Retracer la vie chaotique, houleuse, exceptionnelle à bien des égards de Sarah Bernhardt. Voici le pari de Marie Avril et d’Eddy Simon. Marie Avril est une illustratrice de presse, de publicité et de jeux de société. Eddy Simon est journaliste et auteur de biographies (Renoir, Eiffel) et de bande dessinée. Les deux auteurs ont déjà travaillé ensemble sur Confidences à Allah chez Futuropolis.
Surnommée par Victor Hugo « La voix d’or » et par la presse « La divine », Sarah Bernhardt est l’artiste qui incarne le mieux la folie de la Belle Epoque. C’est une tornade qui a emporté avec elle certains carcans qui enserraient les femmes à la fin du XIXe siècle. Jean Cocteau a inventé pour elle le terme de « monstre sacré », si couramment dévoyé de nos jours.
Les auteurs retracent la vie de l’actrice dramatique, de ses jeunes années dans les hôpitaux montés à la hâte pour la guerre de 1870 à sa mort, solitaire mais plus sereine, à Paris en 1923. Il est clairement impossible de relater en détails la vie mouvementée de Sarah Bernhardt. Les auteurs ont donc choisi certains passages, certains moments, et d’éviter certains autres.
Mais ce qui ressort ce de portrait, c’est d’abord celui d’une femme libre, en rupture avec son époque et ses moeurs. Femme libre, qui multiplie les rencontres, parfois les monnaye, surtout avec les plus grands. Femme libre qui refuse d’être liée à un théâtre et ose ouvrir le sien. Femme désirée dans le monde entier qui voyagera à travers les continents pour laisser éclater à la vue du monde l’étendue de ses talents. Femme de devoirs envers sa nation et ceux qui la défendent: même amputée, elle se rend à plusieurs reprises sur le front de la Ière Guerre mondiale. Femme provocante qui comprend bien avant l’heure le nouveaux codes de la société de consommation et du buzz.
Au travers de cette BD est dépeinte aussi le rapport très compliqué de cette femme avec la filiation et la maternité. Jamais attachée à un homme, amoureuse de la vie et de la liberté, Sarah Bernhardt n’a que peu ressenti ce désir d’enfant que toute femme se devait d’avoir à cette époque. Ses rapports tendus avec sa mère peuvent l’expliquer, au-delà de la volonté de scandaliser et de se mettre en rupture.
Ce récit captivant s’accompagne d’un dessin virevoltant pour les planches et de magnifiques aquarelles et gouaches pour illustrer le début de chaque chapitre. Le travail de Marie Avril rend pleinement hommage à cette époque.