est l’occasion de poser la question du statut de l’erreur. Il faut développer l’auto évaluation et, notamment, grâce aux outils numériques qui automatisent une partie du travail pour le professeur. Parmi les autres points abordés, le livre met l’accent sur ce qu’il nomme « l’évaluation hors menace », et montre de façon générale que sur l’évaluation il faut développer des procédures qui rassurent les élèves. Il est indispensable de réaliser des gammes, c’est-à-dire de s’entrainer avant le jour J. Enfin, il faut penser à l’oral mais également avoir une grille d’évaluation connue des élèves.
En à peine plus de 150 pages, cet ouvrage collectif apporte donc des idées très précises et très concrètes sur la question de la différenciation. Distinguant clairement quatre principes qui, sans être révolutionnaires, sont à connaître. l’ouvrage offre de nombreuses pistes pour aider l’enseignant qui souhaite aller vers plus de différenciation.
(c) Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.